Le gouvernement du Québec lance une nouvelle attaque contre la liberté religieuse

John Steele
le 21 avril 2025
Protest against Law 21 in Montreal, 2019. Placard reads, “Muslims, Jews, atheists and Christians are all citizens.” New Bill 94 expands earlier restrictions on wearing religious symbols at work for all school workers, violating freedoms under federal and Quebec human rights charters.
MILITANT/JIM UPTONManifestation contre la Loi 21 à Montréal en 2019. Le nouveau projet de loi 94 élargit à tous les travailleurs scolaires les anciennes restrictions sur le port de symboles religieux au travail, une violation des libertés reconnues par les chartes des droits fédérale et québécoise.

MONTRÉAL – Un nouveau projet de loi sur la « laïcité » du gouvernement du Québec impose aux enseignants et autres travailleurs scolaires un code vestimentaire d’une plus grande portée et sème davantage de divisions. Ce projet de loi constitue une attaque « contre les droits fondamentaux des travailleurs » et « renforce les codes vestimentaires discriminatoires pour le personnel scolaire », a déclaré Caroline Senneville, présidente de la Confédération des syndicats nationaux. La CSN est l’une des trois principales fédérations syndicales du Québec.

Le projet de loi 94 a été présenté à l’Assemblée nationale du Québec le 20 mars par le gouvernement de la Coalition Avenir Québec du premier ministre François Legault.

La loi élargirait la Loi 21 adoptée en 2019 malgré de fortes objections. La Loi 21 interdit aux enseignants et aux directeurs d’école de porter des « symboles religieux » au travail – tels que le hijab qui couvre la tête et le niqab qui couvre le visage que portent certaines musulmanes, la kippa portée par les hommes juifs, les crucifix chrétiens, les turbans et d’autres symboles de croyance religieuse.

La loi 21 a été imposée en utilisant la clause dérogatoire, un article antidémocratique de la Charte canadienne des droits et libertés qui permet au gouvernement d’adopter une loi même si elle viole les protections garanties par les chartes des droits fédérale et québécoise. Le gouvernement de l’Ontario a utilisé cette clause pour adopter une loi interdisant le droit de grève aux travailleurs scolaires en 2022.

Des syndicats d’enseignants, ainsi que des organisations musulmanes, de défense des libertés civiles et d’autres, ont demandé à la Cour suprême du Canada d’abroger la loi comme inconstitutionnelle.

En vertu du projet de loi 94, l’interdiction du port de symboles religieux s’appliquerait à l’ensemble du personnel de soutien et aux bénévoles des écoles publiques et des centres de services scolaires. Ceux-ci comprennent les surveillants de cafétéria et de service de garde, les secrétaires, les bibliothécaires bénévoles, les employés de cafétéria, les concierges, les entraîneurs sportifs, les psychologues et bien d’autres personnes.

Une atteinte au droit de culte et d’expression

Des milliers de travailleurs portent des signes publics de leur croyance religieuse et seraient exclus des emplois dans le système d’éducation et d’autres services publics, ce qui constitue une violation discriminatoire de leur droit de culte.

Ciblant les jeunes musulmanes, la loi obligerait les élèves à « avoir le visage découvert » lorsqu’elles se trouvent dans « une école, un centre de formation professionnelle ou un centre d’éducation pour adultes, ou un établissement d’enseignement privé ». Elle s’appliquerait également aux parents qui vont chercher leurs enfants à l’école.

C’est le droit d’une femme « de porter ce qu’elle veut porter », a déclaré à CBC News Shaheen Ashraf, membre du conseil d’administration du Conseil canadien des femmes musulmanes, qui porte elle-même le voile. Le message qui nous est envoyé est le suivant : « Ne participez pas à ma société, restez chez vous, ne payez pas mes impôts, ne soyez pas une bonne citoyenne, isolez-vous ».

Le projet de loi comprend également une disposition obligeant les enseignants des écoles francophones à parler uniquement en français avec les élèves et le personnel. Le Québec compte un nombre important de travailleurs anglophones et l’arabe est la troisième langue la plus répandue.

« La Commission scolaire English-Montréal s’oppose avec véhémence au projet de loi proposé par le gouvernement de la CAQ qui vise à étendre largement la portée de l’interdiction du port de signes religieux au travail », a-t-elle déclaré dans un communiqué de presse publié le 24 mars. « Le projet de loi 94 aura des répercussions négatives sur l’ensemble des enseignants et des élèves au Québec. »

La loi a été rédigée en réponse à une accusation non démontrée de François Legault en octobre dernier, selon qui un groupe d’enseignants de l’école publique Bedford à Montréal « a tenté d’introduire des concepts religieux islamiques dans une école publique québécoise ».

Onze enseignants ont vu leur permis d’enseignement suspendu. Le gouvernement a également affirmé avoir constaté dans 17 écoles des problèmes liés au maintien d’un « environnement laïque ».

Le but est de diviser les travailleurs

Le gouvernement québécois dit que l’objectif de ses lois sur la laïcité, c’est de séparer la religion de l’État. Mais cette prétention est mise à mal par le fait qu’il dépense chaque année 160 millions de dollars canadiens en fonds publics pour subventionner 50 écoles religieuses privées au Québec. Il s’agit de 27 écoles catholiques, 14 juives, quatre musulmanes, deux protestantes évangéliques, deux arméniennes et une grecque orthodoxe.

L’intention du gouvernement de continuer à élargir sa soi-disant campagne de laïcisation a été rendue encore plus claire par Jean-François Roberge, le ministre responsable de la laïcité. Il a annoncé le 13 mars la création d’une commission chargée de vérifier si l’interdiction des signes religieux est respectée dans les hôpitaux, les universités et d’autres institutions, et d’évaluer interdire la prière en public et lors de manifestations.

« Le gouvernement du Québec agit dans l’intérêt des patrons qui tentent de sauver sur notre dos leur système de profit en crise. Il cherche à miner notre capacité de riposter en divisant les travailleurs sur des bases religieuses, nationales et linguistiques », a dit le 4 avril au Militant Philippe Tessier, candidat de la Ligue communiste dans la circonscription montréalaise de Bourassa lors des élections fédérales du 28 avril. « Il espère repousser le genre de solidarité ouvrière exprimée par les 600 000 travailleurs du secteur public québécois lors de leur grève l’année dernière pour des augmentations de salaire et de meilleures conditions de travail. »

Membre du syndicat des Teamsters, Philippe Tessier travaille comme chef de train pour la compagnie ferroviaire Canadien national.

« La Ligue communiste, a-t-il ajouté, exhorte les travailleurs à rejeter ces attaques contre la liberté d’expression. Elles visent à diviser la classe ouvrière. Elle les exhorte aussi à construire la solidarité avec tous ceux qui luttent pour défendre les libertés démocratiques, y compris le droit de grève, et qui luttent pour la résidence permanente pour tous les immigrants et la fin des déportations.

« Cela fait partie de la construction d’un parti de masse de la classe ouvrière, qui remplacera ce système capitaliste de loups qui se mangent entre eux par un gouvernement ouvrier qui luttera pour construire une société socialiste au Canada et dans le monde entier. »