La rivalité commerciale actuelle entre les dirigeants américains et chinois a des répercussions internationales

Roy Landersen
le 15 avril 2019

Des négociations de haut niveau se poursuivent dans le différend commercial entre Beijing et Washington, qui dure depuis un an. Les deux gouvernements font état de progrès en vue d’un accord. Toute réinitialisation à court terme des relations commerciales atténuerait les tensions mais ne résoudrait pas la rivalité entre les deux plus grands acteurs de l’économie capitaliste mondiale. Alors que Washington reste dominant, les dirigeants chinois ont une perspective à long terme et envisagent un avenir où ils seront le numéro un.

Les dirigeants impérialistes américains utilisent leur prépondérance économique et militaire mondiale, en déclin mais encore supérieure, pour tenter de freiner cette inexorable ascension de Beijing. Quand la Chine a fait son entrée dans l’Organisation mondiale du commerce en 2001 à la suite d’une décennie de négociations après la guerre froide, les États-Unis et d’autres dirigeants impérialistes ont salué l’adoption ouverte du capitalisme par Beijing. Washington cherche maintenant à parer le recours au protectionnisme, au vol et à l’espionnage par les dirigeants chinois. Ce sont des méthodes employées par les dirigeants américains et par d’autres précédentes puissances capitalistes montantes pour devancer leurs rivaux.

Washington a imposé d’importants frais de douane sur environ la moitié des importations chinoises aux États-Unis, en prétendant qu’il conteste « l’agression économique » de Beijing. Le président Donald Trump tente de forcer l’ouverture de nouvelles possibilités pour le commerce et les investissements des patrons et banquiers américains. Ces mesures tarifaires ont ralenti l’expansion économique en Chine.

Cette intensification de la concurrence mondiale survient au moment où les investisseurs capitalistes craignent de nouveau un ralentissement économique international aggravé par des bouleversements politiques.

Après que le gouvernement de Donald Trump a imposé les tarifs douaniers en juillet dernier dans le but de forcer des concessions de Beijing, les dirigeants chinois ont imposé des droits de représailles sur des importations des États-Unis, y compris sur des produits agricoles. La Maison-Blanche a menacé de mettre en place des tarifs forfaitaires en novembre dernier mais les deux gouvernements ont suspendu leurs mesures de représailles pendant la poursuite des négociations.

Les responsables du commerce chinois et américains travaillent à un accord global en vue d’un sommet entre Donald Trump et le président chinois Xi Jinping. Les négociateurs américains disent qu’ils progressent dans l’imposition de la volonté de Washington.

Donald Trump se concentre sur les plaintes que soulève depuis longtemps Washington concernant les transferts de technologie imposés aux investisseurs étrangers en Chine, le manque de protection des droits de propriété intellectuelle dans ce pays, l’impossibilité pour des entreprises américaines et étrangères de prendre le contrôle majoritaire de sociétés en Chine et le cyber vol endémique. Washington s’oppose également au fait que Beijing subventionne ses entreprises d’État.

Même si un accord est conclu, certains tarifs pourront être maintenus sur les produits chinois pendant « une période substantielle » pour s’assurer que Beijing continue de se conformer à l’accord, a prévenu Donald Trump le 20 mars.

Changements dans les rapports de forces économiques

La rivalité commerciale entre les États-Unis et la Chine s’inscrit dans le cadre de changements plus importants dans les rapports de force entre les nations capitalistes concurrentes du monde entier.

L’activité économique combinée des économies capitalistes d’Asie dépassera d’ici l’an prochain celle du reste du monde par sa taille même. Selon certains indicateurs, la Chine, qui compte plus de quatre fois la population des États-Unis, remplacera bientôt les États-Unis en tant que première économie mondiale. L’Inde a supplanté le Japon et l’Allemagne pour se hisser au troisième rang. L’Indonésie devrait remplacer la Russie au sixième rang d’ici 2023.

Ces changements accélèrent le démantèlement de l’Union européenne. La Commission européenne, la bureaucratie censée unir et règlementer les puissances capitalistes européennes rivales, a publié une déclaration le 22 mars, qualifiant la Chine de « concurrent systémique. »

Au nom de la sécurité nationale, l’administration Trump a fait pression sur les gouvernements européens pour qu’ils ne permettent pas à la plus grande société technologique chinoise, Huawei, de se porter candidate pour réaliser leurs nouveaux projets en infrastructures technologiques et sans fil 5G.

Le président français Emmanuel Macron a affirmé le 22 mars que « le temps de la naïveté européenne est terminé. » Il a ajouté que la Chine « profitait de nos divisions. » Il a appelé les dirigeants européens à se battre plus efficacement pour protéger leurs intérêts contre Beijing.

Mais loin d’avancer vers une plus grande unité, l’Union européenne favorise les plus fortes puissances européennes, en particulier Berlin et dans une moindre mesure, Paris, qui extraient des richesses d’États plus faibles, dans le sud de l’Europe et ailleurs.

Une récente visite en Europe du président chinois Xi pour y promouvoir les investissements chinois montre ces divisions, alors que chacune des classes dirigeantes du continent poursuit ses propres intérêts nationaux plus ouvertement.

Le dirigeant chinois a signé un mémorandum avec les dirigeants capitalistes à Rome le 23 mars pour qu’ils se joignent à l’initiative internationale de Beijing nommée « les nouvelles routes de la soie. » L’Italie est le premier des plus grands pays européens à rompre les rangs pour rejoindre l’initiative chinoise, après 13 pays d’Europe centrale et orientale, ainsi que de nombreux pays d’Asie.

Cette initiative chinoise consiste en une série de vastes projets d’infrastructure reliant les marchés de l’Eurasie par voie terrestre et maritime. Son nom est une belle métaphore qui vise à enjoliver les efforts de Beijing pour accroître ses investissements et son influence et, dans le cas où les gouvernements ne peuvent plus payer, pour saisir les ports et propriétés à l’étranger. Washington a tiré la sonnette d’alarme sur le fait que « les nouvelles routes de la soie » servent à augmenter la puissance et la compétitivité de la Chine ainsi qu’à créer un « piège de la dette. »

Xi a rencontré la chancelière allemande Angela Merkel, Macron et le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker le 26 mars.

Angela Merkel a déclaré que l’initiative était également un projet « important » pour les dirigeants allemands, soulignant leur « interdépendance » économique avec la Chine. Duisburg, dans la vallée de la Ruhr, sert déjà de terminal des « nouvelles routes de la soie » pour l’Europe du Nord. Macron se réjouit à l’idée que la compagnie européenne Airbus, un consortium mené par les capitales française, allemande et espagnole, a obtenu un contrat de plusieurs milliards d’euros pour l’achat de 300 de ses avions par des compagnies chinoises. Les problèmes rencontrés par les patrons de Boeing au sujet de leurs appareils 737 MAX immobilisés au sol ont facilité la chose.

Un partisan de Macron a déclaré le 27 mars à l’Asia Times, un journal en ligne de langue anglaise, que « l’Europe » avait « 28 politiques différentes, avec des pays en concurrence les uns avec les autres pour attirer les investissements. » L’unité contre la pénétration de l’économie chinoise en Europe semble s’être volatilisée.