Année 79, no 1 le 19 janvier 2015
Cette année, Cuba était le pays d’honneur. Une importante délégation composée d’écrivains, d’éditeurs et de cinéastes cubains dirigée par Zuleica Romay Guerra, directrice de l’Institut cubain du livre, y a participé. Son stand présentait des livres sur les relations politiques et culturelles réciproques entre les peuples de Cuba et d’Haïti et un large éventail de livres sur la révolution cubaine et sa place dans le monde.
Des membres de la délégation cubaine ont aussi fait des présentations à de nombreux événements publics et ont contribué aux moments musicaux et culturels du salon. La réalisatrice cubaine Gloria Rolando a fait découvrir à deux reprises Reembarque, un film sur les travailleurs agricoles haïtiens à Cuba durant la phase d’expansion de la canne à sucre dans les années 1920 et 1930.
Au Cap-Haïtien, à la pointe nord de l’île, une activité a célébré la vie de José Martí. Pedro Pablo Rodríguez, un des directeurs d’édition du Centre d’étude de José Martí à Cuba, y a pris la parole. Lors de l’une de ses présentations à Port-au-Prince, Pedro Pablo Rodríguez a expliqué que José Martí, dirigeant central de la lutte pour l’indépendance de Cuba, avait visité Haïti à trois reprises. Il était parmi les premiers, avec d’autres révolutionnaires de la fin du dix-neuvième siècle, à avoir contesté les justifications politiques et sociologiques de la domination impérialiste à Haïti.
Le gouvernement révolutionnaire de Cuba maintient une mission médicale ici depuis 1998, suite aux dégâts massifs causés par l’ouragan George. Ce programme a pris de l’ampleur au cours des 16 dernières années, impliquant plus de 3 500 professionnels de la santé de Cuba qui offrent leurs services gratuitement. Pour beaucoup d’Haïtiens, les médecins cubains sont les seuls médecins qu’ils ont vus de leur vie.
« Cuba a beaucoup contribué à la réussite de la foire du livre cette année, » a dit au Militant Frantz Carly Jean Michel, directeur de la Direction nationale du livre d’Haïti, qui a organisé l’événement. « La présence de Cuba a suscité beaucoup d’intérêt et sa participation avec de la musique, des livres et des films a aidé à rendre la foire plus instructive et agréable. »
L’invité d’honneur du salon était le célèbre auteur haïtien Michel Soukar, qui a écrit abondamment sur l’histoire du début de la domination impérialiste US de l’île. Comme prélude au centenaire de la première occupation US d’Haïti, qui a duré de 1915 à 1934, les organisateurs de la foire du livre ont choisi Michel Soukar afin de promouvoir la compréhension de ce chapitre de l’histoire haïtienne et de sa pertinence par rapport à la situation politique actuelle du pays. Aujourd’hui, sous la direction de Washington, des milliers de soldats des Nations unies sont en garnison à Haïti et agissent comme la force militaire du pays.
Frantz Carly Jean Michel a ajouté que le salon représentait un important pas en avant dans la promotion de la culture et de l’apprentissage à Haïti. Un effort particulier a été fait pour faire venir des élèves de tout Port-au-Prince. Ils sont venus en autobus vêtus de leurs uniformes scolaires. De nombreux stands proposaient de la littérature pour jeunes adultes et pour enfants. « Les activités organisées en province ont représenté un autre point fort de cette foire du livre par rapport à l’an passé, qui était concentrée à Port-au-Prince, » a-t-il dit.
La littérature révolutionnaire est appréciée
Les éditions Pathfinder, qui publie des livres marxistes et ouvriers, avait un stand présentant près de 30 titres en français, y compris des livres récemment publiés sur la lutte pour libérer les Cinq Cubains — Voix depuis la prison : Les Cinq Cubains et Je mourrai comme j’ai vécu. Le stand de Pathfinder a également proposé une sélection d’écrits de dirigeants révolutionnaires du monde entier en anglais et en espagnol.
Rodney Casseus, un étudiant en première année de l’université, a dit qu’il était impressionné par l’ampleur des livres proposés au salon et en particulier par le stand de Pathfinder. « Nous n’avons pas beaucoup d’accès aux livres sur l’histoire et la culture en Haïti et dans le monde, a-t-il dit. Il y a une crise en Haïti depuis des années, et ces livres permettent de jeter un regard neuf sur les problèmes sociaux et économiques du pays. »
Beaucoup de ceux qui se sont arrêtées au stand de Pathfinder ont parlé des manifestations à Port-au-Prince et ailleurs en Haïti au cours des dernières semaines appelant au départ du président Michel Martelly et à de nouvelles élections. Le premier ministre Laurent Lamothe et plusieurs autres ministres du gouvernement ont démissionné le 14 décembre, mais les protestations exigeant la démission de Michel Martelly se poursuivent.
Comme beaucoup d’autres qui se sont arrêtés au stand, Rodney Casseus a expliqué qu’il est opposé à la politique du régime actuel, mais qu’à son avis les forces d’opposition qui organisent beaucoup des manifestations contre Martelly sont de la même nature que le président discrédité. « C’est une opposition qui favorise toujours les intérêts des riches et non ceux du peuple. »
Les travailleurs et les agriculteurs en Haïti sont encore sous le choc des effets du séisme dévastateur de 2010 qui a fait 100 000 morts et qui a laissé des dizaines de milliers de personnes sans logement, eau potable, services sanitaires ou soins de santé. Il y a encore des camps de tentes autour de Port-au-Prince qui ont été mis en place comme logements temporaires il y a quatre ans. Les travailleurs doivent passer des heures chaque jour pour se rendre au travail ou obtenir des produits de base, car de nombreuses routes restent endommagées et il y a une pénurie de transports en commun.
« Dans un pays où 60 pour cent de la population dépend de l’agriculture pour gagner sa vie, les conditions à la campagne sont pires à bien des égards, » a précisé au Militant Cantave Jean-Baptiste, un agronome qui a fait partie d’un puissant mouvement paysan dans les années 1980 dans la lutte contre la dictature haïe de la famille Duvalier. « Les agriculteurs haïtiens sont isolés et contraints de faire face à tous leurs problèmes individuellement, a-t-il dit. Il n’y a pas de mouvements coopératifs ou de programmes gouvernementaux pour aider les agriculteurs.
« Les agriculteurs en Haïti aujourd’hui utilisent beaucoup des mêmes outils — des boeufs et des charrues — qui étaient utilisés à l’époque coloniale. Et même ces outils ne sont pas efficaces sur le terrain montagneux que cultivent un grand nombre d’entre eux, » a dit Cantave Jean-Baptiste.
Il a également fait remarquer la « longue histoire de la lutte pour la terre en Haïti qui se développera encore à l’avenir. » Il a acheté plusieurs livres au stand de Pathfinder qui portent sur les leçons de l’alliance des travailleurs et des agriculteurs dans les luttes à travers le monde.
Les livres de Thomas Sankara, le dirigeant de la révolution de 1983 à 1987 au Burkina Faso, étaient parmi les œuvres les plus populaires au stand de Pathfinder et ont été rapidement tous vendus. Intéressés par les récentes mobilisations de masse au Burkina Faso qui ont renversé le régime de Blaise Compaoré, de nombreux visiteurs ont demandé aux travailleurs socialistes des États-Unis et du Canada présents en tant que bénévoles de leur parler de la révolution au Burkina Faso et du cours politique de Thomas Sankara.
En tout, les participants ont acheté 288 livres au stand de Pathfinder pendant le salon de trois jours. Les organisateurs ont invité les éditions Pathfinder à revenir l’année prochaine et à venir rejoindre les nombreux groupes haïtiens qui organisent des activités le 15 juillet prochain pour marquer le centième anniversaire de la première occupation US d’Haïti.
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