Teamster Bureaucracy est une lecture indispensable pour les travailleurs d’aujourd’hui

Les militants du SWP et des Teamsters ont combattu les patrons, le coup monté du FBI

le 3 septembre 2018

­Teamster Bureaucracy de Farrell Dobbs, 440 pages, les éditions Pathfinder, deuxième édition, 2018.

ALYSON KENNEDY

La richesse des leçons de la série en quatre volumes sur les Teamsters de Farrell Dobbs est essentielle pour les travailleurs qui commencent à voir la nécessité de se battre et reconstruire le mouvement syndical. Dans Teamster Rebellion (disponible en français, Rébellion Teamster), Teamster Power , Teamster Politics  et Teamster Bureaucracy, les travailleurs découvrent de première main les combats ouvriers les plus profonds et politiquement importants des années 1930.

Avant tout, ils prennent connaissance de la direction communiste qui a rendu ces luttes ouvrières si puissantes et efficaces, et ce, directement de la part d’un de ces dirigeants, Farrell Dobbs. Farrell Dobbs a été un organisateur central des batailles des Teamsters pendant plus d’une demi-décennie.

Cette année, les éditions Pathfinder publient une nouvelle édition de Teamster Bureaucracy, ainsi qu’une nouvelle traduction en espagnol. Les quatre volumes sont désormais disponibles pour la première fois aux travailleurs qui lisent le plus facilement dans cette langue.

La nouvelle édition contient plus de 130 photos et illustrations, la plupart ne figurant pas dans les impressions précédentes. Les images, ainsi que les manchettes, les articles et les caricatures de la presse ouvrière et des quotidiens patronaux font revivre les campagnes menées par les Teamsters de Minneapolis et la réaction de plus en plus répressive de la classe dominante.

Les dirigeants des Teamsters ont travaillé à organiser les non syndiqués dans le cadre du mouvement social croissant à l’échelle du pays pour organiser des syndicats industriels. Ils ont tendu la main aux agriculteurs, aux chômeurs, aux camionneurs qui possédaient leurs propres camions et aux autres travailleurs opprimés. Ils se sont organisés politiquement pour mobiliser l’opposition de la classe ouvrière aux objectifs de guerre impérialistes du capitalisme américain, alors que la classe dirigeante se préparait à entraîner les travailleurs dans la seconde guerre mondiale, qui se propageait déjà en Europe et en Asie.

Farrell Dobbs, âgé d’une vingtaine d’années, avait décroché un emploi en 1934 dans un dépôt de camions de Minneapolis où il pelletait du charbon. Plus tard cette année-là, il est devenu un participant et un dirigeant d’une campagne de syndicalisation et de grèves qui a défait la politique patronale d’atelier ouvert (non syndiqué) à Minneapolis et gagné la reconnaissance syndicale de la section locale 574 (plus tard 544). Quand il a vu comment les membres de la Ligue communiste (précurseur du Parti socialiste des travailleurs) ont aidé à mener ce combat, il a adhéré au parti.

Farrell Dobbs est devenu l’organisateur central d’une campagne de syndicalisation dans onze États qui, à la fin des années 1930, a rassemblé dans le syndicat des dizaines de milliers de conducteurs longue distance. À travers ces batailles et d’autres expériences politiques, Farrell Dobbs est devenu un dirigeant central du SWP, servant comme secrétaire national du parti de 1953 à 1972 et comme candidat à la présidence des États-Unis à quatre reprises, de 1948 à 1960.

Les conclusions tirées par Dobbs dans Teamster Bureaucracy sont inestimables pour les travailleurs d’aujourd’hui qui ont trouvé dans les batailles ouvrières comme les grèves des enseignants en Virginie occidentale et ailleurs plus tôt cette année une source d’inspiration et de leçons.

Lorsque le président Franklin Roosevelt a remporté un second mandat en 1936, il s’est concentré de plus en plus sur la préparation de la « défense des intérêts américains, » alors que des nuages de guerre planaient au-dessus des rivaux impérialistes des dirigeants américains au niveau mondial.

« Campagne syndicale contre la guerre »

Farrell Dobbs explique que les Teamsters de Minneapolis ont lancé une campagne dans le mouvement syndical pour organiser l’opposition aux préparatifs de guerre de Roosevelt. La première étape consistait à éduquer les rangs du syndicat sur le caractère de classe des guerres de Washington à travers les pages du Northwest Organizer, l’hebdomadaire des Teamsters de Minneapolis. Teamster Bureaucracy reproduit des éditoriaux et articles qui reprenaient les arguments des dirigeants capitalistes américains qui tentaient de rallier un sentiment patriotique en faveur de la guerre. L’Organizer a publié une série d’articles de Carlos Hudson sur la façon dont les patrons avaient utilisé la première guerre impérialiste, qui s’était terminée en 1918, pour attaquer le mouvement syndical au Minnesota.

Après le bombardement japonais d’une canonnière américaine et de trois pétroliers de Standard Oil en décembre 1937, les dirigeants capitalistes ont déclenché une vague de propagande antijaponaise massive. « Notre » drapeau a été insulté et « nous » devons réagir, a hurlé la presse capitaliste. « Que veulent-ils dire par « nous » et « notre » ? » a répondu le Northwest Organizer.

Les ouvriers et les patrons ont des intérêts de classe opposés, a expliqué l’Organizer. « Si les investissements de la Standard Oil Company sont menacés, c’est le problème de Rockefeller, pas le nôtre. »

Alors que les patrons criaient que « nous » devions nous préparer à la guerre, ils attaquaient les syndicats dans le but de faire plus de profits sur notre dos.

Dans la postface du livre, Farrell Dobbs décrit comment les travailleurs changent au cours des luttes syndicales et sociales comme celles entreprises par les Teamsters. Ils « apprennent à généraliser leurs besoins en tant que classe, explique-t-il, et à faire valoir leurs revendications aux capitalistes sur une base politique, en tant que classe. »

« S’ils se font aider à comprendre l’essence d’un capitalisme dépassé, ils apprendront que les problèmes existants ne sont pas accidentels, a dit Dobbs. Ils verront alors pourquoi le contrôle du gouvernement doit être arraché des capitalistes par le mouvement ouvrier. »

Et pour accomplir cela, explique Dobbs, nous avons besoin d’un parti communiste révolutionnaire.

Les dirigeants des Teamsters et du SWP sont inculpés

La couverture de la nouvelle édition du livre montre la une du Militant du 26 juillet 1941. L’article s’intitule : « Pourquoi nous avons été inculpés : le Parti socialiste des travailleurs est le parti antiguerre. » Dobbs décrit en détail comment le gouvernement Roosevelt, de mèche avec les officiers nationaux pro-démocrates et pro-guerre du syndicat des Teamsters, a lancé une campagne pour écraser le mouvement militant des Teamsters du Midwest et pour emprisonner ses dirigeants.

Le livre montre comment les dirigeants des États-Unis ont organisé le renforcement du FBI pour qu’il devienne ce qu’il est aujourd’hui : leur agence antisyndicale et anticommuniste pour l’espionnage et le sabotage.

Un article de la une du Minneapolis Morning Tribune reproduit dans le livre détaille le raid du FBI et du U.S. Marshal sur le quartier général du Parti socialiste des travailleurs le 27 juillet 1941. Il est accompagné d’images de gros-titres des journaux qui rapportent l’inculpation du 15 juillet des 29 dirigeants du SWP et de la section locale 544, accusés de « sédition » pour chercher à renverser le gouvernement.

Dobbs décrit comment le parti et les syndicalistes ont organisé une grande campagne publique qui a gagné le soutien de larges pans du mouvement syndical, de l’Union américaine pour les libertés civiles, du NAACP et d’autres organisations pour « le droit constitutionnel de faire du travail politique, incluant l’opposition à la guerre impérialiste. » Des réunions publiques de masse ont été organisées pour manifester contre le procès truqué.

Dans le chapitre intitulé : « Si c’est de la trahison…, » Dobbs raconte en détail le témoignage du premier témoin pour la défense : le secrétaire national du SWP James P. Cannon, qui expose ce pour quoi se bat le SWP.

Le Minneapolis Tribune a décrit la scène « comme une salle de classe. » Cannon y a expliqué les rouages du système capitaliste : comment il est fondé sur l’exploitation des travailleurs, comment il est affligé par des crises périodiques, comme la grande dépression de 1929, comment ses mécanismes aiguisent la compétition entre les capitalistes locaux et ceux à l’étranger, ce qui mène directement à des guerres impérialistes.

Ce sont ces conditions, « pas la propagande socialiste, qui sont la cause de la lutte de classes incessante sous le capitalisme, » a affirmé Cannon. Elles amènent les travailleurs à construire des syndicats où, en faisant preuve de sa capacité de diriger des luttes syndicales, le SWP gagne « le respect parmi les rangs et espère en même temps recevoir une écoute sympathique pour notre programme de lutte de classe et nos idées socialistes. »

Tout en expliquant que la guerre impérialiste vient directement de la compétition et des crises du capitalisme, « nous parlons contre cette guerre, nous écrivons contre elle et nous essayons de créer des sentiments massifs d’opposition, » explique Cannon.

« Nous poussons les travailleurs à se séparer catégoriquement des partis capitalistes, à développer leur propre parti indépendant et à adopter un programme politique qui servira réellement les intérêts des travailleurs et de leurs alliés. »

Cannon tire des leçons des écrits de base du marxisme et décrit comment les exploités et les opprimés deviennent convaincus de la nécessité de renverser le règne capitaliste et prendre le pouvoir étatique dans leurs propres mains.

Dans son contre-interrogatoire de Cannon, le procureur du gouvernement Henry Schweinhaut, amené directement du département de la Justice de Washington pour imposer le coup-monté, lit un passage du Militant à propos de comment les Teamsters, en 1934, ont « combattu la police et les auxiliaires des shérifs jusqu’à une impasse et les ont repoussés hors des rues de la ville. » Schweinhaut voulait savoir si c’était là le genre de violence que le SWP défendait.

« C’était ce que devaient faire les auxiliaires de police : chasser les travailleurs des rues de la ville. Ils ont reçu la monnaie de leur pièce, a répondu Cannon. Je pense que les travailleurs ont le droit de se défendre. Si c’est de la trahison, faites-en ce que vous voulez. »

Les travailleurs peuvent apprendre beaucoup à travers les pages de Teamster Bureaucracy : à propos du capitalisme, de comment diriger des luttes syndicales, à propos de la politique ouvrière révolutionnaire et à propos de la voie vers la révolution aux États-Unis et la lutte pour un monde socialiste.

Dobbs écrit dans sa postface qu’en écrivant cette série de quatre volumes, « Mon but était d’aider à trouver des indices sur les moyens de transformer le pouvoir potentiel de classe des syndicats en une force dynamique et active dans la lutte constante contre les exploiteurs capitalistes. »

À la veille du massacre sanglant inter-impérialiste, les dirigeants américains ont obtenu la condamnation qu’ils voulaient. Mais ils ont complètement échoué à faire taire le SWP. Alors que le procès débutait, le parti a annoncé qu’il présentait Cannon à la mairie de la ville de New York. Et lorsque les 18 de Minneapolis sont sortis de la prison fédérale en janvier 1945, la branche de New York du parti a annoncé qu’elle présentait Farrell Dobbs à la mairie.

C’est un livre attirant et de valeur inestimable. Je vous enjoins à l’obtenir, le lire et l’étudier. Alors que de nouveaux combats de classes se déroulent, c’est un livre auquel vous reviendrez encore et encore.