MONTRÉAL — Le 13 décembre, après que le ministre du Travail Steven MacKinnon a demandé au Conseil canadien des relations industrielles d’ordonner le retour au travail des 55 000 membres du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes en grève, le syndicat a dénoncé « cette atteinte à notre droit constitutionnel de négocier collectivement et de faire la grève ». C’est la « poursuite d’une tendance profondément troublante du gouvernement à utiliser ses pouvoirs arbitraires pour laisser les employeurs s’en tirer, traîner les pieds et refuser de négocier de bonne foi avec les travailleurs et leurs syndicats ».
Les travailleurs ont entrepris leur grève le 15 novembre.
Au cours des derniers mois, Ottawa a ordonné aux travailleurs portuaires en grève au Québec et en Colombie-Britannique, aux membres du Syndicat canadien de la fonction publique et de l’International Longshore and Warehouse Union, ainsi qu’aux cheminots du syndicat Teamsters du Canadien National et du Canadien Pacifique Kansas City, de retourner au travail sous arbitrage obligatoire.
Le 15 décembre, la Commission des relations industrielles a émis un ordre de retour au travail, prolongeant les conventions collectives actuelles entre Postes Canada et le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes jusqu’en mai 2025, soi-disant pour donner plus de temps aux négociations. Entre-temps, Postes Canada a annoncé qu’elle avait accepté d’accorder une augmentation salariale de 5 %, rétroactive au lendemain de l’expiration des conventions à la fin de décembre 2023.
Cette lutte est dans l’intérêt de tous les travailleurs
Les travailleurs des postes se battent pour des salaires plus élevés et des conditions de travail sécuritaires. Le 9 décembre, le syndicat a réduit ses revendications salariales de 24 % à 19 % sur quatre ans. Postes Canada n’a pas répondu et a continué à « offrir » une augmentation de 11,5 % sur quatre ans.
« Mon salaire horaire n’a augmenté que de 9 $ CA en 30 ans à Postes Canada. « Cela mène à l’appauvrissement », a indiqué au Militant Hélène Perron, factrice à Laval, sur la ligne de piquetage près d’ici le 12 décembre.
« En 30 ans de service, la direction n’a jamais négocié de bonne foi. Elle a toujours menacé de nous obliger à retourner au travail », a affirmé une factrice Marie-Christine.
« Ils veulent que Postes Canada copie le modèle d’Amazon : un mauvais travail, précaire, sans avantages sociaux, sans salaire décent », a dit Sarbjeet Deol, délégué syndical à Mississauga, en Ontario.
Un autre enjeu clé est le projet de Postes Canada d’embaucher des travailleurs à temps partiel pour livrer des colis les fins de semaine, créant ainsi un régime de salaire à deux paliers, les nouveaux travailleurs gagnant moins et ayant moins d’avantages sociaux. Les patrons veulent également un régime de retraite distinct pour ces nouveaux employés, qui ne garantit pas qu’ils auront une pension. Le syndicat continue de défendre le régime de retraite à prestations déterminées dont bénéficient actuellement ses membres.
Plus de 100 piqueteurs se sont rassemblés devant l’usine de traitement du courrier de Calgary, en Alberta, le 14 décembre. Le président de la section locale 710 des travailleurs des postes, Wycliffe Oduor, a juré que les travailleurs n’accepteraient rien de moins que ce qu’ils demandaient. Le président de la Fédération du travail de l’Alberta, Gil McGowan, a pris la parole, soulignant que le ministre du Travail MacKinnon avait affirmé qu’il soutenait le droit de grève. « Alors, qu’en est-il ? Les travailleurs ont-ils le droit de grève ou non ? », a-t-il demandé. Ottawa « envoie un message à tous les employeurs : tout ce qu’ils ont à faire, c’est de retarder les négociations » pour que le gouvernement impose un contrat aux travailleurs.
Les travailleurs des postes et leurs partisans se sont rassemblés devant les bureaux de la vice-première ministre fédérale et ministre des Finances Chrystia Freeland, à Toronto le 16 décembre. L’action a été appuyée par le Conseil du travail régional de Toronto et de York, qui a déclaré que la lutte visait à défendre les droits de tous les travailleurs.
Le président de la section locale 126 du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, Craig Dyer, a déclaré à CBC à Saint-Jean, capitale de Terre-Neuve, le 16 décembre, que les membres du syndicat étaient en colère contre le gouvernement pour leur avoir retiré le droit de négocier un contrat et qu’ils ne s’engageaient pas à obéir à l’ordre de retour au travail.
À Toronto, Helen Karrandjas, membre du STTP, a dit à la Presse canadienne : « Nous travaillons dur. Nous méritons un salaire décent, mais il semble que la haute direction de Postes Canada ne soit pas disposée à négocier. »
Une longue histoire de lutte
En 1965, le STTP a obtenu le droit à la négociation collective. Il a défié les politiques gouvernementales et a organisé une grève « illégale » victorieuse dans tout le pays pendant deux semaines, qui a étendu les droits de négociation à la plupart des travailleurs du secteur public fédéral.
Les travailleurs de Postes Canada ont reçu des ordres de retour au travail à cinq reprises au cours des 46 dernières années, tant sous des gouvernements libéraux que conservateurs. En mars 1979, les postiers ont défié la tentative d’Ottawa de leur imposer un accord. Le président du STTP, Jean-Claude Parrot, a été emprisonné pendant trois mois pour avoir refusé d’ordonner la reprise du travail.
« En tant que membre de la Conférence ferroviaire de Teamsters Canada et chef de train au Canadien National, j’ai participé avec mes collègues cheminots aux piquets de grève des débardeurs et des grévistes de Postes Canada. Ce type de solidarité est nécessaire à grande échelle pour unir les travailleurs dans la lutte pour résister aux attaques d’Ottawa contre le droit de grève », a dit Philippe Tessier, candidat de la Ligue communiste à l’élection partielle de Terrebonne au Québec, au Militant le 16 décembre.