La revendication « Retirez ce drapeau raciste ! » balaye les États-Unis

Ce virage démontre des changements profonds dans la classe ouvrière

Maggie Trowe
le 13 juillet 2015

CHARLESTON, Caroline du Sud — La revendication pour retirer le drapeau confédéré en Caroline du Sud et dans d’autres États du Sud s’est répandue comme une traînée de poudre à travers le pays au lendemain de l’assassinat ici le 17 juin par Dylann Storm Roof, un suprématiste terroriste blanc, de neuf Américains africains dans une église.

La rapidité du changement effectué par les politiciens capitalistes de tous bords pour appeler à retirer le symbole de la terreur raciste des capitoles d’États et d’autres lieux publics est une expression de l’impact des changements profonds dans la classe ouvrière au cours des récentes décennies, en particulier chez les travailleurs qui sont caucasiens. Cela reflète les gains réalisés par la série de grandes manifestations « La vie des Noirs compte » contre la brutalité policière, de Ferguson au Missouri à Baltimore, à Staten Island dans l’État de New York, jusqu’ici au cours de la dernière année.

Cinq jours après les assassinats et deux jours après que des milliers de personnes — des Américains africains et des caucasiens — se sont rassemblées à Columbia, la capitale de l’État, en scandant « Retirez-le ! » Nikki Haley, la gouverneure de la Caroline du Sud, qui par le passé défendait l’emblème, a réuni les dirigeants démocrates et républicains et a déclaré : « Il est temps d’enlever le drapeau de l’esplanade de notre Capitole. » La législature d’État a voté de discuter de cette question lorsqu’elle reprendra ses travaux ce mois-ci.

Mark Sanford, membre du Congrès et ancien gouverneur de la Caroline du Sud, a changé sa position. Il a fait remarquer que les téléphones des législateurs « étaient en train d’exploser » avec des appels demandant d’enlever le drapeau. « Je n’ai jamais vu la politique en Caroline du Sud changer aussi rapidement, » a-t-il dit.

Le 24 juin, le gouverneur de l’Alabama, Robert Bentley, a ordonné que les drapeaux confédérés soient retirés du capitole de l’État. Le même jour, les deux sénateurs US du Mississippi, Roger Wicker et Thad Cochran, ont appelé à la suppression des étoiles et des bandes dans le coin supérieur du drapeau de cet État.

« Je suis encouragé par la vitesse avec laquelle ces drapeaux sont retirés de lieux publics, » a déclaré Dot Scott, président de la section de Charleston de l’Association nationale pour l’avancement des gens de couleur (NAACP), » au cours d’une entrevue téléphonique le 29 juin. « Il n’aurait pas dû être nécessaire d’attendre ces neuf morts mais je suis optimiste. Il n’y a pas de retour en arrière, pas après que ce gars a utilisé ce symbole pour ce qu’il a fait. »

Large réponse aux assassinats

Dylann Storm Roof, 21 ans, est allé à l’église AME Emanuel au centre-ville de Charleston le 17 juin. Il a assisté à une réunion de prière puis a engagé une discussion avec Clementa Pinckney, le pasteur de l’église et sénateur de l’État. Il s’est ensuite levé et a tiré sur Pinckney, la révérende Sharonda Singleton, le révérend Daniel Simmons, Ethel Lee Lance, Cynthia Hurd, Myra Thompson, Susie Jackson, le révérend DePayne Middleton-Doctor et Tywanza Sanders.

Sylvia Johnson, la cousine de Clementa Pinckney, a dit sur la chaîne MSNBC qu’un survivant de l’attaque a répété les mots prononcés par Dylann Storm Roof avant de commencer à tirer : « Vous avez violé nos femmes et vous êtes en train de prendre le contrôle de notre pays […]. Je dois faire ce que je dois faire. »

Dylann Storm Roof a été appréhendé le 18 juin à Shelby, en Caroline du Nord, ramené à Charleston et inculpé le lendemain de neuf chefs d’accusation de meurtre.

Un site web enregistré au nom de Dylann Storm Roof en février contient des photos de lui avec un drapeau confédéré et une longue déclaration disant que les Noirs sont inférieurs, vociférant également contre les Juifs et les Latinos et expliquant pourquoi il a mené l’attaque terroriste. « Nous n’avons pas de skinheads, pas de véritable KKK, personne ne fait rien sauf parler sur Internet. Eh bien quelqu’un doit avoir le courage de soulever cette question dans le monde réel et je suppose que ce doit être moi. »

Dans les jours qui ont suivi les meurtres, des travailleurs et d’autres gens de Charleston et de la région ont commencé à se diriger vers l’église Emanuel pour y déposer des fleurs, des bougies et des messages, pour rendre hommage et pour montrer de quel côté ils sont. La circulation était encombrée, les places de stationnement rares sur de longues rues et les trottoirs remplis d’individus et de familles, la moitié ou plus caucasiens, marchant en direction de l’église.

Des centaines de personnes ont assisté au service religieux à l’église le 18 juin. Deux mille personnes, y compris plusieurs membres des familles des victimes, ont assisté à une veillée dans le stade TD du Collège de Charleston le 19 juin, où le maire de Charleston, Joe Riley, a pris la parole. Le samedi 20 juin, la manifestation de Columbia exigeant le retrait du drapeau confédéré a eu lieu. Le même jour, plus de 500 personnes se sont rendus au musée de la Confédération à Charleston en scandant « La vie des Noirs compte. » Le dimanche soir, le 21 juin, plus de 10 000 personnes se tenaient la main sur le pont Arthur Ravenel Jr. pour dénoncer les assassinats.

Une multitude de gens ont participé à chacune des funérailles des neuf victimes.

Les changements dans la classe ouvrière

Dans la plupart de ces événements, alors que de nombreux participants étaient Américains africains, la majorité était des caucasiens.

« Les gens veulent que leurs voisins et le monde voient où ils se situent, » a dit le 29 juin par téléphone Leonard Riley, un dirigeant de la section 1422 de l’Association internationale des dockers, qui a une longue histoire de lutte pour faire tomber le drapeau confédéré.

Ce fait a été noté avec étonnement par beaucoup de medias de la classe dirigeante et traité comme quelque chose de nouveau. Mais c’est un changement qui s’approfondit depuis des décennies.

« J’ai été tellement bouleversée par les tueries à l’église, » a dit au Militant  le 20 juin Hazel Collins, âgée de 81 ans, veuve d’un travailleur de scierie, dans sa cuisine à North Charleston. « Et ce policier n’avait pas le droit de tuer Walter Scott, » a-t-elle ajouté en faisant référence à l’agent de North Charleston, Michael Slager, qui a abattu le 4 avril Walter Scott, un conducteur de chariot élévateur noir qui n’était pas armé. Le policier a été inculpé d’assassinat après des manifestations et la diffusion d’une vidéo par un témoin oculaire.

« J’étais tellement en colère quand quelqu’un a dit à la télévision que tous les blancs du Sud sont racistes, » a dit Patricia Austin, âgée de 66 ans, employée de banque à la retraite, sur le palier de sa porte à West Columbia, le 21 juin. « Ce n’est pas vrai. Le Sud a changé. »

« Il aurait dû être enlevé il y a longtemps, » a dit Thomas Parker, un aide-électricien qui vit dans la même ville, à propos du drapeau confédéré.

« Le racisme n’est pas une chose innée, » a dit Riley Williamson, une auxiliaire judiciaire, à l’extérieur de l’église Emanuel le 20 juin. « Je suis venue pour rendre hommage. » Elle a ajouté que les meurtres étaient choquants, « mais il est bon de voir un si grand nombre de gens de toutes les couleurs, formes et tailles ici. »

Une discussion et un débat autour du drapeau confédéré fait rage à travers les États-Unis dans le sillage de l’attaque terroriste. Il y a une prise de conscience de plus en plus grande de la signification politique meurtrière du drapeau comme symbole de ceux qui sont déterminés à préserver le maximum possible des conséquences de la contre-révolution sanglante contre les gains de la guerre civile et de la reconstruction radicale, des raids nocturnes du Ku Klux Klan, du lynchage de travailleurs et d’agriculteurs noirs, et de l’opposition violente aux gains du mouvement pour les droits des Noirs.

Des centaines de personnes se sont rassemblées à nouveau le 23 juin à Columbia pour demander que le drapeau soit enlevé. Le 27 juin, Bree Newsome, âgée de 30 ans, a grimpé sur le mât du capitole et a retiré le drapeau. Elle a été arrêtée et le drapeau a été remis en place par les autorités de l’État.

Le même jour, plusieurs dizaines de personnes se sont rassemblées au capitole, agitant des drapeaux confédérés et demandant qu’il reste.

Sentant de quel côté le vent souffle, le géant de la distribution Walmart a annoncé le 22 juin qu’il cesserait de vendre des produits avec le drapeau confédéré. Amazon, eBay et Sears ont emboîté le pas. Le Service des parcs nationaux a annoncé le 25 juin qu’il allait cesser de vendre des drapeaux confédérés, des T-shirts et des aimants arborant ce symbole dans les magasins de souvenirs, comme à l’Antietam National Battlefield, à Sharpsburg au Maryland.

Naomi Craine a collaboré à cet article.