NEW YORK — Lorsque le président Donald Trump a déclaré dans son discours d’inauguration que le « carnage américain cesse maintenant, » il a touché une corde sensible parmi des millions de travailleurs, a dit Steve Clark, membre du Comité national du Parti socialiste des travailleurs, aux participants au Forum ouvrier du Militant tenu ici le 22 septembre. C’était la démagogie d’un « politicien bourgeois, mais d’un politicien qui, bien plus que la plupart des membres de sa classe, a vu la réalité de la crise croissante des partis républicain et démocrate et en a profité pour battre ses opposants électoraux dans les deux partis, » a poursuivi Steve Clark.
Ce carnage est le produit de la contraction mondiale de la production, du commerce et de l’emploi capitalistes. Le pourcentage de la classe ouvrière avec des emplois ainsi que le salaire des travailleurs et leur revenu familial au mieux stagnent, a noté Steve Clark. L’espérance de vie est en baisse, les soins de santé et les pensions sont dévastés et la dépendance aux opioïdes se propage parmi les travailleurs urbains et ruraux.
Les effets politiques cumulatifs de cette crise sociale sur les attitudes des travailleurs et sur les partis bourgeois sont devenus clairs au Parti socialiste des travailleurs en 2011, suite à la participation de ses membres aux manifestations à Madison au Wisconsin pendant plusieurs semaines en réponse aux attaques contre les syndicats des travailleurs du secteur public de cet État. Le SWP a rapidement conclu que ces manifestations hebdomadaires n’allaient nulle part, puisque le but des dirigeants syndicaux, militants libéraux et radicaux de la classe moyenne qui les organisaient était d’évincer le gouverneur républicain Scott Walker et de le remplacer par un démocrate.
Le SWP, a dit Steve Clark, savait que cet objectif non seulement c’était de rêver en couleur (le deuxième mandat de Walker se termine en novembre 2018), mais plus encore qu’il nourrissait la vaine illusion que les travailleurs et nos syndicats ont intérêt à appuyer les candidats de l’un ou l’autre des partis patronaux.
La direction du SWP a décidé que les membres du parti devaient sortir de Madison et faire plutôt du porte-à-porte dans les quartiers ouvriers des villes moins grandes et des villages de l’État. « Ce faisant, nous avons découvert de profonds changements dans la pensée des travailleurs, qui présentaient de nouvelles ouvertures politiques pour le parti, » a souligné Steve Clark.
Le Wisconsin est l’un des quatre États où de nombreux travailleurs qui ont voté pour Donald Trump en 2016 avaient voté pour Barack Obama en 2008 et 2012, a souligné Clark. Ces travailleurs n’étaient pas motivés par le « racisme blanc, » comme le prétendent plusieurs membres de la gauche libérale ou radicale, et ils n’ont pas « voté républicain » non plus. C’est simplement qu’ils en avaient assez du carnage du capitalisme et voulaient un changement.
En effet, en raison des gains du mouvement pour les droits des Noirs aux États-Unis, plus de travailleurs que jamais s’opposent aujourd’hui à la discrimination et aux attaques racistes et anti-immigrantes. C’est ce qu’ont montré, entre autres, la réponse très large au meurtre de neuf Noirs à Charleston, en Caroline du Sud, par l’assassin de l’extrême-droite Dylan « Storm » Roof en 2015, ainsi que la manifestation massive de 40 000 personnes à Boston en août contre la marche « des torches tiki, » raciste et antisémite, d’environ 250 personnes à Charlottesville, en Virginie.
Faire campagne aux portes des travailleurs
« À partir de l’expérience au Wisconsin, a poursuivi Steve Clark, le SWP a conclu que faire du porte-à-porte dans les quartiers ouvriers devrait être au centre de l’activité de chaque branche. Nous rencontrons beaucoup de travailleurs intéressés à discuter notre programme ouvrier et à devenir des lecteurs du Militant et des livres écrits par les dirigeants du parti. Certains d’entre eux nous présentent aux membres de leur famille, aux amis et compagnons de travail, viennent avec nous à des manifestations sociales, s’intéressent à des activités pour défendre la révolution cubaine ou veulent que nous nous joignions aux combats ou activités auxquels ils participent. »
L’approfondissement du travail de propagande hebdomadaire dans la classe ouvrière est au coeur de la campagne pour accroître la diffusion du journal et des livres du parti cet automne.
Avec sa perspective de collaboration de classe et son orientation servile face aux partis politiques des dirigeants capitalistes, en particulier les démocrates, la bureaucratie syndicale a refusé d’organiser et de mobiliser la classe ouvrière pour répondre aux attaques des patrons. C’est ce qui explique que l’adhésion aux syndicats soit en chute libre, a noté Steve Clark. En 1973, environ 39 pour cent des travailleurs manufacturiers étaient syndiqués ; il y en a 8,8 pour cent aujourd’hui. Pour l’ensemble des travailleurs employés par des entreprises privées, le pourcentage est tombé à 6,4 pour cent.
« Peu importe ce qu’ils disent et comment ils le disent, les hauts dirigeants syndicaux et la majorité des membres de la gauche aux États-Unis, sont convaincus qu’il n’est pas possible de syndiquer les travailleurs aujourd’hui, a affirmé Steve Clark. Et c’est ainsi qu’agissent les bureaucrates syndicaux et les radicaux de la classe moyenne. Aucun d’entre eux ne considère les travailleurs et nos familles comme les agents du changement social. Ils ont encore moins une vision du combat pour un parti politique ouvrier indépendant et de la lutte révolutionnaire pour le pouvoir ouvrier. »
Mais le Parti socialiste des travailleurs et ses membres et partisans employés par des détaillants géants comme Walmart ou qui travaillent entre autres dans l’industrie manufacturière et les transports voient les choses différemment. « Nous trouvons parmi nos compagnons de travail le même genre de réponse politique au programme et à l’activité du parti et le même niveau d’intérêt pour le Militant et les livres sur la politique ouvrière, a poursuivi Steve Clark, que nous en trouvons en faisant du porte-à-porte dans les quartiers ouvriers. »
Personne ne peut prédire quand l’opposition de la classe ouvrière aux assauts contre ses conditions de vie et d’emploi, aux actions antisyndicales, aux attaques racistes, aux tentatives de renverser les gains des femmes, aux catastrophes sociales et aux guerres perpétuées par les capitalistes, leur gouvernement et leurs partis politiques se transformera en un mouvement social soutenu pour reconstruire nos syndicats et lutter pour de grandes revendications sociales et politiques de la classe ouvrière.
Mais une chose est certaine, a poursuivi Clark : « Les discussions politiques que les membres et les partisans du parti ont avec leurs compagnons de travail aujourd’hui, au travail et ailleurs, et les livres, les abonnements aux Militant et le matériel de campagne électorale du parti que nous mettons dans les mains des travailleurs sont une préparation nécessaire pour ces batailles de classe.
« La campagne du parti cet automne pour vendre des abonnements au Militant et des livres révolutionnaires est du travail syndical, a souligné Steve Clark, tout comme la participation aux activités en solidarité avec des travailleurs en grève ou aux manifestations contre les meurtres racistes aux mains des flics, pour la défense du droit des femmes de choisir l’avortement ou contre les guerres impérialistes.
« Cela fait partie du renforcement d’un noyau de cadres au sein de la classe ouvrière dans les mines, les usines, les manufactures, les grands magasins de détail et d’autres lieux de travail qui peuvent et vont diriger avec succès des campagnes de syndicalisation.
C’est pourquoi les membres du SWP qui sont au centre de l’effort pour élargir la diffusion du journal et des livres du parti là où ils travaillent sont décisifs pour diriger la campagne par les branches du parti afin de rejoindre les travailleurs dans les quartiers ouvriers et les contacts politiques à travers le pays.
Washington a perdu la guerre froide
« Il est de plus en plus clair que les États-Unis ne peuvent pas gagner les guerres qu’ils mènent en Afghanistan, en Irak, en Syrie et ailleurs aujourd’hui, a ajouté Clark. Ces guerres brutales ont entraîné des centaines de milliers de morts, de mutilations et la dépossession de millions de personnes. La guerre en Afghanistan a commencé il y a 17 ans et Washington envoie à nouveau plusieurs milliers de soldats supplémentaires. »
Sans conscription, les dirigeants comptent sur les « volontaires » en service actif, en plus de la Garde nationale, forçant une petite partie de la population américaine des familles ouvrières ou agricoles à combattre et à mourir, avec des déploiements déchirants et multiples, parfois jusqu’à quatre ou cinq. Ce n’est qu’en ramenant la conscription que les dirigeants auront la chance de commencer à regagner des guerres. Mais à ce niveau, ils font face à de grands obstacles politiques, même en se contentant de sonder le terrain pour une telle mesure maintenant.
Les familles dominantes des États-Unis ont perdu la guerre froide, malgré ce qu’elles ont prétendu, a poursuivi Clark. L’impérialisme des États-Unis continue de s’affaiblir relativement, même s’il demeure la seule puissance capable de déployer des forces militaires massives dans toutes les parties du monde. Sa position dominante au niveau de l’industrie, du commerce et des banques, s’effrite avec la crise du capitalisme mondial et l’accélération de la concurrence des capitaux, non seulement de la part de ses principaux rivaux impérialistes mais aussi d’autres classes dirigeantes capitalistes. Au lieu que la Russie et la Chine deviennent de nouveaux domaines d’investissement et de croissance pour les capitaux américains, elles sont devenues des concurrents dans le monde entier.
Cette concurrence impérialiste croissante déchire l’Union européenne. C’est ce qui explique le Brexit, un mouvement d’une aile parmi les dirigeants du Royaume-Uni pour défendre la place décroissante de Londres dans l’ordre hiérarchique impérialiste en se libérant de l’emprise
« toujours plus grande » de l’UE. C’est aussi ce qui explique les efforts des dirigeants espagnols pour empêcher les gens de la région de la Catalogne dans le nord-est de l’Espagne de voter sur l’indépendance nationale le 1er octobre.
Cela ouvre la voie à des progrès dans le combat des Kurdes pour leur propre pays. Steve Clark a exhorté les participants au forum à être prêts à participer à des actions en faveur de la lutte du peuple kurde pour l’indépendance.
La crise politique américaine se poursuit
Les dirigeants capitalistes font face à une crise politique approfondie ici aussi, a soutenu Clark. Leurs partis, les démocrates et les républicains, se désintègrent et ne seront plus jamais les mêmes.
Les libéraux et la gauche n’ont pas renoncé à leur campagne de « Résistance » pour que le président Trump soit mis en accusation ou inculpé.
« La descente effectuée « sans frapper à la porte » dans la maison de l’ancien président de la campagne de Trump, Paul Manafort, souligne les dangers pour la classe ouvrière de cette chasse aux sorcières contre la présidence Trump », a maintenu Clark. Le cambriolage sans préavis au mois de juillet par le FBI et la saisie des documents de Manafort faisaient partie des efforts de Robert Mueller, Avocat spécial et ancien chef du FBI, afin de trouver un moyen de s’attaquer à Trump.
Pour obtenir un mandat pour ce cambriolage, Mueller a fait appel à un tribunal secret de la FISA en prétendant que Manafort était susceptible de détruire la « preuve » qu’il cherchait, ce que les médias libéraux se sont empressés d’utiliser pour insinuer « qu’il n’y a pas de fumée sans feu. » De tels cambriolages et le tribunal de la FISA lui-même sont des méthodes et des outils de la police avec lesquels l’avant-garde de la classe ouvrière a une expérience longue et amère.
Steve Clark a expliqué que des membres du Parti démocratique et certains parmi les républicains qui cherchent à évincer Trump de la présidence ont de plus en plus de doutes sur leur capacité d’y arriver. Ils se demandent également si cela pourrait vraiment résoudre le problème qu’ils voient. « Ce que ces couches privilégiées et méritocratiques craignent aux États-Unis aujourd’hui n’est pas Trump, mais les millions de travailleurs qui ont voté pour lui parce qu’ils voulaient « drainer le marais » et trouver un moyen de mettre fin au carnage, » a indiqué Clark.
Ils pensent qu’ils ont besoin de trouver le moyen de priver les travailleurs du droit de vote parce qu’ils ne les jugent pas assez intelligents pour voter « de la bonne façon. » Ils ont des illusions sur leur capacité de se débarrasser de nous avec des robots et d’ainsi remplacer ce qu’ils considèrent comme un groupe de « perdants » de moins en moins « qualifiés » et inutiles qui ne meurent pas assez rapidement de surdose d’opioïdes ou qui réduisent les richesses des capitalistes en se prévalant de prestations d’invalidité ou de chômage. « C’est leur point de vue anti-ouvrier sur une main-d’œuvre qui diminue, » a soutenu Clark.
En faisant campagne de porte en porte parmi d’autres travailleurs, les travailleurs communistes
« pouvons aider à expliquer et à répondre à ces rationalisations qui visent à justifier l’exploitation et l’oppression en présentant aux travailleurs des livres tels que Sont-ils riches parce qu’ils sont intelligents ? Classe, privilège et apprentissage sous le capitalisme, par Jack Barnes, secrétaire national du SWP, et Une révolution socialiste est-elle possible aux États-Unis ? par une autre dirigeante du parti, Mary-Alice Waters.
Steve Clark a attiré l’attention sur l’introduction de Jack Barnes à l’un des livres avec lesquels le parti fait campagne : Malcolm X, la libération des Noirs et la voie vers le pouvoir ouvrier. Dans cette introduction, Jack Barnes fait le point que ce qui est nécessaire pour aller de l’avant, c’est de construire un parti prolétarien capable de diriger « la conquête révolutionnaire du pouvoir d’État par une avant-garde de la classe ouvrière organisée et ayant une conscience de classe politique — forte de millions de personnes. »