MONTRÉAL – Quelques jours après que les patrons des ports ont mis en lock-out quelque 1 900 débardeurs syndiqués en Colombie-Britannique et au Québec, le gouvernement a répondu aux appels des associations de patrons de tout le pays et est intervenu le 12 novembre en ordonnant aux travailleurs de reprendre le travail.
« Nous ne pouvons tout simplement pas nous permettre cette incertitude et cette instabilité », a déclaré le ministre du Travail, Steven MacKinnon. Il a annoncé qu’il avait demandé au Conseil canadien des relations industrielles d’imposer « un arbitrage définitif et exécutoire ». Les travailleurs portuaires se battent pour obtenir des contrats qui prévoient des salaires adéquats, des conditions de travail sûres, des horaires compatibles avec une vie de famille. Ils luttent aussi contre les suppressions d’emplois.
Le lock-out du 10 novembre au port de Montréal, le deuxième plus grand port du pays, a eu lieu après que l’Association des employeurs maritimes a présenté sa proposition « finale » le 7 novembre. Celle-ci ne répondait à aucune des préoccupations des travailleurs. Plus de 90 % des membres de la section locale 375 du Syndicat canadien de la fonction publique ont rejeté l’offre à 99,7 %. Les travailleurs avaient organisé des actions de grève dans deux des principaux terminaux du port le 31 octobre et refusé de faire des heures supplémentaires. Leur contrat a pris fin en décembre dernier.
« C’est un jour noir pour les droits des travailleurs. Le droit de négocier collectivement est un droit constitutionnel et n’est pas négociable », a dit le Syndicat canadien de la fonction publique. Il est « ahurissant de constater que l’employeur a mis ses salariés en lock-out dimanche soir dernier et qu’il a immédiatement demandé l’intervention du gouvernement sans avoir réellement négocié ».
Le 4 novembre, l’Association des employeurs maritimes de la Colombie-Britannique a mis en lock-out plus de 700 contremaîtres syndiqués qui font office de chefs d’équipe et sont membres de la section locale 514 du Syndicat international des débardeurs et magasiniers (ILWU). Cette décision des patrons a entraîné la fermeture de la quasi-totalité du système portuaire de la côte Ouest du Canada, par lequel transitent chaque jour 800 millions de dollars de marchandises. Ce lock-out faisait suite à un avis de grève de la section locale 514 et à la décision des membres du syndicat de refuser toutes les heures supplémentaires. Leur ancien contrat a expiré le 31 mars 2023.
« Nous combattrons cette ordonnance devant les tribunaux. Nous combattrons devant les tribunaux le contrat imposé par arbitrage obligatoire », a dit à la presse Frank Morena, président de la section locale 514.
Plus de 500 membres de la section locale 514 de l’ILWU et leurs partisans se sont rassemblés sur les quais de Vancouver le 8 novembre. Des membres du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, de la section locale 500 de l’ILWU, de l’Union internationale des opérateurs-ingénieurs et de l’Association internationale des machinistes et des travailleurs et des travailleuses de l’aérospatiale (AIMTA) se sont joints à eux en signe de solidarité. Deux membres de la section 500 de l’ILWU ont brandi un drapeau signé par des débardeurs d’Hawaï et du Japon en signe de solidarité avec la lutte.
« Nos 300 membres de la section locale 11 de l’AIMTA, vous transmettent leurs plus chaleureuses salutations de solidarité dans votre lutte pour un contrat décent », peut-on lire dans une lettre du 7 novembre des travailleurs de Delta Aerospace près de Vancouver. Le message qualifie les efforts des patrons pour forcer l’intervention du gouvernement fédéral « d’attaque contre les droits de négociation collective de tous les travailleurs au Canada ».
Les patrons ont exigé qu’Ottawa agisse
En 2021, sous le gouvernement du Parti libéral du premier ministre Justin Trudeau, le Parlement a adopté une loi antigrève ordonnant aux débardeurs de Montréal de retourner au travail et les soumettant à l’arbitrage obligatoire.
Plus de 100 organisations patronales, dont la Chambre de commerce du Canada, ont signé une lettre ouverte au gouvernement Trudeau le 31 octobre. Elles demandaient à Ottawa de faire tout ce qu’il faut pour mettre fin à l’arrêt de travail, affirmant : « Nous ne pouvons tout simplement pas nous permettre une autre grève dans le secteur des transports. »
Cela faisait référence à la fermeture de trois jours en août des deux principaux chemins de fer de transport de marchandises du Canada, le Canadien National et le Canadien Pacifique Kansas City, dans le cadre d’une grève et d’un lockout impliquant 10 000 travailleurs ferroviaires du syndicat des Teamsters qui luttaient pour des conditions de travail plus sécuritaires. Le Conseil canadien des relations industrielles leur a ordonné de retourner au travail et a imposé un arbitrage exécutoire.
Teamsters Canada a dénoncé l’attaque du gouvernement contre les débardeurs, affirmant que la décision du ministre allait à l’encontre des droits garantis par la Charte canadienne des droits et libertés. « Les syndicats se battront jusqu’au bout », a déclaré dans un communiqué François Laporte, le président national de Teamsters Canada.
« C’est la même bataille que nous menons, pour de meilleures conditions de travail et des horaires humains », a dit le chef de train du CN de Montréal, Mychael Parsons, au Militant le 6 novembre. « Les entreprises font des profits records sur notre dos. Il n’y a aucune raison pour que nos conditions de travail soient si atroces. » Parsons est l’un des nombreux chefs de train du Canadien National qui ont effectué des visites de solidarité aux piquets de grève de la section locale 375 du SCFP à Montréal.
Ned Dmytryshyn à Vancouver et Philippe Tessier à Montréal ont contribué à cet article.