Peu importe qui prend la place de Ricardo Rosselló en tant que gouverneur de la colonie américaine de Porto Rico le 2 août à 17 heures, la crise politique, sociale et économique va continuer. De même que l’opposition aux mesures du régime colonial et du gouvernement US visant les travailleurs.
Quinze jours de manifestations massives pour obtenir la démission de Ricardo Rosselló ont convaincu les classes dirigeantes des États-Unis et de Porto-Rico que le gouverneur devait s’en aller. Mais sept jours après que Ricardo Rosselló a annoncé sa démission et deux jours avant son entrée en vigueur, les partis au pouvoir n’ont toujours pas trouvé de remplaçant qui, espèrent-ils, donnera suffisamment confiance aux travailleurs et aux autres personnes pour que la situation redevienne « normale ».
Selon la constitution de Porto Rico, c’est le secrétaire d’État Luis Rivera Marín et après lui le secrétaire à la justice qui sont les remplaçants désignés.
Mais Luis Rivera faisait partie de la douzaine de membres du gouvernement et de conseillers du Nouveau parti progressiste de Ricardo Rosselló impliqués dans un scandale de « clavardages » avec le gouverneur, qui a déclenché les manifestations. La publication de plus de 800 pages de commentaires en ligne abusifs par Ricardo Rosselló et d’autres responsables montrent le mépris de l’administration pour les travailleurs.
Luis Rivera a démissionné, comme beaucoup d’autres fonctionnaires. Le scandale a été la goutte qui a fait déborder le vase, libérant la colère refoulée après plus d’une décennie d’attaques contre le niveau de vie des travailleurs, la négligence du gouvernement face à l’ouragan Maria et la corruption généralisée. Tout cela repose sur un siècle de domination coloniale des États-Unis qui signifie pour les travailleurs qu’ils doivent faire face non seulement à l’exploitation des capitalistes nationaux mais également à la domination de Washington.
Lors de toutes les manifestations, certains participants ont demandé l’abrogation de la loi US imposant le Conseil de surveillance et de gestion financières de Porto Rico. La junte, comme on l’appelle en espagnol, a été nommée par le président de l’époque, Barack Obama, avec le pouvoir d’annuler les décisions du gouvernement local dans le but de maximiser le paiement de la dette de 74 milliards de dollars du régime colonial. Le gouvernement doit également 55 milliards de dollars aux fonds de pension des retraités.
Le 29 juillet, dans un entretien téléphonique avec le Militant de Yabucoa, Lenis Rodríguez, qui travaille dans une usine pharmaceutique, a dit : « Tout le monde a participé aux 15 jours de manifestations, il ne manquait personne. Peu importe que vous soyez bleu, rouge ou vert, » se référant aux couleurs des deux principaux partis bourgeois : les Nouveaux progressistes de Ricardo Rossello et le Parti démocratique populaire d’opposition, et au vert du Parti de l’indépendance de Porto Rico.
« Le peuple en a eu assez »
Les travailleurs n’ont pas vu beaucoup de résultats de l’aide fédérale ni des millions de dollars collectés sous forme de dons. « Les politiciens et les autres sont devenus riches, mais nous n’avons rien vu, » a expliqué Lenis Rodríguez.
« Les autoroutes n’ont pas été réparées, les maisons se détériorent toujours et il n’y a pas d’emplois, a-t-il ajouté. Le peuple en a eu assez. » Mais Lenis Rodríguez espère toujours que « quelqu’un de mieux » prendra la place de Ricardo Rosselló jusqu’aux élections de l’année prochaine.
Il n’y a aucune alternative ouvrière actuellement qui s’oppose aux politiques du moindre mal des partis capitalistes.
Plus de 100 ans de domination coloniale et de pillage impérialiste des ressources naturelles et de la main d’œuvre de l’île ont exacerbé les effets de la crise économique mondiale du capitalisme.
Contrairement aux États-Unis où une faible « reprise » s’est produite depuis l’effondrement financier et la récession de 2007-2008, Porto Rico, une colonie américaine depuis 1898, a connu un déclin constant.
Le produit national brut a diminué chaque année sauf une depuis 2009. Même avant que l’ouragan Maria ne ravage l’île, des dizaines de milliers de personnes partaient pour chercher du travail aux États-Unis. Actuellement, le taux de chômage officiel est de 8,5 pour cent, soit le double de celui des États-Unis.
Lorsque l’ouragan Maria a frappé, les réseaux d’eau et d’électricité, archaïques et détériorés, se sont effondrés. Il a fallu un an pour les restaurer et même aujourd’hui quelques zones rurales n’ont toujours pas d’alimentation électrique.
En l’absence de mesures gouvernementales, les travailleurs ont compté les uns sur les autres pour faire face à la tempête et à ses conséquences. Les enseignants et les parents ont nettoyé et ont réparé les écoles. Des cuisines communautaires ont été organisées.
Malgré les dégâts causés par la tempête, la junte insiste pour que le gouvernement colonial accélère l’application des mesures anti-ouvrières qu’il a adoptées au cours des dernières décennies. Le prochain gouverneur doit « collaborer avec la commission de contrôle fédérale, » a demandé la rédaction du Wall Street Journal le 25 juillet, pour appliquer des « réformes », notamment relativement au congé des travailleurs du secteur public et pour mettre fin aux primes de Noël.
« Les gens ont perdu la peur de descendre dans la rue, » Luis Rosa a dit au Militant le 30 juillet. Ce dernier, qui a passé 19 ans en prison aux États-Unis pour son soutien à l’indépendance de Porto Rico, habite actuellement à Aguadilla où il est travailleur autonome de la construction.
Le problème est le colonialisme
Le FBI mène des enquêtes sur la corruption et a arrêté plusieurs personnes, y compris deux anciens représentants gouvernementaux le jour précédant la révélation du contenu des conversations. « Mais nous ne voulons pas le FBI. Lorsque nous serons un pays indépendant, nous affronterons nous-mêmes la corruption, » a dit Luis Rosa.
« Le problème est le système. Il ne peut y avoir de démocratie ni de « transparence » sous le colonialisme.
« Personnellement, je suis en faveur d’annuler la dette. Ce n’est pas notre dette, c’est la leur, » a-t-il ajouté. Les appels à l’examen de la dette ont fait partie de nombreuses manifestations récentes, a-t-il noté, mais ce n’était pas le thème central.
« Tous les partis ont marginalisé les travailleurs, » a affirmé Mildred Laboy, une dirigeante du groupe communautaire Arecma, à Humacao. « Nous avons été abandonnés par le gouvernement.
« Un parti gagne et nous fraude, » a-t-elle dit par téléphone le 30 juillet. « Ensuite, l’autre parti gagne et c’est la même chose. » Peu importe qui est le nouveau gouverneur, a-t-elle ajouté, les luttes contre les mesures gouvernementales qui frappent les travailleurs continueront.
Mildred Laboy, une enseignante à la retraite, a dit qu’elle participerait à une manifestation le lendemain à Humacao pour contester les plans du gouvernement de fermer davantage d’écoles et les menaces de réduire les pensions. « Nous devons continuer la lutte pour tout, » a-t-elle soutenu.