Une indignation de longue date des travailleurs face à l’approfondissement de la crise économique et politique au Liban s’est enflammée après une explosion massive le 4 août sur les quais de Beyrouth. L’explosion a fait au moins 158 morts et plus de 6 000 blessés. Suite à l’explosion, des milliers de personnes sont descendues dans les rues jour après jour. C’est le 8 août qu’a eu lieu la plus importante de ces manifestations. Les gens ont appelé le gouvernement à démissionner en scandant : « Partez, vous êtes tous des tueurs. »
Deux jours plus tard, le premier ministre Hassan Diab et son gouvernement ont démissionné. Les postes centraux du gouvernement sont répartis en fonction de la religion. Les partis politiques capitalistes associés aux trois principaux groupes, les musulmans chiites, les musulmans sunnites et les chrétiens maronites, se voient attribuer les plus hautes fonctions. Le Hezbollah, qui est soutenu par les dirigeants iraniens, a été la force politique et militaire dominante au sein du gouvernement.
Des parents de personnes tuées dans l’explosion se sont adressés à la foule le 8 août, pendant que de nombreux manifestants brandissaient des photos de personnes tuées. Certains portaient des potences et disaient qu’elles serviraient à pendre les politiciens du pays, y compris le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah.
« La police m’a tiré dessus, » a dit à Reuters Younis Flayti, un officier de l’armée à la retraite qui était à la manifestation. « Mais cela ne nous empêchera pas de manifester tant que nous n’aurons pas changé le gouvernement de fond en comble. »
« Il s’agit de tous les politiciens, » a dit le manifestant Shadi Alame au Washington Post. « Ils volent l’argent de tout le monde, ils volent les droits des gens. »
Réagissant dans un premier temps à l’augmentation des impôts par le gouvernement l’année dernière, des gens de toutes les confessions se sont joints aux manifestations depuis des mois. Les revendications des manifestants se sont élargies pour inclure des emplois, l’allègement des privations croissantes, la fin de l’ingérence de Téhéran dans le pays et la chute du gouvernement.
Des voyous organisés par le Hezbollah sont parmi les premiers responsables des agressions brutales contre les manifestants, mais ils n’ont pas réussi à empêcher des milliers de personnes de participer aux actions, y compris dans les zones chiites.
Quelque 2 750 tonnes de nitrate d’ammonium hautement explosif, entreposées mais pas sécurisées dans le port de Beyrouth pendant plus de six ans, ont explosé près de zones densément peuplées de la ville. L’explosion a détruit des quartiers entiers, forçant jusqu’à 250 000 personnes à quitter leurs maisons. Tout le port a été détruit, ainsi que les principaux silos à blé du pays.
Des douaniers affirment que depuis 2014 ils ont écrit six fois au gouvernement pour lui demander comment se débarrasser de cette matière volatile. Ils n’ont jamais reçu de réponse.
Le Hezbollah utilise le port de Beyrouth pour recevoir des cargaisons d’armes de son protecteur à Téhéran. Il installe des missiles pointés vers Israël dans les centres populeux du Sud-Liban, prétendant ainsi protéger la population majoritairement chiite de cette région. Le 7 août, Hassan Nasrallah a menacé de « déclencher une bataille » qu’il serait le seul à gagner contre toute personne qui tiendrait le Hezbollah responsable de l’explosion.
Le régime capitaliste iranien luttent depuis des décennies pour étendre son influence contre-révolutionnaire dans toute la région. L’un de ses principaux outils a été le Hezbollah, qu’il arme et aide à financer. Téhéran prétend défendre les intérêts des musulmans chiites, mais le régime défend en fait les intérêts prédateurs des dirigeants capitalistes iraniens contre les régimes arabes rivaux et Israël.
Des milices organisées par le Hezbollah et Téhéran sont intervenues dans la Syrie voisine pour aider à sauver le régime dictatorial de Bachar al-Assad quand un soulèvement populaire pour les droits politiques et la guerre civile qui a suivi ont menacé de renverser son pouvoir. Les gains qu’a faits Téhéran en Syrie, associés à son influence sur les gouvernements irakien et libanais, donnent aux dirigeants iraniens un accès par voie de terre à une grande partie du Moyen-Orient et à des emplacements de missiles visant Israël.
La veille de l’explosion à Beyrouth, les Forces de défense israéliennes avaient mené des frappes aériennes contre des bases militaires syriennes où des unités du Hezbollah opèrent.
Crise politique croissante au Liban
À la suite de l’effondrement de la monnaie libanaise sur les marchés monétaires en mai, les travailleurs ont vu la valeur de leurs salaires réduite alors que les prix montaient en flèche. L’inflation s’élevait à 20 pour cent en juin. De plus en plus de gens sont confrontés à la faim, à des pannes d’électricité récurrentes et à une bataille quotidienne pour survivre.
La crise au Liban se déroule dans une région troublée par des conflits entre Téhéran, Ankara, Riyad et d’autres gouvernements capitalistes concurrents comme Washington et Moscou, qui sont tous à la recherche d’un avantage économique, politique et militaire. Emmanuel Macron, le président de la France, l’ancienne puissance coloniale au Liban, s’est rendu à Beyrouth le 6 août pour promettre une aide et une façon d’accroître l’influence française.
« Nous ne voulons l’aide d’aucun gouvernement, » a indiqué à Reuters Mahmoud Rifai, qui est au chômage, lors de la manifestation du 8 août. « L’argent ira simplement dans les poches de nos dirigeants. »