Un nouvel affrontement tarifaire accroit le conflit entre Washington et Beijing

Terry Evans
le 28 avril 2025
Joint war games by U.S., Japanese, Australian military forces in the Philippine Sea in 2020. U.S. rulers look to defend their military, financial supremacy from expanding reach of Beijing.
FORCES NAVALES U.S. AU JAPONExercices militaires conjoints des États-Unis, du Japon et de l’Australie dans la mer des Philippines en 2020. Les dirigeants U.S. cherchent à défendre leur suprématie militaire et financière contre la montée croissante de Beijing.

La bataille des tarifs douaniers qui fait rage entre Washington et Pékin et dans le reste du monde est alimentée par la détermination des dirigeants capitalistes de tous les pays à défendre leurs propres intérêts nationaux contre tous les autres alors que s’approfondit la crise de leur système de loi de la jungle. En même temps, ils cherchent tous à intensifier l’exploitation des travailleurs dans leur propre pays afin de renforcer leur position concurrentielle.

Washington a maintenant « suspendu » les tarifs réciproques imposés à de nombreux pays après que 75 gouvernements rivaux ont demandé à tenir des pourparlers, ce qui laisse entendre que ces concurrents vont faire des concessions aux dirigeants américains.

Mais le gouvernement des États-Unis a imposé des droits de douane massifs de 145 pour cent sur les marchandises en provenance de Chine, à quoi le gouvernement chinois a répondu imposant des droits de douane de 125 pour cent sur les produits fabriqués aux États-Unis.

Washington a émergé comme la puissance impérialiste dominante après sa victoire sanglante dans la Deuxième Guerre mondiale. Aujourd’hui, il cherche à consolider sa place déclinante à la tête de « l’ordre » capitaliste mondial et à repousser la montée économique et militaire de Pékin.

Les dirigeants chinois ont étendu leur influence économique en Asie, en Afrique et en Amérique latine. Ils déploient une plus grande puissance militaire, en particulier dans le Pacifique, et menacent de s’emparer de Taiwan. En réponse, les dirigeants américains renforcent leurs alliances militaires avec les dirigeants du Japon, de l’Australie et d’autres pays de la région.

Bien avant les affrontements commerciaux actuels, les tensions politiques et militaires avaient augmenté entre les dirigeants américains et chinois. En 2019, Washington a banni l’entreprise chinoise Huawei, la plus grande société de téléphonie mobile et de télécommunications au monde, sous prétexte que celle-ci menaçait la « sécurité nationale » des États-Unis. De son côté, Pékin a interdit l’accès au marché chinois aux fabricants d’armes américains.

Ce qui est en jeu pour Washington dans ces affrontements, c’est à la fois sa suprématie militaire et sa place dominante dans les investissements et la finance. Les deux sont décisifs pour répondre aux défis auxquels les dirigeants U. S. font face dans un monde de plus en plus instable, où les puissances rivales se réarment et se préparent à de nouvelles guerres. La concurrence militaire s’est accrue dans le monde depuis l’invasion de l’Ukraine par Moscou et le pogrom meurtrier perpétré par le Hamas contre les Juifs en Israël le 7 octobre 2023.

Le 2 avril, Donald Trump a annoncé ce qu’il a appelé son « Jour de la libération » en imposant des droits de douane à quelque 90 pays. Cette mesure a entraîné un effondrement des marchés boursiers et une chute brutale du prix des obligations du Trésor américain, longtemps considérées comme des placements « sûrs » par les riches investisseurs et les gouvernements capitalistes du monde entier.

« Les gens ont commencé à se sentir un peu mal à l’aise », a dit Trump. Ces « gens », qui comprennent la classe capitaliste au pouvoir aux États-Unis, considèrent comme intouchables les intérêts qu’ils perçoivent en prêtant de l’argent au gouvernement U.S. Lorsque la valeur de leurs obligations s’est effondrée, ils ont trouvé des façons de faire savoir à Donald Trump qu’il devait faire marche arrière. Et c’est ce qu’il a fait.

Le 11 avril, Trump a annoncé des exemptions supplémentaires de droits de douane pour les entreprises qui fabriquent des téléphones intelligents, des ordinateurs portables, des puces semi-conductrices et d’autres produits électroniques. Il a expliqué vouloir donner le temps aux patrons de ces entreprises de délocaliser leur production de la Chine vers les États-Unis.

Chaque mesure prise contre l’autre par Washington et Pékin ruine l’illusion selon laquelle nous vivons dans un ordre mondial fondé sur des règles et qu’il est possible de contrôler les accrochages croissants entre capitalistes rivaux dotés d’armes nucléaires.

Ce qui sous-tend les conflits commerciaux capitalistes est expliqué dans une série d’articles extrêmement utiles écrits par des dirigeants du Parti socialiste des travailleurs et publiés dans la revue Nouvelle internationale.

« Chaque fois que nous entendons parler à la télévision de l’un de ces soi-disant accords commerciaux […], ce à quoi nous assistons, c’est au recours croissant à la force politique et militaire pour atteindre des objectifs économiques », a écrit Jack Barnes, secrétaire national du Parti socialiste des travailleurs, dans « La marche de l’impérialisme vers le fascisme et la guerre », un article paru dans Nouvelle Internationale n°5.

« Ceci n’a rien à voir avec la promotion du libre-échange, la correction d’une concurrence déloyale ou aucune autre justification pompeuse émanant de la Maison Blanche et du Congrès bipartite. C’est le recours à la force pour drainer de la plus-value, peu importe où les travailleurs et les agriculteurs la produisent, vers les poches des capitalistes américains. »

Crise de surproduction capitaliste

Certains patrons ont salué les tarifs douaniers de Trump en disant qu’il s’agissait d’une réponse nécessaire à la vente par Beijing sur les marchés américains de marchandises en-dessous de leur coût de production, ce que les capitalistes appellent dumping. L’Institut américain du fer et de l’acier a déclaré : « Il était grand temps que le gouvernement prenne des mesures pour contrer ce déversement de surproduction d’acier sur les marchés mondiaux. »

Quand les patrons parlent de surproduction, ce qu’ils veulent dire, c’est qu’il y a plus de marchandises sur le marché mondial que ce qu’ils peuvent vendre avec un assez grand profit. Ils répondent en réduisant la production, en licenciant des travailleurs et souvent en inondant les marchés avec des marchandises vendus à prix extrêmement bas. La production capitaliste a pour but de maximiser les profits dans un contexte de concurrence féroce pour les ressources et les marchés. Elle n’a rien à voir avec répondre aux besoins non satisfaits de milliards de personnes en matière de nourriture, logement et autres produits de première nécessité.

L’année dernière, l’Organisation mondiale du commerce que dirigent les États-Unis s’est attaquée un nombre record de fois à Beijing en l’accusant de pratiquer le dumping sur les marchés mondiaux dans le but de stimuler les exportations chinoises. Les dirigeants à Beijing sont particulièrement vulnérables aux droits de douane, car ils dépendent fortement des exportations de produits manufacturés.

Trump affirme que les droits de douane sont nécessaires pour que « les emplois et les usines reviennent en vrombissant dans notre pays ».

Mais l’incapacité pendant de nombreuses années des capitalistes à augmenter les investissements dans l’industrie manufacturière aux États-Unis n’était pas une « erreur ». À mesure que les taux de profit diminuaient dans le pays, les familles capitalistes au pouvoir ont commencé à investir partout où elles pouvaient obtenir le rendement le plus élevé. Au fil des décennies, elles ont exporté de plus en plus de capitaux vers les pays semi-coloniaux, où elles pouvaient payer moins cher les travailleurs et les exploiter davantage. En outre, l’appel de Trump aux travailleurs pour qu’ils soutiennent les mesures protectionnistes de Washington cherche à renforcer le nationalisme « américain », à monter les travailleurs aux États-Unis contre les travailleurs en Chine et ailleurs, et à nous diviser de nos véritables alliés, les milliards de travailleurs qui font face au même ennemi de classe et à beaucoup des mêmes défis que nous ici.

Les investisseurs impérialistes et les capitalistes chinois apprécient depuis longtemps les engagements à ne pas faire grève et les bas salaires imposés par le régime de Beijing. Mais comme ailleurs dans le monde, les travailleurs chinois cherchent des façons de résister aux conditions qui leur sont imposées. En décembre, les travailleurs de l’entreprise Emei KVE Sporting Goods Co. dans la province du Sichuan se sont mis en grève quand les patrons n’ont pas versé les cotisations de sécurité sociale requises pour la retraite des travailleurs.

Leur action, l’une des nombreuses rapportées dans le Bulletin du travail de Chine, donne un petit aperçu de la lutte de classe qui se déroule aujourd’hui en Chine, alors que les conditions de vie des travailleurs empirent.

La bataille commerciale et l’escalade de l’armement qui se déroulent entre Washington et Pékin pointent vers une leçon essentielle. Dans les deux pays, les travailleurs doivent développer la direction politique nécessaire pour faire avancer la lutte visant à établir nos propres gouvernements, et travailler ensemble pour un monde où l’humanité peut progresser.

C’est ce que le Parti socialiste des travailleurs se donne pour objectif de faire.