Une voie prolétarienne pour s’opposer à la guerre de Poutine

Éditorial
le 18 avril 2022

Les condamnations croissantes de la brutalité de Moscou à Boutcha remplissent les pages de la presse capitaliste depuis la publication de photos et de récits de témoins oculaires du massacre qu’y ont perpétré les forces armées russes. Cette brutalité reflète le mépris de Vladimir Poutine et de son gouvernement pour la vie et le désir d’indépendance des travailleurs ukrainiens. Notre réponse devrait être de redoubler nos efforts pour protester contre l’invasion et le carnage de Poutine.

Mais les dénonciations des dirigeants des États-Unis et des autres puissances impérialistes, ainsi que les menaces de nouvelles sanctions, qui frappent le plus durement les travailleurs et les agriculteurs russes, sont des larmes de crocodile. De My Lai, au Vietnam, à Hiroshima et Nagasaki en passant par les bombardements en tapis de civils en Corée, les dirigeants capitalistes américains ont fait pleuvoir sur les travailleurs la mort et la souffrance, au point d’en faire une caractéristique fondamentale de leurs guerres. Cela reflète le mépris des patrons pour les travailleurs mutilés et tués au travail dans les mines de charbon, les raffineries de pétrole et d’autres lieux de travail ici même. Pour eux, ce ne sont que des « dommages collatéraux » dans leur course aux profits. 

La Russie, comme les États-Unis, est un pays divisé en classes. L’écrasante majorité des Russes sont des travailleurs et des agriculteurs qui ne sont pas responsables des meurtres d’Ukrainiens.

Il s’agit d’une guerre déclenchée par le régime de Poutine pour écraser et conquérir l’Ukraine. « Poutine insiste pour dire que l’Ukraine n’est pas une nation et qu’elle n’a pas le droit d’exister en tant que telle », a dit Jack Barnes, secrétaire national du Parti socialiste des travailleurs (SWP), dans sa déclaration du 3 mars, largement distribuée par les membres du parti.

Tout en cherchant à écraser des nations indépendantes comme l’Ukraine et à restaurer la prison tsariste des nations, les dirigeants capitalistes de la Russie mènent également une guerre contre les salaires, les conditions de travail, la dignité et les droits politiques des travailleurs à travers la Russie, y compris les travailleurs en uniforme, qui constituent les rangs des forces militaires russes. Plus de 15 000 Russes ont été emprisonnés et beaucoup ont été battus ou torturés pour avoir protesté contre la guerre de Poutine.

La défaite de l’invasion du régime de Poutine est dans l’intérêt des travailleurs du monde entier. Blâmer les travailleurs en uniforme pour les guerres capitalistes, plutôt que les dirigeants qui les envoient se battre et mourir, c’est fustiger les seules forces de classe capables de mettre fin à ce carnage.

Cette même question a été vivement débattue par les forces antiguerres qui cherchaient la défaite de la guerre des dirigeants américains contre le Vietnam. Surtout après le massacre de Washington à My Lai en 1968, certains manifestants voulaient qualifier tous les GI de « tueurs de bébés » et protester contre eux. À l’époque, un nombre croissant de GI se manifestaient pour demander au gouvernement américain de les retirer du Vietnam. Le SWP s’est battu pour défendre le droit des GI à discuter et à protester contre la guerre. Il a organisé des campagnes visant à annuler les représailles par les hauts gradés de l’armée contre ceux qui s’exprimaient. 

Le SWP a ouvert la voie en amenant le mouvement antiguerre à se tourner vers les soldats pour leur faire connaître la vérité sur la guerre impérialiste et les convaincre de se joindre à la lutte contre celle-ci. Le candidat présidentiel du SWP, Fred Halstead, s’est rendu à Saïgon la même année et y a rencontré des GI pour discuter avec eux de la lutte contre la guerre. Cela faisait partie de la stratégie prolétarienne plus large du parti qui visait à gagner au mouvement la seule classe qui puisse mettre fin aux guerres impérialistes, ainsi que les syndicats.

Il existe des exemples de fraternisation entre les travailleurs ukrainiens et les soldats russes, mais le régime capitaliste de Volodymyr Zelensky et ses supporteurs à Washington n’y ont aucun intérêt. La dernière chose qu’ils souhaitent, c’est que s’approfondisse la collaboration entre les travailleurs russes et ukrainiens.

Mais sans voir les travailleurs et les agriculteurs de la Russie, y compris les soldats, comme composante d’une classe internationale ayant des intérêts communs, on ne pourra jamais se débarrasser du régime de voyous du Kremlin et encore moins mettre fin à la domination capitaliste dans ce pays, aux États-Unis et ailleurs. Il est impossible autrement de remplacer les faiseurs de guerre par des gouvernements qui servent les intérêts de la majorité laborieuse. Les dirigeants capitalistes, tant en Russie qu’aux États-Unis, cherchent à lier les travailleurs à leur politique étrangère, sachant qu’ils mèneront davantage de guerres dans le monde pour promouvoir leurs propres intérêts de classe, leurs intérêts de prédateurs.

Nous, les travailleurs, avons besoin de notre propre politique étrangère, indépendante des patrons, tout comme nous devons lutter pour ce dont notre classe a besoin chez nous — des emplois, de meilleurs salaires et de meilleures conditions — et prendre le pouvoir politique dans nos propres mains.

Après tout, les travailleurs et les agriculteurs russes ont montré par le passé qu’ils étaient capables de mener une lutte indépendante, d’affronter leurs propres dirigeants capitalistes. En 1917, sous la direction de V. I. Lénine et du parti bolchevique, ils ont fait tomber la prison tsariste des nations, ont contribué à mettre fin à la première guerre mondiale impérialiste et ont réalisé la première révolution socialiste au monde.