« Pour l’abrogation de la Loi antiouvrière sur les mesures d’urgence de la classe dirigeante ! »

John Steele
le 12 février 2024
La police canadienne utilise du gaz poivré et fonce dans la foule de camionneurs et d’autres manifestants du Convoi de la liberté à Ottawa, le 19 février 2022, après que le gouvernement de Justin Trudeau a invoqué la tristement célèbre Loi sur les mesures d’urgence.
REUTERS/BLAIR GABLELa police canadienne utilise du gaz poivré et fonce dans la foule de camionneurs et d’autres manifestants du Convoi de la liberté à Ottawa, le 19 février 2022, après que le gouvernement de Justin Trudeau a invoqué la tristement célèbre Loi sur les mesures d’urgence.

MONTRÉAL — Un juge fédéral a statué le 23 janvier qu’Ottawa avait enfreint la loi en invoquant la Loi sur les mesures d’urgence pour écraser le Convoi de la liberté des camionneurs en 2022. Il s’agit d’une victoire importante pour tous les travailleurs et les défenseurs des droits démocratiques, qui peut être utilisée pour lutter afin que les accusations portées par le gouvernement contre les participants à la manifestation des camionneurs soient abandonnées et plus largement pour défendre les luttes syndicales et les autres luttes ouvrières.

Le gouvernement a invoqué la Loi sur les mesures d’urgence le 14 février 2022 pour démanteler un campement devant le Parlement canadien à Ottawa, établi par des camionneurs pour protester contre les mesures fédérales de vaccination obligatoire contre la COVID, qui menaçaient leurs emplois. Beaucoup ont vu leurs camions saisis et leurs comptes bancaires gelés dans le cadre de l’un des actes de répression gouvernementale les plus radicaux depuis des décennies.

Le gouvernement de Justin Trudeau a tenté de justifier son recours à la Loi sur les mesures d’urgence en prétendant frauduleusement que la manifestation des camionneurs constituait une menace à la « sécurité nationale » du Canada.

Le juge de la Cour fédérale, Richard Mosley, a dit qu’en raison du convoi de camionneurs, « le préjudice causé à l’économie et au commerce du Canada était très réel et préoccupant, mais qu’il ne constituait pas une menace ou un recours à la violence grave contre des personnes ou des biens ».

Le recours par le gouvernement à cette loi pour réprimer la protestation des camionneurs « ouvrirait la porte à considérer tout événement suffisamment perturbateur, par exemple une grève légale dans un port, comme une menace à la sécurité nationale », ont écrit les rédacteurs du Globe and Mail le 24 janvier.

Richard Mosley a dit que le gel des comptes bancaires des participants au convoi et l’imposition de « zones interdites » à Ottawa par le gouvernement pendant la manifestation constituaient des violations de la Charte canadienne des droits et libertés.

Néanmoins, Richard Mosley a également statué que le recours par le gouvernement à la Loi sur les mesures d’urgence ne violait pas la liberté d’association ni la liberté de réunion pacifique.

Le gouvernement a annoncé qu’il ferait appel de la décision du juge.

Pour justifier son recours à la loi sur les mesures d’urgence, le gouvernement a convoqué une commission qui a siégé pendant des mois l’année dernière. Il a insisté sur le fait qu’il avait été informé, dans des documents jamais rendus publics, qu’il avait le pouvoir de réinterpréter le texte de la loi comme bon lui semblait pour réprimer la manifestation.

La Ligue communiste a présenté un mémoire à la commission, qui non seulement rejetait l’utilisation de la Loi sur les mesures d’urgence contre les camionneurs, mais demandait également l’abrogation de la loi.

« La décision du tribunal a fait tomber le masque des manœuvres malhonnêtes et cyniques de Trudeau et de l’utilisation par son régime de la fausse accusation de “menace à la sécurité nationale” », a dit Steve Penner, organisateur de la Ligue communiste, lors du Forum ouvrier du Militant qui s’est tenu le 27 janvier à Montréal. « Ce n’est qu’un euphémisme pour désigner les menaces qui pèsent sur les profits et les pouvoirs des dirigeants capitalistes milliardaires du Canada. »

La Loi sur les mesures d’urgence a été adoptée en 1988 pour remplacer la Loi des mesures de guerre, grandement discréditée. Cette loi avait été invoquée en 1970 pour arrêter sans inculpation des centaines de syndicalistes au Québec, des combattants pour l’indépendance du Québec, des artistes, des défenseurs des libertés civiles, des socialistes et des communistes, dans le but d’écraser les luttes syndicales croissantes et le mouvement pour les droits nationaux des Québécois.

« Ottawa a imposé la Loi sur les mesures d’urgence, a ajouté Steve Penner, pour créer un précédent qu’il pourra utiliser à l’avenir contre les travailleurs et les opprimés et ainsi miner notre capacité à nous défendre par le biais des syndicats, de partis politiques de la classe ouvrière et d’autres organisations. »

Encouragé par le succès d’Ottawa dans l’utilisation de la Loi sur les mesures d’urgence contre les camionneurs, le gouvernement de l’Ontario a adopté la Loi 28 interdisant la grève de 55 000 travailleurs de l’éducation. Mais les membres du Syndicat canadien de la fonction publique ont défié la loi. Ils ont eu l’appui de la Fédération du travail de l’Ontario, qui a brandi la menace d’une grève générale, et d’un nombre croissant de travailleurs de tout le pays. Le gouvernement a été contraint de reculer et d’abroger la loi.

Face à la grève de 7 400 membres de l’International Longshore and Warehouse Union dans 30 ports de la côte Ouest en juillet dernier, les associations patronales ont demandé au gouvernement fédéral d’imposer une loi de retour au travail. Justin Trudeau a menacé de le faire, mais a fait marche arrière. Les travailleurs portuaires ont fini par obtenir des avancées significatives grâce à leur lutte.

« À la lumière de la décision de la Cour fédérale, les syndicats et tous les défenseurs des droits démocratiques devraient profiter de cette occasion pour demander le retrait immédiat des 393 accusations criminelles portées contre 122 participants au Convoi de la liberté et la fin du procès truqué des dirigeants du Convoi de la liberté, Tamara Lich et Chris Barber », a conclu Steve Penner.

Tamara Lich est une ancienne dirigeante du Maverick Party, tandis que Chris Barber dirigeait une entreprise de camionnage en Saskatchewan. Tous deux ont été libérés sous caution dans des conditions draconiennes.

Tamara Lich a passé au total 49 jours derrière les barreaux alors qu’elle n’a été reconnue coupable d’aucun crime. Lors de sa deuxième audience de libération sous caution, elle a été amenée au tribunal avec des menottes. Un juge de la Cour supérieure, scandalisé, a ordonné qu’on lui enlève les chaînes et qu’elle soit libérée.