Les manifestants au Cachemire disent : « L’Inde doit quitter notre pays »

Jonathan Silberman
le 26 août 2019

BIRMINGHAM, Angleterre — Des milliers de manifestants sont descendus dans les rues du Cachemire sous occupation indienne pour protester contre la révocation de l’autonomie par le gouvernement indien. Ces actions sont les dernières dans la lutte pour l’autodétermination du peuple cachemiri, qui dure depuis des décennies et qui a coûté la vie à des dizaines de milliers de personnes.

« Nous voulons la liberté » et « Allez l’Inde, faites demi-tour ! » ont scandé des centaines de manifestants à Srinagar le 12 août. Les Cachemiris ne cesseront pas de se battre tant que nous n’aurons pas obtenu la liberté, a déclaré un jeune homme à Dunya News, une chaîne de télévision d’information pakistanaise, le 9 août. Des manifestations de solidarité ont eu lieu au Royaume-Uni.

« Nous devons soutenir le peuple cachemiri contre l’agression indienne et le parti BJP, » a dit au Militant  le pharmacien Arif Khan, âgé de 38 ans, faisant écho aux sentiments de nombreux autres participants à une manifestation ici à Birmingham le 10 août.

Ces manifestations font suite à la décision du gouvernement indien de Narendra Modi d’envoyer des dizaines de milliers de soldats se joindre aux centaines de milliers déjà présents pour imposer un couvre-feu, fermer des écoles, bloquer des rues avec des barbelés acérés et arrêter des centaines de personnes, dont deux anciens premiers ministres. Tous les réseaux téléphoniques, de télévision et d’internet ont été fermés.

Le Cachemire, nationalité opprimée d’environ 14 millions de personnes, est divisé entre l’Inde et le Pakistan depuis 1947, les dirigeants des deux pays revendiquant l’ensemble du territoire.

Ce sont les dirigeants britanniques qui sont à l’origine du conflit au Cachemire. Quand, mené par une jeune classe ouvrière qui avait commencé à unifier les nombreuses nationalités et religions du pays, un mouvement de masse de millions de personnes a mis fin à la domination coloniale, le gouvernement travailliste de l’époque a répondu en protégeant les intérêts de la classe dirigeante au Royaume-Uni. Il a poussé les forces des capitalistes et des propriétaires terriens qui dominaient l’Inde à accepter un Pakistan majoritairement musulman et une Inde majoritairement hindoue. Il a ainsi contrecarré la marche vers un État-nation unifié et maintenu les classes populaires divisées et affaiblies.

Les deux nouveaux États sont immédiatement entrés en guerre pour le Cachemire. Un accord de paix négocié par l’ONU a divisé le Cachemire : deux tiers allant à l’Inde, une région aujourd’hui connue comme Jammu et Cachemire, et un tiers allant au Pakistan, le Azad Cachemire.

Simulant de la compassion pour les Cachemiris, les dirigeants pakistanais ont fait valoir leurs intérêts contre ceux de leurs rivaux régionaux et financé les milices armées islamistes pour mener des attaques terroristes contre les forces indiennes. Une de ces attaques, en février de cette année, a tué 46 policiers paramilitaires. Le gouvernement indien a utilisé ces attaques comme prétexte pour justifier son extrême brutalité contre le peuple cachemiri. Deux autres guerres ont eu lieu entre les deux États capitalistes à propos des Cachemiris et de leur terre, en 1965 et en 1990. Au cours de ces deux guerres, le gouvernement pakistanais a mis son arsenal nucléaire en alerte.

Cherchant à gagner un soutien populaire en faveur de la partition, New Delhi a accordé un certain degré d’autonomie à la partie du Cachemire qu’il administre : son propre drapeau, le droit de voter des lois sur des sujets autres que les affaires étrangères, la défense et les communications. Les Indiens qui viennent de l’extérieur de la région ont perdu le droit d’acquérir une propriété ou d’obtenir des emplois gouvernementaux. Les femmes qui se mariaient à un homme de l’extérieur de la région ont été privée du droit d’hériter d’une propriété.

La révocation par le gouvernement indien de ces arrangements constitutionnels le 5 août dernier, a mis fin à ce statut vieux de 70 ans. Modi prétend que l’intégration du Cachemire permettra la création d’emplois, le développement économique et la prospérité, et mettra aussi fin à la discrimination à l’égard des femmes. Cette décision a été bien accueillie par les autres partis capitalistes et par les riches possédants tels que le magnat des mines, Gautan Adami. Le principal parti d’opposition, le Parti du congrès, a émis quelques timides critiques.

Le gouvernement du Pakistan d’Imran Khan a fermé les liaisons ferroviaires vers l’Inde et dégradé ses relations diplomatiques avec ce pays, en suspendant le commerce bilatéral. Mais cela équivaut, comme l’a dit le New York Times, à « des lamentations à haut niveau. » Avec le soutien de la Chine, le Pakistan tourne ses yeux vers le conseil de sécurité de l’ONU, espérant qu’il mette la pression pour que l’Inde fasse marche arrière.

Des relations changeantes parmi les puissances rivales

Les relations entre les pays capitalistes de la région ont changé depuis la guerre froide, lorsque le Pakistan était en premier lieu aligné sur Washington et en second lieu sur la Chine ; et l’Inde, sur Moscou.

Beijing a développé ses relations avec les dirigeants pakistanais. Une visite du président Xi Jimping en 2015 a inauguré un investissement chinois de 75 milliards de dollars dans la construction de routes et de lignes de chemin de fer, dans la production d’énergie et dans la construction de pipelines reliant la Chine au port pakistanais de Gwadar sur la mer d’Arabie. Le corridor de transport passe à travers la partie occupée du Cachemire. En décembre, Beijing et Islamabad ont conduit leur sixième exercice militaire conjoint.

Washington a reçu en juillet aux États-Unis le premier ministre pakistanais Khan et offert sa médiation avec l’Inde sur la question du Cachemire. Mais le gouvernement indien a rejeté l’offre. Les dirigeants de ce pays sont un allié plus fiable pour les États-Unis face au poids grandissant de la Chine. Washington et New Delhi mènent leurs propres exercices militaires. Le président Donald Trump n’a pas condamné la violation des droits des Cachemiris par le gouvernement de Modi, faisant écho aux appels à la « retenue » des Nations unies. Londres a appelé au « calme ».