Année 78, no 41 le 17 novembre 2014
Compaoré a gouverné ce pays enclavé de 17 millions d’habitants depuis qu’il a usurpé le pouvoir en 1987 par un coup d’État qui a renversé une révolution populaire démocratique avec les assassinats de son dirigeant central Thomas Sankara et d’autres cadres révolutionnaires.
Le Burkina Faso est un des pays les plus pauvres du monde. L’espérance de vie est de 56 ans, le taux de mortalité infantile est le neuvième plus haut dans le monde et environ 90 pour cent de la population travaille dans l’agriculture de subsistance. Le gouvernement de Compaoré a renversé les projets sociaux qui visaient à lutter contre cet héritage et a priorisé les efforts pour attirer les investissements de capitaux étrangers dans les mines d’or et le coton. Plusieurs années de baisse des prix de ces produits ont entraîné un ralentissement économique et la détérioration des conditions sociales de la majorité de la population.
La révolte contre le régime de Compaoré a été préparée dans les jours qui ont précédé le 30 octobre, date à laquelle était prévu le vote de l’amendement. « Nous avons aidé à organiser des caravanes de voitures et de motos qui allaient dans les marchés et les stations d’essence à travers le pays pour exhorter les gens à manifester, » a déclaré Serge Bambara, un chanteur de rap connu sous le nom de « Smokey » et l’un des dirigeants du groupe Balai Citoyen, dans un entretien téléphonique le 4 novembre depuis Ouagadougou, la capitale. « Les gens ont érigé des barricades sur toutes les routes et dans toutes les villes. Nous nous sommes rassemblés près de l’Assemblée nationale la nuit du 29 octobre et y sommes restés. »
Les manifestations ont pris de l’ampleur et se sont poursuivies les 30 et 31 octobre, à mesure que de plus en plus nombreux ont été ceux qui ont pris confiance à participer aux actions de rue organisées par plusieurs partis d’opposition, syndicats et autres groupes.
Différentes ailes du corps des officiers et des sections de la classe possédante qui dirige le pays se sont bousculées pour concocter un nouveau gouvernement, rivalisant entre elles pour s’emparer du pouvoir en même temps qu’elles cherchaient à fermer l’espace ouvert pour les travailleurs par les mobilisations populaires pour s’organiser et lutter.
Après le départ de Compaoré, le général Honoré Traoré, chef d’état-major de l’armée, a déclaré le 31 octobre qu’il serait en charge du pouvoir jusqu’à ce que des élections puissent avoir lieu dans un an. Le lendemain, face à de nouvelles protestations contre Traoré, un groupe de jeunes officiers dirigé par le lieutenant-colonel Yacouba Isaac Zida a pris le pouvoir.
Préoccupés avant tout de mettre fin au mouvement de protestation, Washington, Paris et les gouvernements africains alliés sous la rubrique de l’Union africaine ont demandé à l’armée de remettre le pouvoir aux autorités civiles.
Le 2 novembre, à Ouagadougou, quelque 1000 manifestants qui réclamaient un gouvernement civil à l’appel de partis d’opposition ont été dispersés par les soldats.
Depuis, les manifestations ont régressé, pour le moment.
Regain d’intérêt dans la révolution de 1983
Le renversement de Compaoré a renouvelé le débat et l’intérêt autour de l’héritage politique de Thomas Sankara et des progrès de la révolution démocratique et populaire qu’il avait dirigée. La révolution de 1983-1987 avait nationalisé les terres afin de garantir aux producteurs agricoles ruraux le fruit de leur travail; elle avait lancé une campagne de masse de plantations d’arbres et de projets d’irrigation pour arrêter l’avancée du désert; elle avait organisé des campagnes d’alphabétisation et de vaccination massives et avait rendu accessible pour la première fois les soins de santé de base à des millions de personnes. Les femmes ont été intégrées en grand nombre dans la transformation sociale, qui comprenait un combat pour lutter contre l’oppression des femmes.La révolution burkinabé sous la direction de Sankara s’identifiait avec les révolutions à Cuba et au Nicaragua et a défendu les luttes des paysans, des ouvriers et des peuples opprimés de la région, depuis la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud jusqu’aux luttes nationales des Palestiniens au Moyen-Orient et du peuple sahraoui en Afrique du Nord-Ouest. Elle a cherché à construire un mouvement mondial parmi les nations semi-coloniales pour l’annulation de la dette due aux centres impérialistes de la finance.
Compaoré était un proche allié de Washington et Paris, lesquels ont établi des bases militaires dans le pays. Au cours des deux dernières années, le gouvernement US a alloué plus de 15 millions de dollars dans des fonds de « lutte contre le terrorisme » pour renforcer les capacités militaires du régime Compaoré.
Les manifestants ont surnommé leur protestation le « Printemps noir », un terme inspiré par le « Printemps arabe » commencé avec les soulèvements de 2011 en Tunisie et en Égypte qui ont renversé les dictateurs haïs. Les protestations inquiètent les classes exploiteuses dans toute la région. En République démocratique du Congo, par exemple, les responsables de la prison de la capitale ont retirés les postes de télévision des cellules des détenus pour les empêcher de regarder les nouvelles du pays voisin, a rapporté l’Agence France-Presse.
La couverture médiatique capitaliste aux États-Unis et en Europe a dépeint une image de « chaos », en mettant l’accent sur les bâtiments brûlés et les pillages et la malheureuse perte d’un allié stable dans Compaoré. « Il est resté proche des français au cours de sa présidence et en est venu à être perçu comme un leader pro-occidental et allié dans la lutte contre le militantisme islamiste dans la région », a écrit le New York Times le 31 octobre.
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