Non à l’intervention des États-Unis au Venezuela

Róger Calero
le 19 août 2024

Lors d’une élection très polarisée au Venezuela le 28 juillet, le chef du Conseil national électoral du gouvernement a déclaré vainqueur le président sortant Nicolás Maduro. L’opposition et son candidat, Edmundo González Urrutia, ont refusé d’accepter cette décision, affirmant qu’ils avaient gagné. Washington a saisi l’occasion pour continuer les efforts qu’il fournit depuis longtemps pour imposer au Venezuela un gouvernement qui convienne aux dirigeants américains.

Avec une arrogance typiquement impérialiste, le secrétaire d’État Antony Blinken a annoncé le 1er août : « il est clair pour les États-Unis » que González a gagné. Le président mexicain Andrés Manuel López Obrador qui, avec les présidents brésilien et colombien, a été étroitement impliqué dans les négociations entre Washington, l’opposition et le gouvernement vénézuélien, a qualifié la déclaration de Blinken d’« irréfléchie ». Il a déclaré qu’il n’était « ni légal ni légitime pour un gouvernement de décider quel était le candidat vainqueur ou perdant dans un autre pays ».

C’est précisément ce que les dirigeants impérialistes des États-Unis cherchent toujours à faire : s’imposer comme l’arbitre de la « démocratie » dans le monde, afin d’utiliser cette image pour justifier leurs interventions à l’étranger et défendre leur domination économique et militaire.

Des résultats contestés

Lors d’un meeting à Miami le 4 août, Rachele Fruit, candidate à la présidence du Parti socialiste des travailleurs, a exigé que « Washington n’intervienne pas au Venezuela !»

« Les dirigeants des États-Unis ont une longue histoire d’intervention dans les affaires du Venezuela. Mais ils n’ont aucun droit de le faire. »

Le gouvernement de Nicolás Maduro et le Conseil national électoral (CNE) ont déclaré que le président l’avait emporté avec 5,1 millions de voix contre 4,4 millions pour Edmundo González. Les dirigeants de l’opposition ont affirmé que leur candidat avait obtenu 6,2 millions voix contre 2,7 millions pour Maduro, l’emportant ainsi avec une marge de 3,5 millions de voix.

Des milliers de personnes sont descendues dans les rues de Caracas, la capitale, et dans tout le pays la semaine après le vote, lors de manifestations largement pacifiques appelant le CNE à publier les feuilles de décompte de chaque circonscription. Les manifestants ont soutenu que sa décision était une tentative de voler l’élection. Certaines manifestations ont eu lieu dans d’anciens bastions ouvriers qui soutenaient le Parti socialiste uni du Venezuela (PSUV), le parti politique formé par le prédécesseur et mentor de Maduro, Hugo Chávez.

En même temps, des dizaines de milliers de personnes ont manifesté le 3 août pour soutenir les résultats officiels et protester contre ce que le gouvernement de Nicolás Maduro considère être une conspiration criminelle d’extrême droite visant à perpétrer un coup d’État.

Les dirigeants d’au moins 15 gouvernements d’Amérique latine, ainsi que des représentants de l’Union européenne, ont remis en question ou n’ont pas reconnu les résultats de l’élection et se sont joints à l’appel demandant au gouvernement Maduro de publier les feuilles de décompte afin de sortir de la crise.

Efforts des États-Unis pour contrôler le Venezuela

Après l’échec des administrations américaines précédentes dans leurs tentatives de renverser par la force le gouvernement dirigé par le PSUV, d’abord sous Chávez puis sous Maduro, l’administration de Joseph Biden a engagé des pourparlers avec le gouvernement vénézuélien l’année dernière. Elle voulait établir des paramètres pour les élections présidentielles, parmi lesquels Washington a offert une éventuelle levée des dures sanctions imposées par les États-Unis aux industries pétrolières, bancaires et aurifères du pays. Le prix à payer était que le gouvernement vénézuélien organise les élections selon des lignes acceptables pour les dirigeants capitalistes des États-Unis.

Outre les sanctions imposées par Washington au gouvernement et à l’économie, les États-Unis maintiennent également des sanctions à l’encontre d’au moins 115 hauts fonctionnaires vénézuéliens qui, selon eux, ont mené des « actions criminelles, antidémocratiques ou corrompues ».

Les pourparlers de l’année dernière, qui se sont tenus au Qatar et à la Barbade, ont abouti à la levée partielle de certaines sanctions en vigueur depuis 2019, qui paralysaient l’industrie pétrolière et gazière cruciale du Venezuela. Washington les a rétablies en avril, accusant le gouvernement Maduro de ne pas avoir organisé des « élections libres et équitables » lorsque la dirigeante de l’opposition, María Corina Machado, a été empêchée de se présenter à l’élection présidentielle.

Un tribunal avait confirmé une décision antérieure du contrôleur général vénézuélien de la disqualifier pour 15 ans après qu’elle eut appelé à une intervention étrangère au Venezuela lors d’une réunion de l’Organisation des États américains en 2014. Elle a également soutenu les sanctions de Washington contre le Venezuela et fait face à des accusations de corruption impliquant des actifs vénézuéliens à l’étranger. Pendant des années, elle a été parmi ceux qui ont appelé le plus fortement à des manifestations pour renverser le gouvernement du PSUV. Elle était la principale porte-parole de la campagne de González.

Dans son dernier effort pour renverser Maduro, l’opposition a puisé dans le mécontentement des classes moyennes et populaires. Poussés par des difficultés économiques croissantes, plus de 7,7 millions de Vénézuéliens ont quitté le pays depuis 2014, soit plus du quart de la population. Dans ses discours de campagne, María Corina Machado a promis de relancer l’économie et de permettre à « nos fils et à nos filles qui ont émigré de rentrer chez eux ». Elle a prévenu à plusieurs reprises qu’une victoire de Maduro déclencherait un nouvel exode massif.

La campagne de l’opposition a gagné du terrain dans les zones rurales, où les travailleurs ont été frappés par l’effondrement des services publics et du système de programmes sociaux mis en place par Chávez et Maduro, dans le cadre de ce qu’ils appellent le « socialisme du 21e siècle ». La crise économique que traverse le Venezuela a été exacerbée par les sanctions économiques brutales imposées par Washington.