Ce qui suit est extrait d’une présentation faite en 1992 par Jack Barnes, secrétaire national du Parti socialiste des travailleurs (SWP), dans lequel il explique l’incapacité des gouvernements et classes capitalistes nationales rivales de rassembler une Europe nouvelle et unie. Ce texte fait partie de la section intitulée « Le conflit interimpérialiste et le mythe d’une Europe unie » dans le livre Le désordre mondial du capitalisme : la politique ouvrière au millénaire. Copyright © 1999 Pathfinder. Reproduit avec permission.
Ces conflits entre les classes et gouvernements capitalistes nationaux rivaux font éclater à un rythme qui s’accélère le mythe d’une « Europe unie ». Depuis la fin de la soi-disant guerre froide, les politiciens et commentateurs bourgeois ont éprouvé des difficultés à trouver des expressions leur permettant de décrire le rapport de force mondial. Ils ont parlé d’un nouvel ordre mondial pendant un certain temps.
Mais ceci ne semblait pas correspondre très bien à l’issue de la guerre du Golfe, aux crises permanentes en Europe de l’Est et dans l’ancienne Union soviétique ni à l’arrivée de conditions de dépression. C’est ainsi que certains d’entre eux ont commencé à parler d’un « monde tripolaire » : les États-Unis, l’Europe et le Japon en constituaient les trois pôles.
Mais cette description du rapport de force dans le monde d’aujourd’hui s’est déjà heurté à un grand problème — il n’existe pas de pôle européen.
Combien de temps s’est écoulé depuis que plusieurs figures des classes dominantes en Europe (en particulier à Bonn et dans une moindre mesure Paris) insistaient pour dire que les puissances impérialistes européennes — quels que soient leurs problèmes et frictions — se dirigeaient vers l’unité politique ? S’il fallait en croire leur histoire, les membres de la Communauté européenne allaient mettre leurs fonds en commun et donner de l’argent à l’Irlande, au Portugal, à la Grèce et même un petit peu à l’Espagne, pour permettre à ces pays de se rattraper et de réduire l’écart économique et social les séparant du reste de l’Europe capitaliste. Ils allaient adopter les mêmes règlements d’aide sociale, les mêmes normes de travail et les mêmes normes sur la pollution. Ils finiraient par converger vers une politique étrangère et militaire commune. Ils feraient disparaître les différences de productivité et finiraient par tous s’accorder pour utiliser les mêmes pièces de monnaie comme devise commune. Et puis cette Europe nouvelle et unie — où les différences de classe allaient en pratique finir par disparaître lentement, mais sûrement — émergerait comme une force importante, puissante et compétitive face aux États-Unis et au Japon.
Mais c’est en réalité l’inverse qui s’est produit au cours de la dernière décennie. Malgré tous ces discours sur l’unité, l’évolution du capitalisme mondial a accru l’inégalité du développement à travers l’Europe et rendu son caractère plus explosif.