Le vote fort en faveur du Likoud dans les élections israéliennes du 17 mars garantit que le prochain gouvernement continuera d’être dirigé par le premier ministre Benjamin Netanyahou. Les résultats reflètent les préoccupations des travailleurs en Israël quant à la politique étrangère du président américain Barack Obama dont ils pensent qu’elle rend plus probable la menace d’attaques venant d’Iran et des forces réactionnaires du Hamas islamiste qui dirigent Gaza.
L’élection ne marque aucunement un virage vers la « droite dure » de la part de Benjamin Netanyahou, comme le prétendent à grand cri les porte-parole de l’administration Obama, les rédacteurs du New York Times et d’autres medias libéraux aux États-Unis et en Israël. Pas plus qu’elle ne diminue la possibilité d’une reconnaissance d’un État palestinien. Au contraire, c’est plutôt le cours de Washington qui accroît le danger d’instabilité et de conflits dans la région.
Revenant sur une déclaration qu’il avait faite juste avant les élections, Netanyahou a réitéré le 19 mars sa position en faveur d’un État palestinien « démilitarisé » aux côtés d’Israël.
Netanyahou a provoqué de nouvelles élections après que sa coalition s’est divisée autour d’un projet de loi qu’il avait soutenu, projet qui aurait donné des droits exclusifs aux citoyens juifs en Israël, un écart par rapport au document fondateur d’Israël qui appelle à « une pleine égalité de droits sociaux et politiques » sans distinction de religion, même si ce document est plus souvent enfreint que respecté.
L’élection réduit la probabilité de voir Netanyahou tenter de faire adopter ce projet de loi réactionnaire.
Même si le Likoud de Netanyahou a remporté 30 sièges contre 18 en 2013, le total des sièges remportés par la soi-disant aile droite est pratiquement le même que dans la Knesset sortante, le parlement israélien. Le Likoud a progressé principalement au détriment de ses alliés plus extrémistes. Le parti Foyer juif, qui soutient l’expansion des colonies en Cisjordanie, et le parti Israël est notre foyer ont chacun perdu des sièges.
Une tentative d’affaiblir les partis à base palestinienne en relevant le seuil de voix requises pour être élu a produit l’effet contraire. Ces partis ont formé pour la première fois une alliance électorale, la Liste arabe unie, ce qui a encouragé les Arabes israéliens à voter en nombre record et permis d’accroître ses sièges de 11 à 14, constituant ainsi le troisième bloc à la Knesset.
Lors d’un débat pré-électoral à Ibillin, en Israël, Avigdor Lieberman, le chef du parti Israël est notre foyer et ministre des Affaires étrangères de Netanyahou, a demandé à Ayman Odeh, le chef de la Liste arabe unie, majoritairement arabe : « Pourquoi êtes-vous venu dans ce studio, pourquoi pas à Gaza, ou à Ramallah ? Pourquoi même êtes-vous ici ? »
« Je fais partie de la nature, de l’environnement, du paysage, » a répondu Aymen Odeh, aussi membre du conseil municipal de Haïfa, une ville mixte arabe et juive.
L’Union sioniste, le principal adversaire du Likoud, composée du Parti travailliste et de Hatnuah, a remporté 24 sièges soit trois de plus qu’en 2013. Les partis ultra-orthodoxes ont perdu 14 sièges.
Benjamin Netanyahou a fait campagne en se présentant comme le seul à pouvoir résister à l’Iran. Barack Obama et Benjamin Netanyahou se sont opposés sur les tentatives de Washington de parvenir à un accord avec Téhéran concernant l’assouplissement des sanctions impérialistes en échange de quelques restrictions au programme nucléaire de l’Iran. L’alliance de facto entre Washington et l’Iran dans la lutte contre l’État islamique en Irak et en Syrie n’est pas un secret.
Barack Obama a fait tout ce qu’il pouvait pour influencer l’élection, dans l’espoir que le Likoud perde. Le V15, un groupe dirigé par Jeremy Bird, directeur national de la campagne présidentielle de Barack Obama en 2012, a dépensé des millions de dollars pour obtenir la défaite du Likoud.
Ce n’est que deux jours après l’élection que Barak Obama a appelé Netanyahou pour le féliciter, pour ensuite lui reprocher les déclarations qu’il avait faites avant le vote.
Washington affirme qu’il envisage maintenant d’opérer des changements dans ses relations avec Israël.
L’Union sioniste est d’accord pour dire que le régime de Téhéran est une menace à l’existence d’Israël et rejette l’idée de permettre à l’Iran de développer la capacité de produire des armes nucléaires. L’Union a déclaré qu’elle compte « garder les blocs de colonies » en Cisjordanie et maintenir Jérusalem comme « capitale éternelle de l’État d’Israël. »
L’Union sioniste a déclaré qu’elle « relancerait le processus de paix, » même si ses dirigeants ont expliqué qu’ils ne voyaient aucune force faisant autorité en Cisjordanie ou à Gaza avec laquelle ils pourraient négocier.
Vue de la gauche
Presque toute la gauche petite-bourgeoise aux États-Unis et en Israël est d’avis qu’une victoire de Netanyahou prouve que les travailleurs israéliens sont irrémédiablement réactionnaires. Certains ont été consternés, d’autres ravis du résultat.
Gideon Levy, un éditorialiste pour le quotidien libéral israélien Haaretz a couvert les travailleurs de son mépris en écrivant que l’élection a démontré que « la nation doit être remplacée » et il a appelé à « des élections générales pour choisir un nouveau peuple israélien — immédiatement. »
Le 18 mars le Times a publié un éditorial par Yousef Munayyer, directeur exécutif de la Campagne US pour mettre fin à l’occupation israélienne, qui soutient la campagne « Boycott, désinvestissement et sanction » contre Israël. « Les plus grands perdants dans cette élection ont été ceux qui pensaient que le changement pouvait venir de l’intérieur d’Israël, a écrit Munayyer. C’est impossible et ça le restera. »
Il a dit qu’il était heureux, parce que si Netanyahou avait perdu, leurs efforts de boycott auraient été affaiblis.
Les partisans du boycott disent qu’il faut forcer Tel Aviv à mettre fin à son contrôle sur la Cisjordanie et à son embargo contre Gaza. Mais la campagne sert de couverture à la haine des Juifs et appelle à rayer Israël de la carte.
La lutte des classes en Israël
Les prophètes de malheur et les adversaires de l’existence d’Israël sont aveugles à la réalité de la lutte des classes là-bas.
Environ 20 pour cent des citoyens israéliens d’aujourd’hui sont des Arabes ; 10 pour cent sont des Juifs ultra-orthodoxes. Il y a une importante composante de travailleurs immigrants venus d’Afrique et d’Asie. En pleine crise économique capitaliste mondiale, les travailleurs ont fait grève, se sont joints à des protestations exigeant un logement, un salaire minimum plus élevé et des syndicats.
Les développements récents dans le mouvement ouvrier en Israël ouvrent plus de possibilités pour l’unité de la classe ouvrière. Quelque 2 500 travailleuses et travailleurs de garderies d’enfants — Arabes, Juifs ultra-orthodoxes et Juifs laïques — ont mené une grève nationale d’une journée le 9 février.
Netanyahou a été largement critiqué pour une déclaration faite en plein milieu du vote prévenant que les Arabes étaient « transportés en masse par autobus vers les bureaux de vote » afin d’inciter ses partisans à voter.
Netanyahou s’est excusé lors d’une réunion avec des organisations arabes le 23 mars. « Je me vois comme le premier ministre de chacun de vous, de tous les citoyens israéliens, sans différence de religion, de race ou de sexe, » a-t-il dit.
La preuve que les résultats des élections n’arrêteront pas les actions pour les droits des Arabes est venue rapidement. Le dirigeant de la Liste arabe unie, Ayman Odeh, a annoncé qu’à partir du 26 mars il prendrait la tête d’une marche de quatre jours à travers les villages bédouins du Néguev jusqu’à la résidence du président israélien Reuven Rivlin. Ils appellent le gouvernement à reconnaître 46 villages et à leur fournir l’infrastructure nécessaire et les services sociaux. Rivlin a dit qu’il allait les rencontrer.