Année 79, no 25 le 20 juillet 2015
JOHN STEELE
MONTRÉAL — Presque deux ans après le désastre ferroviaire à Lac-Mégantic au Québec, qui a fait 47 morts et détruit le centre-ville de ce village de 5 000 habitants, le ministère canadien des Transports a officiellement porté des accusations criminelles contre le conducteur de train Tom Harding qui a violé selon eux la Loi sur la sécurité ferroviaire et la Loi sur les pêches. Des accusations ont également été officiellement portées contre cinq cadres de la Montreal, Maine and Atlantic Railway, y compris contre son président directeur général Robert Grindrod, ainsi que contre la compagnie elle-même qui est aujourd’hui en faillite.
Le déraillement et l’explosion du 6 juillet 2013 ont braqué les projecteurs sur la façon dont les patrons des chemins de fer placent les profits avant la sécurité et surtout sur leur insistance, avec l’accord du gouvernement, à réduire « l’équipage » à une seule personne.
Tom Harding doit déjà passer au tribunal le 8 septembre afin de fixer la date de son procès sur 47 chefs d’accusation, fabriqués de toute pièce, de négligence criminelle causant la mort, portés par le procureur de la couronne du Québec. Ces chefs d’accusation pourraient entraîner une peine d’emprisonnement à vie. Les nouvelles accusations pourraient conduire à une amende de 50 000 $ et six mois de prison.
Thomas Harding est membre du syndicat des Métallos. Les mêmes accusations ont été portées au Québec contre le contrôleur de train Richard Labrie, un syndiqué des Métallos, tout comme Jean Demaître, le directeur des opérations de train. Le syndicat des Métallos au Québec recueille des fonds pour défendre les deux syndiqués.
Selon Transports Canada, l’accusé ne s’est pas assuré que les freins à main du train étaient bien en place. Les freins à main constituent un des 18 facteurs qui, selon le rapport du Bureau de la sécurité des transports, ont contribué à la catastrophe. Parmi les autres facteurs se trouve une « faible culture de sécurité » du chemin de fer.
Edward Burkhardt, l’ancien propriétaire de la compagnie, n’a pas été mis en accusation.
Le fait que le gouvernement fédéral a autorisé la société ferroviaire à faire fonctionner le train de pétrole brut de 72 wagons sans un équipage de deux personnes afin de réduire les coûts a été pris en considération mais n’a pas été noté comme un « facteur » dans le rapport final qui a été publié.
Comme il l’avait fait pendant des années, en accord avec le règlement de l’entreprise, Tom Harding a garé le train sur une pente à environ 11 kilomètres de Lac-Mégantic avec le moteur qui tournait et les freins à air en marche. Il a mis les freins à main sur sept wagons-citernes et a pris un taxi pour aller dormir à un hôtel.
Pendant la nuit, les pompiers ont été appelés pour éteindre un petit feu sur la locomotive de tête. Lorsque Tom Harding a demandé à son responsable s’il devait y aller en raison de l’incendie, on lui a dit de retourner au lit parce que tout allait bien. Or lorsque les pompiers ont éteint le moteur ils ont éteint le système de freinage à air par inadvertance. Sans personne à bord, le train a descendu la pente, accéléré, déraillé et explosé dans le centre-ville de Lac-Mégantic.
En plus de la perte horrible de vies et de la destruction de 40 bâtiments suite à l’explosion et l’incendie, 5,7 millions de litres de pétrole brut se sont déversés dans le lac et ont contaminé 560 000 tonnes de terre. Les accusations en vertu de la Loi sur les pêches proviennent du déversement de pétrole.
L’explosion a réveillé Tom Harding, qui s’est précipité au site au péril de sa vie pour aider à dépressuriser les freins sur certains wagons qui n’avaient pas pris feu afin qu’ils puissent être déplacés. Pour cette raison, beaucoup de personnes à Lac-Mégantic le considèrent comme un héros.
L’avocat de Harding, Thomas Walsh, a soulevé des question sur le moment choisi pour porter de nouvelles accusations contre le conducteur, critiquant le gouvernement fédéral pour prétendre prendre des initiatives après avoir permis pendant des années l’existence de pratiques ferroviaires dangereuses comme le fonctionnement sans assez de personnel. « Maintenant, ils cherchent à se donner l’image de gens qui s’occupent de l’affaire […] en l’accusant [Harding] deux ans plus tard de quelque chose dont il a déjà été accusé, » a déclaré Thomas Walsh au Globe and Mail. « Que cherchent-ils à prouver ? »
« Je pense que justice doit être faite, » a dit à la presse l’homme d’affaires Raymond Lafontaine, qui a perdu son fils, deux belles-filles et un employé dans le désastre. Mais « il semble qu’on soit encore en train de chercher des gens sur qui rejeter la faute. » Il y a des gens plus haut placés dans l’entreprise qui doivent être tenus responsables, a-t-il dit.
En attendant, la compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique, qui a transporté le pétrole du Dakota du Nord à Montréal avant de le transférer à la Montreal, Maine and Atlantic Railway, refuse de contribuer à un fonds d’indemnisation de 430 millions de dollars pour les familles des victimes. La compagnie, basée à Calgary, a récemment fait valoir devant un tribunal du Québec qu’elle n’était pas impliquée dans l’affaire. Si le Canadien Pacifique a gain de cause, l’indemnisation pourrait être retardée pour des années.
Les Métallos et des cheminots au Canada et aux États-Unis collectent des fonds pour défendre Tom Harding et Richard Labrie. Pour contribuer au Canada, vous pouvez envoyer vos chèques au syndicat des Métallos, 565 boulevard Crémazie Est, bureau 5 100, Montréal, Québec H2M 2V8, ou aller sur le site www.justice4USWrailworkers.org. Aux États-Unis, faites parvenir vos chèques au Tom Harding Defense Fund, First Niagara Bank, 25 McClellan Dr., Nassau, NY 12123 ou visitez le site www.tomhardingdefensefund.com.
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