GEYSERVILLE, Californie – À la fin du mois d’octobre, Southern California Edison et Pacific, Gas and Electric, les deux plus grands monopoles de services publics de l’État, ont coupé l’électricité à des centaines de milliers de résidents de la Californie. Les deux sociétés ont prétendu au début que ces interruptions étaient nécessaires pour prévenir les incendies de forêt puisqu’on prévoyait des vents de près de 130 km/h, un faible taux d’humidité dans des zones où les lignes électriques traversent une végétation extrêmement sèche.
Pourtant, ces interruptions n’ont pas empêché deux grands incendies d’éclater. L’incendie Kincade dans le nord de la Californie a brûlé sur une étendue de plus de 300 km2, tandis que l’incendie de Tick près de Los Angeles a détruit plus de 20 km2 de territoire. C’est le matériel de PG&E qui semble avoir causé l’incendie de Kincade. La société admet qu’on a trouvé un câble de raccordement brisé dans l’une des tours où l’incendie a commencé.
L’incendie de Kincade a incité les autorités gouvernementales à ordonner l’évacuation de 180 000 personnes de Geyserville, Healdsburgh, Windsor et les environs. Toutes devaient trouver par elles-mêmes une façon de se rendre en un lieu sûr. Aucun moyen de transport public n’a été fourni et les abris temporaires mis en place par l’État ont rapidement été bondés.
« Nous habitons la même maison depuis neuf ans. La plupart de ceux qui, comme mon père, travaillent dans les établissements vinicoles, vivent et travaillent ici toute l’année, » a dit Fatima Rodriguez, une étudiante en première année de lycée ici-même, à une correspondante du Militant. « Nous sommes allés à Healdsburg où nous sommes restés avec des membres de notre famille. Puis nous avons été évacués de là quelques jours plus tard et sommes allés à Cloverdale, où d’autres membres de la famille nous ont accueillis. »
« Le gaz n’est revenu chez moi qu’hier, nous a dit Nancy Walker. Geyserville a été évacuée du mercredi 23 octobre au jeudi 31 octobre. Il y avait des milliers de personnes sur la route. Il n’y avait pas assez de motels. J’ai dormi dans ma camionnette devant l’abri temporaire de Healdsburgh.
Les travailleurs et les propriétaires d’épiceries et de restaurants ne pouvaient rien faire d’autre que de regarder la nourriture se gâter et espérer que l’incendie ne détruirait pas leurs maisons et leurs entreprises. Si vous étiez malade à la maison avec des appareils de réanimation ou tout autre équipement médical alimenté à l’électricité, vous deviez espérer que vous pourriez vous rendre à une installation d’urgence dotée d’un groupe électrogène, à temps pour survivre.
Les patrons de PG&E ont commencé ces évacuations massives « préventives » après avoir causé le Camp Fire, le feu le plus meurtrier de toute l’histoire de la Californie, qui a détruit la ville de Paradise en novembre 2018. L’incendie et la catastrophe sociale qu’il a provoqués ont tué au moins 80 personnes, brûlant tout sur une superficie de plus de 600 km2 et détruisant 14 000 résidences. On a trouvé qu’une ligne électrique défectueuse datant de près de 100 ans avait causé l’incendie. Confrontés à quelque 30 milliards de dollars de responsabilité civile pour les incendies, les dirigeants de l’entreprise ont déposé le bilan en janvier.
Depuis, la direction de PG&E n’a pas fait grand-chose pour réparer son infrastructure vieillissante et nettoyer les broussailles et autres décombres qui pourraient déclencher un feu sous ses lignes électriques.
Joel Britton, candidat du Parti socialiste des travailleurs à la mairie de San Francisco, a dit que ce qu’on voit se dérouler sous nos yeux, c’est le fonctionnement normal du système capitaliste et de sa politique. Les travailleurs ont besoin de leur propre parti, un parti basé sur les syndicats, pour défendre nos intérêts, pour lutter contre les attaques des patrons et du gouvernement qui les soutient et tracer une voie en avant indépendante pour la classe ouvrière.
Dans une déclaration avec laquelle il a fait campagne, Joel Britton a dit : « On a refusé de mettre les lignes électriques sous terre en prétextant que c’était trop cher, alors que des millions de dollars ont été dépensés en salaires et primes versés aux cadres dirigeants et que des milliards de dollars ont servi à faire face aux poursuites judiciaires.
« Les travailleurs de PG&E, dont la plupart sont membres de la Fraternité internationale des ouvriers de l’électricité, doivent avoir le contrôle des opérations de cette entreprise. Ils savent par expérience ce qui est sûr et ce qui est dangereusement risqué. Il faut qu’ils aient l’autorité nécessaire pour organiser le programme de travail de PG&E.
« La lutte pour la nationalisation de PG&E sous contrôle ouvrier nécessitera que nous nous organisions indépendamment des partis capitalistes, démocrate et républicain. Cette lutte peut faire partie du mouvement de millions de travailleurs que nous devons construire pour sortir de la crise économique, sociale et morale du capitalisme et remplacer le pouvoir capitaliste par un gouvernement des travailleurs et des agriculteurs. »
Les vautours capitalistes cherchent à faire du profit
Pour éviter d’être blâmés pour les incendies, les coupures de courant et la catastrophe sociale provoqués par l’avidité de PG&E, les politiciens de la région, qui ont reçu dans le passé de grosses contributions de la part de la compagnie, ont essayé de prendre leur distance. Le gouverneur de la Californie, Gavin Newsom, a annoncé que l’État pourrait avoir à prendre le contrôle de l’entreprise, affirmant que PG&E a fait preuve « d’avidité, année après année, et de mauvaise gestion, année après année. » Newsom avait auparavant déposé un projet de loi à l’assemblée de l’État de Californie qui prolongeait jusqu’en 2035 une surtaxe imposée aux clients. Pendant la campagne électorale, PG&E avait fait don de 208 000 $ à Newsom pour son aide.
Lorsque PG&E s’est trouvée confrontée à la faillite, un groupe de fonds spéculatifs, dont Abrams Capital, Baupost Group et Knighthead Capital, a flairé une mine d’or et a investi dans la compagnie en se joignant à certains des actionnaires existants pour nommer un nouveau conseil de direction, élaborer un plan pour sortir de la faillite et faire des profits aux dépens des créanciers et des victimes des incendies.
Ils sont maintenant contestés par les détenteurs d’obligations, dirigés par le fonds spéculatif Elliott Management, qui espère faire des profits en prenant le contrôle de la compagnie et en escroquant le bloc des actionnaires.
Cherchant un levier dans la bataille devant les tribunaux de faillite, Elliott a offert une indemnisation plus importante aux victimes des incendies et a dit aux responsables de la section locale 1245 de la Fraternité internationale des ouvriers de l’électricité, qui représentent de nombreux travailleurs de PG&E, qu’il protégerait leurs caisses de retraite. Le groupe dirigé par Elliott demande 672 millions de dollars de redevance supplémentaire pour réorganiser l’entreprise.