Les dirigeants US manœuvrent pour renverser le gouvernement Maduro au Venezuela

Róger Calero
le 11 février 2019

« La principale menace à la paix et la sécurité en Amérique latine et dans les Caraïbes vient du harcèlement de la république bolivarienne du Venezuela par le gouvernement US et ses alliés, » a affirmé Anayansi Rodríguez, ambassadrice cubaine aux Nations unies, lors de la réunion du conseil de sécurité demandée par les États-Unis le 26 janvier pour discuter de la crise au Venezuela.

Dans une manœuvre orchestrée par Washington, le politicien d’opposition Juan Guaidó, président de l’Assemblée nationale, s’est autoproclamé président du pays le 23 janvier, prétendant que le président vénézuélien Nicolás Maduro a « usurpé » le pouvoir. Le gouvernement US – avec un large soutien bipartisan – a immédiatement « reconnu » Guaidó et pris des mesures contre le gouvernement vénézuélien.

Le 29 janvier, Washington a bloqué l’accès du gouvernement Maduro aux comptes en banque que détiennent aux États-Unis le Venezuela et la compagnie pétrolière d’État PDVSA ainsi qu’aux revenus de Citgo, une filiale de PDVSA, tout cela représentant quelque sept milliards de dollars.

Londres assiste aussi Washington dans sa violation grossière de la souveraineté du Venezuela. La banque d’Angleterre a refusé de répondre aux exigences du gouvernement Maduro de rapatrier 1,2 milliards de dollars d’avoir en or.

Le gouvernement américain « sépare » le gouvernement de Maduro « de la source de ses revenus, » a indiqué le 24 janvier John Bolton, conseiller en Sécurité nationale de l’administration de Donald Trump. Washington a obtenu le soutien des gouvernements de onze pays d’Amérique latine : l’Argentine, le Brésil, le Chili, la Colombie, le Costa Rica, l’Équateur, le Guatemala, le Honduras, Panama, le Paraguay et le Pérou, ainsi que des dirigeants canadiens. Les gouvernements allemand, français et européen ont demandé à Maduro d’accepter de nouvelles élections avant le 2 février ou alors ils se joindront à la campagne menée par les États-Unis pour le remplacer. Soigneusement encadré par Washington, Guaidó est en train de promouvoir ouvertement un coup d’état : il appelle les militaires à renverser Maduro et offre une amnistie à ceux qui agissent « en faveur de la restitution de la démocratie. » Dans une rubrique du 30 janvier intitulée « Le meilleur chemin du Venezuela vers la démocratie : acheter l’armée, » le New York Times a appelé le gouvernement américain à faire des offres plus « persuasives » pour garantir à l’armée son contrôle sur des entreprises hautement lucratives comme la clé pour obtenir son soutien. Sous le gouvernement de feu le président Hugo Chavez et sous Maduro, des officiers de haut rang se sont vus confier le contrôle de fiefs économiques au sein de la société pétrolière, des ports et des mines gérées par l’État. Le Times a affirmé que même si le ministre vénézuélien de la Défense, Vladimir Padrino López, et les hauts gradés de l’armée affirmaient se tenir aux côtés de Maduro, « à huis clos, l’armée pourrait attendre une meilleure offre. » Faisant écho aux calomnies du gouvernement américain, Guaidó affirme que des « agents » cubains contrôlent l’armée vénézuélienne et devraient en sortir. C’est un mensonge éhonté. Les hauts gradés militaires agissent de façon à mieux défendre les relations de propriété capitalistes et consolider leur position en leur sein. Jusqu’à présent, ça a été avec Maduro.

Une « troisième voie ? »

Maduro, et Chávez avant lui, ont maintenu une ligne de conduite qui rejette explicitement le chemin emprunté par la révolution cubaine : organiser la classe ouvrière pour prendre le pouvoir politique. Ils ont plutôt tenté de réguler l’économie capitaliste tout en utilisant une partie des profits pétroliers pour financer des programmes sociaux. L’aggravation de la crise de la production et du commerce capitalistes aujourd’hui, ainsi que l’hostilité et la pression de Washington et de ses alliés, ont intensifié la crise économique et sociale grandissante au Venezuela. L’inflation annuelle a atteint un taux supérieur à un million pour cent. Les pénuries de nourriture, de médicaments et d’autres produits de première nécessité sont généralisées et ont des conséquences dévastatrices pour les travailleurs. Le gouvernement vénézuélien dépendait du pétrole pour 95 pour cent de ses devises étrangères. Même avant les dernières sanctions, la chute des prix du pétrole au cours des cinq dernières années et une baisse de près de 70 pour cent de la production depuis 1998, conséquence de la mauvaise gestion bureaucratique et de la corruption, avaient épuisé les fonds publics et dévasté cette industrie. Ne voyant pas de fin à la crise, environ trois millions de personnes ont fui le pays depuis 2015, dont un million en Colombie et des centaines de milliers au Pérou, en Équateur, en Argentine, au Chili et au Brésil. Des centaines de milliers de personnes ont également déménagé aux États-Unis et en Espagne. Les dirigeants américains parient que la politique qu’ils suivent depuis longtemps pour éviter le coût politique d’une intervention militaire en laissant la crise ronger le soutien des travailleurs au gouvernement Maduro jusqu’à ce qu’il tombe portera finalement fruit. Contrairement aux précédentes vagues de manifestation de l’opposition contre le gouvernement Maduro, qui étaient concentrées parmi les couches de classe moyenne, il y a eu dans les récentes manifestations une participation notable des quartiers populaires.

Tentative d’éclabousser la révolution cubaine

Washington utilise également la crise au Venezuela pour renforcer l’hostilité envers Cuba révolutionnaire. Peu après que Chavez est devenu président en 1998, au milieu de grandes mobilisations de travailleurs et d’agriculteurs au Venezuela, le gouvernement cubain a acquiescé à sa demande d’envoyer des milliers de volontaires internationalistes, notamment des travailleurs de la santé, des instructeurs sportifs et des alphabétiseurs, pour aider les travailleurs. Dans son discours devant le conseil de sécurité, le secrétaire d’État Michael Pompeo a prétendu que « aucun régime n’a fait plus pour maintenir le peuple vénézuélien dans des conditions cauchemardesques que le régime de La Havane. » Il a répété cette calomnie que « les brutes du service de renseignement et de sécurité cubain ont soutenu cette domination illégitime. L’ambassadrice cubaine Anayansi Rodríguez a répondu que le gouvernement américain « ment délibérément et ignore le fait que la République bolivarienne du Venezuela est un pays libre, indépendant et souverain, qui prend ses propres décisions. » La mission internationaliste cubaine solidaire du Venezuela, a-t-elle poursuivi est déterminée à fournir des services essentiels à la vie, surtout en matière de santé et d’éducation.

L’administration Trump considère la possibilité d’intensifier les attaques contre la révolution cubaine. Depuis l’adoption de la loi Helms-Burton en 1996, chaque président américain a régulièrement suspendu pour une période de six mois la clause Titre III, qui sinon autoriserait les citoyens américains à poursuivre en justice les entreprises qui utilisent des biens nationalisés par le gouvernement révolutionnaire après son accession au pouvoir en 1959. Mais en janvier, Pompeo a annoncé que la suspension n’avait été renouvelée cette fois-ci que pour 45 jours et que le gouvernement réévaluait le renouvellement continuel de cette suspension. Le 25 mai, le Miami Herald a annoncé que la Maison-Blanche envisageait également la possibilité de remettre Cuba sur la liste des « commanditaires » du terrorisme d’État établie par Washington.