Volume 77, no 45 le 16 décembre 2013
« Ramón est une personne avec des principes et des valeurs, » a déclaré Pérez, parlant à une émission de radio populaire de langue espagnole à Miami. « C’est quelqu’un qui vous rend fier de le connaître. »
Ramón Labañino est l’un des cinq révolutionnaires cubains qui luttent contre un coup monté politique orchestré par le gouvernement U.S.
Interviewé en janvier dernier dans l’émission La tarde se mueve (L’après-midi avance) sur les ondes de Radio Progreso, Secundino Pérez a raconté à l’animateur Edmundo García ses expériences avec Labañino pendant les six mois durant lesquels ils étaient tous les deux dans la même unité dans le Centre de détention fédéral à la fin de 2009 et au début de 2010. À cette époque, Labañino attendait une audience devant un tribunal fédéral pour une révision de sentence. Pérez a depuis été mis en liberté conditionnelle.
« Au début, j’étais un peu mal à l’aise à l’idée d’approcher Ramón, » a dit Pérez qui n’avait entendu que de la propagande biaisée sur les Cinq Cubains. Les médias locaux décrivaient à tort les Cinq Cubains comme « les espions cubains. » « Mais quand j’ai appris à connaître Labañino, j’ai vu le genre de personne qu’il est. Nous sommes devenus de bons amis tout en respectant chacun les idées de l’autre. »
Dans ses conversations avec les prisonniers, « il ne disait pas seulement : « Voilà comment sont les choses. » Il essayait de vous faire comprendre les choses. […] Pour que vous compreniez progressivement comment les choses sont vraiment, » a dit Pérez, qui est venu aux États-Unis il y a 14 ans de la province de Pinar del Río à Cuba où il travaillait comme médecin.
Respecté par ses codétenus
Dans le monde carcéral, il y a des individus qui imposent le « respect par la peur, » a dit Pérez. Labañino a attiré un autre type de respect, celui « qui vient du cur. »
« Il a toujours respecté les idées et les convictions de chacun, » a déclaré Pérez. Et tout le monde le respectait, « même les gardiens. »
S’il voyait qu’un codétenu ne se sentait pas bien, Labañino « était le premier à aller le voir et essayer de lui remonter le moral, a déclaré Pérez. Il ne se souciait pas de quelle nationalité vous étiez — Cubain, Nicaraguayen ou quoi que ce soit d’autre, il vous demandait ce qui n’allait pas et s’il pouvait vous aider, il le faisait avec plaisir. Çà c’est Ramón. »
Ramón lui disait toujours : « Essaie de garder ton esprit occupé par quelque chose de productif. Puisque que nous sommes ici, occupe-toi avec quelque chose de productif comme les échecs, lire un bon livre, te faire un bon repas. »
Labañino lisait beaucoup, prêtait des livres à d’autres prisonniers, suivait les journaux et recevait beaucoup de messages de soutien et autre correspondance, a dit Pérez.
Il parlait beaucoup de la révolution cubaine. « Ramón était très intéressé par tout ce qui se passait à Cuba et il a une vision large. Sur toute question relative à Cuba, n’importe quel problème, on s’asseyait et on parlait. Il ne cherchait pas à vous convaincre — nous parlions et nous arrivions à atteindre une certaine compréhension.
« Nous suivions les nouvelles. » Ils écoutaient Radio Progreso ainsi que des émissions de radio en provenance de Cuba. En utilisant de petites radios à piles, « nous avons dû faire preuve de créativité. Il fallait se tenir droit contre le mur » pour capter un signal.
Quand ils ont discuté du coup monté organisé par le gouvernement U.S. contre les Cinq Cubains, Labañino lui a montré le rapport du procès. « Il me l’a donné pour que je puisse le lire, pour que ce ne soit pas seulement ce qu’il disait mais pour que je puisse voir les faits par moi-même, » a déclaré Pérez.
« Sentez-vous redevable » de ce qu’ont fait les Cinq
Beaucoup de codétenus au Centre de détention fédéral sont devenus convaincus que les Cinq « ont été injustement emprisonnés, » a-t-il noté. En infiltrant des groupes paramilitaires cubains-américains en Floride, « ils montaient la garde pour le peuple cubain, pour empêcher le terrorisme contre Cuba. Le procès n’a jamais prouvé autre chose que ce qu’ils faisaient réellement. »
Il a souligné le comportement altruiste des Cinq, y compris la séparation d’avec leurs proches, le fait de ne pas dire à leurs familles ce qu’ils faisaient jusqu’après leur arrestation et les longues peines de prison qui leur ont été imposées. « Les choses auxquelles ils ont renoncé pour protéger le peuple cubain ; on se sent endettés envers eux pour la vie, parce que c’était un si beau geste rempli d’amour et de sacrifice, » a-t-il dit.
« Ramón est un grand gars, » c’était un athlète dans sa jeunesse, a noté Secundino Pérez. Mais les années de prison laissent leur marque. « Il a eu des problèmes de santé, notamment avec ses genoux mais il fait beaucoup d’exercices. » Ramón Labañino souffre maintenant d’arthrite, ce qui rend la marche difficile.
Secundino Pérez a dit qu’il a vu Elizabeth Palmeiro, la femme de Ramón Labañino, une fois quand elle est venue lui rendre visite à la prison de Miami. « Ma famille a rencontré sa famille à Cuba et ils ont amorcé une amitié qui se poursuit. Elizabeth a mené une lutte depuis Cuba et a tout fait pour que ses trois filles sachent que leur père est avec eux dans la pensée même s’il n’est pas là physiquement. C’est très important et elle a fait cela très bien et avec beaucoup de courage. Le soutien de la famille est important pour toute personne qui est en prison. »
Ramón Labañino, ainsi que Antonio Guerrero et Fernando González, ont été transférés au Centre de détention fédéral à Miami en septembre 2009, après qu’une cour d’appel fédérale a ordonné la tenue de nouvelles audiences pour redéfinir les peines de prison pour les trois, parce que leurs condamnations allaient au-delà des recommandations fédérales. Les autorités américaines espéraient, selon les propres mots de la procureure fédérale Caroline Heck Miller, calmer la « passion » et le « bruit » suscités par la campagne internationale pour la libération des Cinq Cubains. Lors d’une audience, le 8 décembre 2009, la peine de prison à vie de Ramón Labañino sur de fausses accusations de « complot en vue de recueillir et de transmettre des informations relatives à la défense nationale à un gouvernement étranger » a été réduite à 30 ans.
« Je me souviens qu’il se sentait un peu mal ce soir-là, a dit Secundino Pérez. Mais c’est quelqu’un qui rebondit, qui ne se laisse pas décourager et le lendemain, il semblait plus à l’aise. Il m’a dit : « Ce combat n’est pas fini, nous devons continuer de lutter. »
Secundino Pérez a dit qu’il a été frappé avant tout par le fait que Ramón « ne se préoccupait pas de lui-même. Il pensait qu’il fallait continuer la lutte pour Gerardo. »
Gerardo Hernández est celui des Cinq qui a été condamné à la peine la plus sévère : deux peines concurrentes de prison à perpétuité plus 15 ans. Même si les peines de prison à perpétuité sur des accusations de complot d’espionnage ont été réduites pour Ramón Labañino et pour Antonio Guerrero, la sentence de Gerardo Hernández est restée inchangée parce que le tribunal a jugé qu’elle « n’influençait pas le temps qu’il allait passer en prison. »
L’autre peine de prison à perpétuité imposée à Gerardo Hernández l’a été pour « complot en vue de commettre un meurtre, » basée sur la fausse allégation que Gerardo Hernández serait en partie responsable de la destruction par le gouvernement cubain de deux avions hostiles qui avait envahi l’espace aérien cubain en 1996 au mépris des avertissements répétés de La Havane. Les avions étaient pilotés par des membres du groupe de droite les Frères à la rescousse, dans le cadre d’une escalade de provocations visant à provoquer une confrontation entre La Havane et Washington.
Lorsqu’on lui a demandé comment il avait été influencé par Ramón Labañino, Secundino Pérez a répondu : « J’ai appris qu’on peut faire des erreurs dans la vie mais qu’on ne peut pas vivre dans le mensonge. Quand on vit dans la vérité, on ne connaît pas la peur. Et ça, c’est Ramón. »
« Leur calibre »
Lorsque Ramón Labañino était sur le point d’être transféré de la prison de Miami, Secundino Pérez lui a dit : « Je vais sortir de prison avant toi, et je serai là, quelque soit le besoin. »
L’animateur, Edmundo García, était parmi les partisans des Cinq Cubains qui ont assisté aux audiences de révision de peine en 2009. « Vous avez vu Ramón en prison et moi, je l’ai vu dans la salle d’audience, a-t-il dit à la fin de l’émission. Et il y a des choses que je n’oublierai jamais. »
Ramón, a-t-il dit à Secundino Pérez, « est entré dans la salle d’audience avec ses mains en l’air, menotté, et s’est tourné vers les personnes qui, il le savait, étaient engagées dans la lutte pour la libération des Cinq pour les raisons que vous avez expliquées. Il a levé ses mains menottées avec un signe de victoire, et cela a été très émouvant pour moi. »
Edmundo García a remercié Secundino Pérez « pour ce témoignage sur les qualités humaines de Ramón Labañino. » Il a terminé en disant : « Ce sont ces mêmes qualités humaines que possèdent tous les Cinq, parce que c’est exactement le calibre de ces hommes. »
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Qui sont les Cinq Cubains
Gerardo Hernández, Ramón Labañino, Antonio Guerrero, Fernando González et René González sont des révolutionnaires cubains qui, au cours des années 1990, ont accepté des affectations du gouvernement cubain pour recueillir des informations sur les activités de groupes cubains-américains contre-révolutionnaires opérant dans le sud de la Floride. Ces groupes paramilitaires, qui fonctionnent en sol américain en toute impunité, ont un long passé d’attentats, d’assassinats et d’autres attaques meurtrières menées tout aussi bien contre des cibles à Cuba que contre des partisans de la révolution cubaine aux États-Unis, à Porto Rico et ailleurs.
Le 12 septembre 1998, les cinq ont été arrêtés par le FBI. Ils ont été victimes d’un coup monté. Plusieurs accusations ont été portées contre eux, dont celles d’avoir agi comme agents non enregistrés du gouvernement cubain et de possession de faux documents d’identité. Sans l’ombre d’une preuve, trois d’entre eux ont été accusés de « conspiration en vue de recueillir et de transmettre des informations de défense nationale. »
Le coup monté et les longues sentences imposées aux Cinq font partie de la campagne que mène Washington depuis plusieurs décennies pour renverser le pouvoir politique de la classe ouvrière à Cuba et pour punir les travailleurs de ce pays pour avoir fait et préservé une révolution socialiste à moins de 150 kilomètres des côtes de la Floride.
Tous sont toujours en prison, sauf René González, qui est retourné à Cuba en mai 2013.
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