Année 81, no 1 le 2 janvier 2017
Ceux qui quittent la ville font partie des dernières victimes d‘une catastrophe pour les travailleurs, qui a laissé plus de 400 000 morts et chassé de leurs foyers plus de la moitié de la population du pays.
Ces événements enregistrent des changements dans les relations entre certaines des principales classes dirigeantes capitalistes qui interviennent en Syrie pour défendre leurs intérêts concurrents, en particulier l’alliance croissante des gouvernements de la Russie, de la Turquie et de l’Iran. Ils soulignent aussi comment Washington, qui pendant des décennies a été la puissance impérialiste dominante au Moyen-Orient, a été de plus en plus mis à l’écart.
Depuis l’écrasement des protestations populaires pour les droits démocratiques en 2011, le régime Assad a une réputation bien connue pour avoir mené des représailles sanglantes contre les opposants à son gouvernement.
La répression d’Assad a conduit à plus de cinq ans de guerre civile. Le régime a subi des revers, a perdu du territoire, y compris de grandes parties d’Alep, et il a trouvé de plus en plus difficile de recruter des troupes. Mais des troupes iraniennes, des forces du Hezbollah basées au Liban et le pouvoir aérien de Moscou ont fait pencher la balance contre la rébellion. En raison de la réticence de Washington à leur offrir une aide militaire substantielle, les forces de l’opposition ont fait face, avec des armes à main et peu d’autres armements, à des bombardements massifs, des attaques d’artillerie et des forces terrestres accrues.
Ankara cherche un accord avec Moscou contre les Kurdes
Pendant des années, le gouvernement turc a financé et armé de nombreux groupes qui luttaient contre le régime d’Assad. Mais le président turc Recep Tayyip Erdogan a changé la stratégie d’Ankara, abandonnant les efforts pour renverser Assad en faveur d’une collaboration avec Moscou. Le but d’Ankara ? Gagner le soutien de Moscou pour ses attaques contre les forces kurdes en Syrie, en Irak et en Turquie.Les groupes soutenus par la Turquie se sont éloignés de la lutte à Alep et combattent maintenant aux côtés des troupes turques dans le Nord de la Syrie contre les Unités de protection du peuple kurde (YPG).
Les ministres des Affaires étrangères de la Russie, de l’Iran et de la Turquie se sont rencontrés à Moscou le 20 décembre, « laissant les États-Unis en marge de la campagne alors que ces pays cherchaient à mener le conflit de manière à servir leurs intérêts, » a rapporté le New York Times. Ils ont convenu de mener des pourparlers au Kazakhstan pour tenter de parvenir à un cessez-le-feu plus large « entre le gouvernement syrien et l’opposition et pour devenir son garant, » a dit le ministre russe des Affaires étrangères Sergey Lavrov.
Autant Moscou qu’Ankara ont fait des pieds et des mains pour empêcher que la rencontre ne soit dévoyée par l’assassinat survenu la veille à Ankara d’Andrei Karlov, l’ambassadeur russe en Turquie, par un policier qui n’était pas en service et qui a crié : « Allahu akbar » et « N’oubliez pas Alep. » Les autorités turques cherchent à faire un lien entre le tireur et le pasteur Fethullah Gulen, qui vit aux États-Unis et qui est un ancien allié d’Erdogan qu’Ankara accuse d’avoir orchestré une tentative de coup d’État en juillet. Des dizaines de milliers de personnes accusées par Erdogan d’être des agents de Gulen ont depuis été renvoyées, emprisonnées et « disparues » suite à une répression brutale.
En date du 20 décembre, au moins 25 000 personnes ont été transportées par autobus hors d’Alep-Est depuis que les gouvernements turque et russe ont négocié un cessez-le-feu. Un nombre important de personnes attendent toujours d’être évacuées. La plupart sont amenées dans la province d’Idlib, contrôlée par des adversaires du gouvernement. Les forces dominantes sont formées par Jabhat Fateh al-Sham, qui était auparavant le front Nusra, lié à al-Qaeda. Idlib n’est « pas une destination populaire pour les combattants et les civils d’Alep-Est, où les groupes nationalistes rebelles prédominaient, » a dit Reuters le 15 décembre.
L’opposition à Idlib : une « proie facile » pour le régime
Assad et ses alliés auront réuni la plupart des opposants syriens et de leurs partisans dans une petite parcelle montagneuse où ils seront des proies faciles, » a écrit Faysal Itani du Conseil atlantique dans le Times du 14 décembre.Quelques combattants de l’opposition appuyés par Ankara ont été redirigés pour rejoindre les forces turques dans leur offensive « bouclier de l’Euphrate » contre la tentative des YPG d’unifier les zones contrôlées par les Kurdes au nord d’Alep.
L’opération militaire a été lancée en août, en apparence contre l’État islamique, mais avec le but avoué d’empêcher les YPG de s’étendre et de relier les régions sous son contrôle. Son objectif actuel est de déraciner l’État islamique d’al-Bab, une ville à 40 kilomètres au nord-est d’Alep, avant que les Kurdes puissent le faire.
En 2012, l’administration de Barack Obama a dit que toute preuve d’utilisation d’armes chimiques par Assad dépasserait une « ligne rouge » et a brandi la menace d’une intervention de Washington. Mais lorsque le régime syrien a utilisé de telles armes contre les forces de l’opposition à Damas et tué ainsi près de 1 500 personnes, dont 400 enfants, le gouvernement américain n’a pas réagi. Depuis, la priorité de Washington en Syrie a été la défaite de l’État islamique.
Le président désigné Donald Trump a dit qu’il n’était pas intéressé à approfondir l’intervention militaire de Washington et qu’il préférait faire des efforts en vue d’un accord avec Moscou.
Washington appuie les Forces démocratiques syriennes dirigées par les Kurdes avec des bombardements aériens et des forces d’opérations spéciales dans une tentative de reprendre Raqqa des mains de l’État Islamique et ce, malgré les objections du gouvernement turc.
Au même moment, des représentants américains ont indiqué clairement qu’ils ne comptent pas reconnaître quelque forme de souveraineté kurde en Syrie. Les Kurdes « ne devraient pas tenter de créer des zones autonomes ou semi-autonomes, », a dit Mark Toner, porte-parole pour le département d’État.
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