Année 81, no 22 le 5 juin 2017
Ces assauts d'inspiration libérale ont atteint un nouveau paroxysme suite à la révocation par Donald Trump du directeur du FBI, James Comey, au début du mois de mai.
Qu'est-ce qui alimente cette croisade frénétique ? Pourquoi les médias capitalistes, des personnalités libérales du Parti démocrate et même un nombre croissant de politiciens et de porte-paroles républicains n’arrivent-ils pas à se résigner à l’élection de Donald Trump ?
La réponse est que ce n'est ni Donald Trump, ni « une présidence Trump » qu’ils ont de la difficulté à avaler. Ce que ces représentants de la classe dominante n’arrivent pas à accepter, ce sont les millions de travailleurs qui ont voté pour Donald Trump. Comme s’en plaignait Charles Lane, chroniqueur du Washington Post, le 4 mai : « On est loin d’avoir suffisamment blâmer les gens les plus responsables de l'émergence (de Trump) : ses électeurs. »
La cible, ce ne sont pas simplement les travailleurs victimes du carnage croissant du capitalisme. La cible, ce sont ceux et celles (quelle que soit leur couleur de peau ou leur langue maternelle) qui sont déterminés à trouver un moyen de dire « non » aux attaques et aux indignités sans fin infligées aux travailleurs et aux agriculteurs aujourd'hui par les familles possédantes au pouvoir.
Ces travailleurs sont attirés par la perspective de « drainer le marécage », c’est-à-dire purger la bureaucratie fédérale croissante de ceux qui se sont trouvés un nid confortable en inventant de nouvelles façons de nous « donner un petit coup de pouce » et de nous « réglementer ».
C'est pourquoi Donald Trump a remporté les élections de 2016.
Cela a été démontré, entre autres, par le fait que, dans des États comme la Pennsylvanie, l'Ohio, le Wisconsin, l'Iowa, Donald Trump a remporté le vote de travailleurs, la plupart caucasiens, qui avaient voté pour Obama dans plus de 200 comtés américains en 2008 et 2012. Ces travailleurs cherchaient un changement par rapport au gouvernement habituel, aux attaques croissantes du capitalisme au cours des huit années précédentes et plus (tout comme les nombreux travailleurs qui sont restés à la maison le jour des élections).
Mais Trump est un politicien capitaliste milliardaire. À l'instar de ceux qui l'ont précédé, il vise à répondre aux besoins de la classe dirigeante américaine à l'étranger (où il fait sans doute mieux jusqu’à maintenant que ses deux prédécesseurs pour défendre les intérêts de l'impérialisme) et aux États-Unis (où il reste encore beaucoup à accomplir du point de vue des deux partis des exploiteurs).
Les capitalistes craignent les travailleurs
La peur des travailleurs que ressentent les capitalistes n'a pas commencé en 2016. Elle a grandi à mesure que la crise capitaliste s'intensifiait et que de plus en plus de travailleurs s’ouvraient à la nécessité d'un changement profond. Cela comprend l'ouverture croissante des travailleurs aux explications et aux propositions des membres du Parti socialiste des travailleurs qui frappent à leurs portes en faisant campagne pour le communisme, qui se battent à leur côté au travail et sur les piquets de grève ou se joignent à eux pour protester contre la brutalité policière ou pour le droit des femmes de choisir l'avortement.
Un nombre croissant de travailleurs commencent à sentir que les patrons ne peuvent rien faire pour répondre à la stagnation de la production et du commerce capitalistes sauf s’en prendre à nous. Une vaste crise sociale se développe alors qu’une partie importante de la classe ouvrière est rejetée du marché du travail et que les travailleurs font face à la détérioration de l'accès aux soins de santé, à une épidémie de toxicomanie et, pour la première fois depuis des décennies, à une baisse de l'espérance de vie.
C'est pourquoi les politiciens démocrates comme républicains prennent des mesures pour limiter les droits politiques que les travailleurs exercent et devront exercer davantage dans les mois et les années à venir. Les dirigeants privent de plus en plus de travailleurs de leur droit de vote en renforçant et élargissant les appareils bureaucratiques et « réglementaires » du gouvernement et de l'État capitalistes.
Dès le début de sa campagne aux primaires en 2007, Barack Obama et son administration démocratique ont démontré les mêmes attitudes anti-classe ouvrière qui ont amené Hillary Clinton l'année dernière à traiter de « déplorables » ceux qui envisageaient de voter pour Donald Trump et non pas pour elle. Ils sont « offensants, haineux et méchants, » a soutenu Hillary Clinton.
De plus, Barack Obama inclut dans sa propre liste de « déplorables » non seulement les travailleurs caucasiens qui, comme il l'a dit en 2008, « s'accrochent aux armes à feu, à la religion ou à l'antipathie à l’endroit des gens qui ne sont pas comme eux. » Des millions de travailleurs qui sont Noirs sont également dans son collimateur. Les Américains africains, a sermonné Obama la même année, doivent « remplacer le jeu vidéo ou la télécommande par un livre de temps en temps. » Et ils devraient cesser de nourrir leurs enfants de « cold Popeyes » [poulet frit froid] pour le petit- déjeuner.
Les deux partis patronaux traversent une période de crise et de refonte. Ni l’un ni l’autre ne sera jamais ce qu’il était avant les élections de 2016.
De plus en plus de travailleurs ont le sentiment qu’une caricature publiée pendant la campagne électorale est exacte. Elle montrait deux voisins avec des pancartes devant leur maison qui disaient : « Il est pire » et «Elle est pire. »
Même si les libéraux parvenaient à faire mettre en accusation Donald Trump, comme l’a reconnu récemment le Washington Post, rien ne laisse croire que les partisans de Trump « seraient soudainement à nouveau satisfaits des anciens Partis républicain et démocrate. »
Saint-Mueller
Le 16 mai, le sous-procureur général Rod Rosenstein a nommé l’ancien directeur du FBI Robert Mueller comme procureur spécial, chargé d’enquêter sur les liens présumés entre la campagne électorale 2016 de Donald Trump et Moscou. « Ma décision ne représente pas une conclusion que des crimes ont été perpétrés ou qu’une poursuite est justifiée, » a affirmé Rod Rosenstein.
La presse libérale et les importantes personnalités des deux partis capitalistes ont répondu en décernant un hommage servile à Robert Mueller, l’élevant presque au rang de saint. Cependant, cet ancien premier policier des États-Unis a forgé sa réputation en travaillant au service des familles capitalistes dirigeantes pour rendre leur agence de police fédérale plus efficace et virulente dans l’espionnage et le harcèlement.
La campagne contre Donald Trump a compté sur les techniques classiques de coup monté en combinant des allusions et des allégations choquantes, dans l’espoir que quelques-unes d’entre elles allaient se perpétuer.
Les travailleurs, y compris ceux qui sont ciblés par les patrons pour leurs activités syndicales ou politiques, connaissent trop bien ce genre de chasse aux sorcières. L’avant-garde des combattants de la classe ouvrière, notamment les membres et les dirigeants du Parti socialiste des travailleurs, a été jetée en prison, battue ou menacée d’expulsion lorsque de telles inquisitions se sont intensifiées.
Tout cela est renforcé par des « comédies » obscènes et vulgaires dénigrant Donald Trump dans les émissions de fin de soirée entre autres par des commentaires anti-femmes dégradants à propos de sa fille Ivanka et de sa femme Melania. Les émissions de « nouvelles » du matin reprennent là où les « humoristes » grossiers ont laissé.
Priver la classe ouvrière de son droit de vote
Les serviteurs politiques des familles possédantes aux États-Unis, en particulier les groupes de réflexion libéraux, les universités, les fondations, les organisations non gouvernementales et d’autres méritocrates professionnels et de classe moyenne qui soutiennent la domination bourgeoise, découvrent d’autres moyens par lesquels le gouvernement restreint l’utilisation du droit de vote par les travailleurs.
Il n’y a pas de meilleur exemple en ce moment que celui du nouveau procureur spécial des dirigeants américains.
Dans la note du sous-procureur général Rod Rosenstein concernant le comportement de James Comey, Rod Rosenstein raconte comment l’ancien directeur du FBI a sérieusement usurpé l’autorité du département de la Justice et a refusé de le reconnaître.
« Tout au plus, a dit Rod Rosenstein, James Comey aurait dû dire que le FBI avait terminé son enquête et présenté ses conclusions. […] Le directeur défend maintenant sa décision en affirmant qu’il croyait que la procureure générale Loretta Lynch s’était placée en conflit d’intérêt. Mais le directeur du FBI n’a jamais le pouvoir de supplanter les procureurs fédéraux et d’assumer le commandement du département de la Justice. »
Les républicains ont incité Loretta Lynch à se retirer de l’enquête, après que l’ancien président Bill Clinton a fait de façon flagrante des manœuvres pour la compromettre en embarquant dans l’avion de celle-ci alors qu’il attendait sur l’aire de trafic de l’aéroport international Sky Harbor à Phoenix en juin 2016. Plutôt que d’envoyer Bill Clinton se balader, Loretta Lynch a parlé pendant 30 minutes au mari d’une candidate faisant l’objet d’une enquête par le « département de la Justice » dont elle était responsable.
Pour la classe ouvrière, qui dirige les agences policières et autres organismes gouvernementaux qui défendent les intérêts de la classe capitaliste n’a pas d’importance. Ce sont leurs outils pour défendre la domination des familles possédantes. Toutefois, les travailleurs ont beaucoup d’expériences avec les coups montés du FBI et le harcèlement de ceux qui participent aux luttes contre l’exploitation, le racisme et la guerre impérialiste.
Pour son enquête sur la campagne de Donald Trump, l’ancien chef du FBI Robert Mueller détient le pouvoir de contraindre les témoins à comparaître et de constituer un jury, qui se réunit à huis clos pour interroger des individus n’ayant pas le droit d’être accompagnés d’un avocat. Il ne devra rendre compte à aucun organisme élu.
Rien de nouveau
Les libéraux ont toujours été les premiers à s’attaquer aux droits des travailleurs et quand la classe des employeurs le juge nécessaire, les dirigeants capitalistes ont recours aux voyous de l’extrême droite pour mener à bien leurs assauts contre les travailleurs jusqu’à la fin.
La chasse aux sorcières de McCarthy dans les années 50 a été organisée sous l’administration du démocrate Harry Truman.
C’est l’administration démocrate de Franklin Delano Roosevelt qui a initié l’assaut du FBI contre les militants syndicaux combatifs et les opposants à l’entrée de Washington dans la deuxième guerre mondiale, entraînant le coup monté et l’emprisonnement de 18 dirigeants du Parti socialiste des travailleurs et du syndicat des Teamsters dans le Midwest en vertu de la tristement célèbre loi « bâillon » Smith.
Aujourd’hui la gauche de la classe moyenne et les groupes libéraux rejettent la faute sur les travailleurs, qu’ils considèrent en grande partie comme ignorants, racistes, xénophobes et dangereux, pour le déraillement de ce qu’ils estiment être des « politiques progressistes. »
Un bon nombre d’entre eux font circuler des affiches et des autocollants pour pare-chocs affirmant : « Destituez Trump », alors que d’autres affichent furtivement des tracts disant « Tuez Trump. » De nombreuses personnes ont glorifié l’interruption des réunions à Berkeley, en Californie, et à Middlebury, au Vermont, qui a resserré l’espace politique tellement essentiel aux travailleurs et à leurs regroupements pour organiser et agir dans les conditions de la domination capitaliste.
Et lorsqu’une chasse aux sorcières se déclare contre les travailleurs dans la politique bourgeoise, elle se heurte rapidement à l’avant-garde communiste.
Par exemple, ce sont les deux démocrates de la Commission électorale fédérale qui ont porté un coup aux droits des travailleurs lorsqu’ils ont rejeté le mois dernier l’extension du droit du Parti socialiste des travailleurs de ne pas révéler le nom de ceux qui l’appuient.
Cette action par ces « régulateurs » fédéraux libéraux donne plus de liberté au gouvernement et à la droite pour espionner et harceler le SWP et d’autres organisations des travailleurs.
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