Un forum au Canada discute des conflits commerciaux capitalistes et de la voie à suivre pour la classe ouvrière

John Steele
le 13 janvier 2025

MONTRÉAL — « Ottawa et Washington essaient de monter les travailleurs de chaque pays les uns contre les autres et contre les travailleurs d’autres pays », a dit Steve Penner, organisateur de la Ligue communiste au Canada, lors d’un Forum ouvrier du Militant organisé ici le 21 décembre. Dans ce conflit, « les travailleurs seront les principales victimes ».

Le forum a été organisé pour discuter de comment les travailleurs devraient répondre à la campagne du gouvernement canadien contre la menace du président élu des États-Unis, Donald Trump, d’imposer des droits de douane de 25 % sur les produits en provenance du Canada et du Mexique.

Le premier ministre canadien Justin Trudeau a prévenu qu’Ottawa riposterait en imposant ses propres tarifs sur les produits américains. Il a affirmé que le gouvernement du Mexique, et non le Canada, était le véritable problème de Washington et que ce pays pourrait être exclu du pacte commercial nord-américain.

Justin Trudeau a également affirmé que Washington et Ottawa devraient s’unir contre Beijing. En octobre, les deux gouvernements ont imposé des droits de douane de 100 % sur les véhicules électriques fabriqués en Chine. Ottawa a également imposé une surtaxe de 25 % sur les importations d’acier et d’aluminium en provenance de Chine.

Les premiers ministres de l’Ontario, Douglas Ford, et de la Colombie-Britannique, David Eby, ont fait monter les enchères en menaçant d’interrompre l’approvisionnement énergétique des États-Unis si Donald Trump mettait sa menace à exécution.

« La concurrence accrue pour les marchés et les ressources est en train d’ébranler l’“ordre mondial” impérialiste », a expliqué Steve Penner.

« Il y a de gros enjeux dans la façon dont les travailleurs et nos syndicats réagissent. L’histoire montre que les guerres commerciales annoncent de futurs conflits armés dans lesquels la classe ouvrière servira de chair à canon. Les conflits de plus en plus aigus entre les puissances impérialistes pour le contrôle des marchés mondiaux et des colonies ont précédé les Première et Deuxième Guerres mondiales. »

Selon Steve Penner, l’appel lancé le 26 novembre par des responsables du Congrès du travail du Canada pour que les travailleurs au Canada se joignent aux dirigeants capitalistes du pays afin de lutter contre les menaces de Trump est un problème bien plus important pour les travailleurs que les menaces du président élu des États-Unis.

« Cette attaque contre nos industries », indique un communiqué signé par la présidente du CTC, Bea Bruske, « met en péril de bons emplois syndiqués dans des secteurs vitaux comme la fabrication, l’exploitation minière, l’énergie et l’agriculture — des emplois qui sont l’épine dorsale de notre économie. »

« Mais le Canada est une société divisée en classes, a expliqué Steve Penner. Il n’y a pas de “nous” qui englobe les travailleurs au Canada et les patrons capitalistes qui nous exploitent et nous oppriment. Le gouvernement qui s’attaque à notre droit de grève et à d’autres libertés fondamentales agit au nom des capitalistes pour défendre leurs industries et leur système de profit. »

La semaine précédant le forum, le gouvernement Trudeau a ordonné à 55 000 travailleurs de la poste en grève de reprendre le travail. C’était la troisième fois qu’Ottawa interdisait à des travailleurs de faire grève au cours des quatre derniers mois.

« L’idée que les syndicats devraient se battre pour défendre les emplois “canadiens” ici, ou les emplois “américains” aux États-Unis, est un piège mortel.

« La classe ouvrière est une classe internationale, a poursuivi Steve Penner. Nous devons nous unir pour défendre nos intérêts contre les familles de milliardaires au pouvoir, notamment en luttant pour des emplois pour tous. »

Action politique de la classe ouvrière

« La campagne des responsables du Congrès du travail du Canada de convaincre les travailleurs de rejoindre l’“équipe Canada” d’Ottawa contre Trump est un obstacle mortel pour les syndicats qui défendent les intérêts des travailleurs », a ajouté le dirigeant de la Ligue communiste.

« L’antiaméricanisme est un pilier central du nationalisme canadien. Mais les travailleurs américains ne sont pas l’ennemi de la classe ouvrière de ce pays. Ils sont notre allié le plus important et le plus puissant, et les patrons canadiens et américains sont notre ennemi commun.

« L’objectif des dirigeants est de bloquer toute tentative de la classe ouvrière d’agir sur le terrain politique de manière indépendante, car cela pourrait conduire les travailleurs à remettre en cause le pouvoir politique de la classe capitaliste.

« En 2022, les syndicats de l’Ontario ont fait un pas en avant en brandissant la menace d’une grève générale pour défendre les 55 000 travailleurs du soutien scolaire qui ont défié une loi interdisant leur droit de grève. Leur détermination et leur fermeté ont contraint le gouvernement provincial à abroger la loi.

« Ces dernières années, a ajouté Steve Penner, des centaines de milliers de travailleurs aux États-Unis et au Canada se sont battus pour obtenir de meilleurs salaires et de meilleures conditions de travail.

« Ces expériences ont permis aux travailleurs d’apprendre le pouvoir de l’action unie de la classe ouvrière. Mais cela ne conduit pas automatiquement les travailleurs à reconnaître que les appels à soutenir les dirigeants canadiens contre leurs rivaux, dans les inévitables conflits commerciaux qui surgissent, sont un piège mortel. »

C’est pourquoi les membres de la Ligue communiste cherchent à mettre en avant les intérêts communs des travailleurs, contre le chauvinisme entretenu par les dirigeants et leurs partis politiques, a-t-il ajouté. Pour faire avancer une voie indépendante pour la classe ouvrière, Steve Penner a exhorté les participants à la réunion à faire campagne pour Philippe Tessier, le candidat de la Ligue communiste à l’élection partielle de l’Assemblée nationale du Québec dans la circonscription de Terrebonne.

« Ma campagne explique la nécessité de construire la solidarité avec les travailleurs du Mexique, des États-Unis et du monde entier », a dit Philippe Tessier au cours de la discussion. « Les syndicats doivent forger leur propre politique étrangère indépendante, qui part des intérêts de classe que les travailleurs partagent dans le monde entier.

« C’est la voie à suivre pour construire un parti de masse basé sur les syndicats, avec la perspective de remplacer le pouvoir politique des familles capitalistes dirigeantes par un gouvernement ouvrier, a-t-il ajouté. Et pour se joindre à la lutte pour un monde socialiste. »