Manifestants algériens : « Nous devons nous débarrasser du système »

Janet Post
le 1 avril 2019

En Algérie, le mouvement réclamant la démission immédiate du président souffrant Abdelaziz Bouteflika continue à prendre de l’ampleur. Les travailleurs considèrent comme un subterfuge son annonce du 11 mars, affirmant qu’il ne se présenterait pas aux prochaines élections, et le report des élections jusqu’à ce qu’une nouvelle constitution soit rédigée.

Le 15 mars, des centaines de milliers de personnes ont répondu à cette annonce en envahissant les rues d’Alger. C’était la plus grande action depuis que les manifestations ont éclaté dans tout le pays après qu’Abdelaziz Bouteflika a déclaré en février qu’il prévoyait se présenter pour un cinquième mandat aux élections du 18 avril. Le 11 mars, une grève générale a regroupé les syndicats du secteur public et des commerçants.

« Non à la violation de la constitution, » « Système, va-t’en. Le peuple est arrivé » et « Vous prolongez votre mandat, nous prolongeons notre combat » disaient quelques-unes des pancartes brandies à la manifestation du 15 mars.

Une autre pancarte, opposée à l’intervention impérialiste en Algérie, affirmait : « Ni Washington, ni Paris. Nous élirons nous-mêmes le président. » Un tweet du président français Emmanuel Macron selon lequel l’annonce de Bouteflika « a ouvert une nouvelle page de la démocratie algérienne, » a mis les manifestants en furie.

Les partis d’opposition bourgeois n’ont joué qu’un secondaire dans les actions, que des dizaines de milliers de jeunes ont aidé à diriger. La moitié des Algériens ont moins de 30 ans et le quart de ceux-ci sont en chômage.

Les manifestants ont scandé : « Nous voulons des élections sans Bouteflika, on nous a donné Bouteflika sans élections, » a rapporté BBC News.

Bouteflika, âgé de 82 ans, est président de cette ancienne colonie française depuis 1999. Il a joué un rôle clé dans les négociations pour mettre fin à un conflit sanglant de dix ans avec des groupes islamistes armés. Il a été paralysé à la suite d’un accident vasculaire cérébral en 2013 et ne s’est plus adressé au pays depuis. Il a rarement paru en public. Le gouvernement est dirigé par l’armée, ses partisans du parti du Front de libération nationale, son frère Saïd et des capitalistes qui ont des contrats lucratifs avec l’État.

En 1962, les travailleurs ont fait une révolution et renversé le pouvoir colonial français en Algérie. Un gouvernement ouvrier et paysan dirigé par Ahmed Ben Bella a pris le pouvoir. Cependant, trois ans plus tard, il a été renversé par un coup d’État organisé par le ministre de la Défense, le colonel Houari Boumedienne, soutenu par le ministre des Affaires étrangères de l’époque, Bouteflika. Les gains de la révolution ont ainsi été renversés.

Ben Bella a été jeté en prison pendant 15 ans, puis exilé pendant une autre décennie. Le gouvernement révolutionnaire cubain a soutenu la révolution algérienne avec une aide économique et militaire, des médecins et d’autres travailleurs de la santé. Il a contribué à défendre l’Algérie contre les provocations du Maroc voisin en 1963.

Dans un discours prononcé le 27 juin 1965, le dirigeant révolutionnaire cubain Fidel Castro a dénoncé le coup d’État, qui s’était fait au nom de la « défense » de la révolution. « Ceux qui méprisent la force des masses et qui pourraient essayer de la remplacer par la force des casernes, derrière le dos du peuple » ne peuvent jamais être révolutionnaires, a déclaré Castro.

L’exportation de pétrole et de gaz représente aujourd’hui 95 pour cent des recettes extérieures du pays. Le gouvernement a utilisé une partie des bénéfices provenant de cette source pour financer des programmes de protection sociale dans le but d’empêcher les travailleurs et les agriculteurs de se soulever.

Mais depuis 2014, année où les prix du pétrole brut ont chuté à 50 $ US, les programmes d’aide sociale ont été réduits et l’inflation a augmenté. La croissance économique est tombée de 3,8 pour cent en 2014 à 2,3 pour cent en 2018. L’industrie pétrolière est en proie à la corruption et « la possibilité que les grèves qui ont touché d’autres industries se propagent au secteur de l’énergie en Algérie préoccupe » ses dirigeants, a écrit le Washington Post.

En France, qui compte la plus grande population d’Algériens hors du pays, quelque 10 000 personnes ont manifesté sur la place de la République à Paris, le 3 mars. Six mille personnes ont manifesté à Marseille et un autre rassemblement a eu lieu à Bordeaux.

Plusieurs milliers d’Algériens se sont rassemblés devant le consulat algérien à Montréal le 17 mars. Il s’agissait de la quatrième manifestation dans cette ville en solidarité avec les actions en Algérie en autant de semaines.

« Nous sommes contre la domination de Bouteflika et du régime, » a affirmé au Militant Mustafa Deba, qui est un mécanicien. « Nous sommes pour un régime choisi par le peuple. »

Joe Young a contribué à cet article de Montréal.