VANCOUVER, Colombie-Britannique – Quelque 2 000 débardeurs et magasiniers de l’International Longshore and Warehouse Union Canada et leurs partisans se sont rassemblés ici au centre-ville le 9 juillet pour manifester leur force et leur solidarité avec leur grève. La grève des 7 400 membres du syndicat a interrompu tout le trafic maritime dans les 30 ports de la côte ouest du Canada.
Le 11 juillet, le gouvernement fédéral a demandé à son médiateur de faire une proposition sur les conditions qui mettraient fin à la grève en 24 heures, puis de la faire ratifier par les patrons et le syndicat dans les 24 heures suivantes. Il s’agit d’une menace d’adopter une loi qui forcerait les grévistes à reprendre le travail et les empêcherait d’obtenir leurs revendications.
« Nous ne voulons pas que le gouvernement fédéral se mêle de nos affaires, » a déclaré Rob Ashton, président de l’ILWU Canada, lors du rassemblement du 9 juillet. « Nous devons les forcer [les patrons] à s’asseoir à la table des négociations. »
Ron Ashton a également répondu aux patrons qui prétendent que les travailleurs portuaires sont tellement bien payés que leurs revendications salariales devraient être ignorées malgré l’augmentation du coût de la vie. « Vous méritez chaque sou que vous recevez », a-t-il dit sous les acclamations de la foule. Le syndicat a souligné les superprofits réalisés par les compagnies maritimes pendant la pandémie, alors que certaines ont décuplé leurs frais d’expédition.
« Je me bats pour l’avenir de nos enfants et de tous ceux qui suivront », a déclaré Samantha Kailey au Militant. Elle était présente au rassemblement avec sa fille de 3 ans, Farah. « Les membres qui nous ont précédés se sont battus pour nos droits. » Kailey travaille au port depuis trois ans en tant que conductrice de semi-remorque. La pancarte de sa fille disait : « L’ILWU se bat pour mon avenir. »
Le lendemain, plusieurs centaines de travailleurs ont participé à un rassemblement près des quais sous le slogan « Un jour de plus, un jour plus fort. »
Près de 25 pour cent du commerce extérieur du Canada passe par les ports de la côte ouest. Vancouver est le plus grand port du Canada. La grève a également un impact important aux États-Unis, où quelque 572 millions de dollars de conteneurs arrivent chaque jour des ports canadiens.
Dans un acte important de solidarité internationale, le président international de l’ILWU, Willie Adams, basé aux États-Unis, a annoncé que les membres du syndicat aux États-Unis refuseraient de décharger les navires redirigés du Canada vers les ports américains. Déjà, certains navires incapables d’être déchargés au Canada ont repris le chemin de la Chine.
L’ILWU a trois revendications principales : mettre fin à « l’érosion » du travail syndical par la sous-traitance, en particulier l’entretien ; protéger les emplois face à « l’impact dévastateur de l’automatisation des ports » ; et garantir que les salaires augmentent face à « l’inflation record et à la montée en flèche du coût de la vie. » Le syndicat dit que les patrons des ports font appel à des sous-traitants lorsque des travailleurs syndiqués sont disponibles.
Le gouvernement fédéral a récemment approuvé un plan visant à augmenter de près de 50 pour cent la capacité de transport de conteneurs de Vancouver en construisant un terminal à conteneurs semi-automatisé sur une île artificielle près de Delta, dans la banlieue de Vancouver. Les patrons espèrent ainsi augmenter leurs profits en accélérant le flux des marchandises avec moins de travailleurs.
Les débardeurs sont embauchés comme des travailleurs occasionnels qui se présentent tous les jours pour voir s’il y a du travail. Devenir un travailleur permanent prend des années. Un gréviste a expliqué à ce correspondant du Militant qu’après 11 ans, il n’était toujours pas permanent.
« De nombreuses années à être sur appel pour des quarts de travail ponctuels avec très peu de préavis, » a déclaré Rob Ashton, le président de l’ILWU dans un communiqué de presse publié le 6 juillet. « Le revenu est sporadique et l’imprévisibilité des quarts de travail rend difficile de les compléter par d’autres emplois. »
Le 3 juillet, l’Association des employeurs maritimes de la Colombie-Britannique, qui représente 49 entreprises, a rompu les négociations en prétendant que les revendications des grévistes étaient « déraisonnables ». Elle a proposé que l’ILWU consente à l’arbitrage exécutoire, ce que le syndicat a refusé. Mais comme leurs pertes augmentaient, les patrons ont accepté de retourner à la table de négociation le 8 juillet.
Les patrons des principales industries touchées par la grève et les gouvernements provinciaux de l’Alberta et de la Saskatchewan ont demandé au gouvernement fédéral de rappeler le Parlement, présentement en vacances, afin d’adopter une loi obligeant les grévistes à retourner au travail.
En 2021, Ottawa a imposé une loi de retour au travail aux 1 150 débardeurs de Montréal, en grève pour éliminer les horaires les obligeant à travailler 19 jours consécutifs sur 21. La convention collective imposée par l’arbitre n’a pas été modifié cette situation.
Une grande solidarité
Les travailleurs de plusieurs syndicats se sont joints à la ligne de piquetage. Les syndicats de la construction ont envoyé un camion de café au piquet de grève établi devant le centre patronal de répartition quotidienne des débardeurs à Vancouver.
Les grévistes ont reçu des messages de solidarité de la part de syndicats du monde entier, y compris des sections locales de l’Association internationale des débardeurs sur les côtes est et sud des États-Unis, et de syndicats maritimes en Turquie, au Sri Lanka, au Royaume-Uni, au Japon, au Chili et dans d’autres pays. Des délégations des syndicats maritimes d’Australie et de Nouvelle-Zélande ont participé au rassemblement du 9 juillet à Vancouver et se sont rendues sur les lignes de piquetage.
Le 6 juillet, des membres du Syndicat des machinistes à Avcorp, une entreprise aérospatiale, se sont joints à la ligne de piquetage à Delta. Le vice-président de la section locale 11 du syndicat, Roneel Sharma, a lu un message aux grévistes : « Il y a quelques années, lorsque nos membres ont été mis en lock-out par notre employeur, qui exigeait de nombreuses concessions qui auraient dévasté notre convention collective, les membres de plusieurs autres syndicats et milieux de travail, dont le syndicat des débardeurs, ont renforcé nos lignes de piquetage et nous ont aidés à remporter une victoire. »
« Nous allons combattre ce gouvernement s’il essaie de nous imposer une loi de retour au travail », a dit Sussanne Skidmore, présidente de la Fédération du travail de la Colombie-Britannique au rassemblement du 9 juillet. Pour envoyer un message de solidarité, obtenir les dernières nouvelles sur la grève ou vous joindre à un piquet de grève, rendez-vous à www.ilwu.ca.