SANFORD, Floride, le 26 mars — Depuis une semaine des manifestations ont éclaté dans des centaines de grandes et petites villes à travers les États-Unis en réponse à un lynchage des temps modernes et à la tentative de la police d’étouffer le meurtre survenu ici il y a aujourd’hui un mois. Trayvon Martin, un jeune Noir de 17 ans non armé, a été abattu par balle par George Zimmerman, auto-proclamé « patrouilleur de quartier. »
Plus de 2 000 personnes, étudiants et travailleurs, principalement des Américains africains, ont manifesté aujourd’hui dans cette ville en scandant « Arrêtez Zimmerman maintenant ! » et « Quelle honte, quelle honte, la police de Sanford. »
Dans l’État voisin de la Géorgie, quelque 8 000 personnes se sont rassemblées au Capitole à Atlanta.
« Le racisme n’est pas du tout rare ici, » a déclaré Shatee Hall, 39 ans, une assistante médicale résidante de Sanford qui est venue au rassemblement ici avec un contingent de 60 membres de son syndicat, le SEIU 1199 Est. « Il y a toujours eu des problèmes de racisme avec le département de la police de Sanford. Ils ne nous protègent pas, ils ne nous servent pas. »
« La Floride de mon enfance était vraiment raciste, a dit William Turnbull, un menuisier de 61 ans. Je croyais que ça allait changer mais après Trayvon j’en doute. » Turnbull, qui est caucasien, portait une pancarte avec l’inscription : « Si Trayvon était blanc, il serait encore en vie. »
« Je veux savoir ce qui est arrivé à mon fils et empêcher qu’une telle chose arrive à un autre parent, » a dit la mère de Trayvon Martin, Sabryna Fulton, lors d’une réunion de la Commission municipale de Sanford après la manifestation.
« Nous n’exigeons pas oeil pour oeil. Nous exigeons la justice ! La justice ! La justice ! » a dit son père, Tracy Martin, un camionneur.
La marche était la dernière d’une série de manifestations ici. La plus grande, un rassemblement de quelque 10 000 personnes organisé par le révérend Al Sharpton, a eu lieu le 22 mars. La même journée, le chef de police de Sanford, Bill Lee, a annoncé sa démission temporaire « dans l’espoir de rétablir un semblant de calme dans une ville agitée depuis plusieurs semaines. »
Trayvon Martin, un étudiant du secondaire de Miami, était en visite chez son père à Sanford, 40 kilomètres au nord d’Orlando. Il pesait 64 kilos. Il marchait avec un sac de bonbons « Skittles » et une canette de thé glacé dans ses mains qu’il venait juste d’acheter dans un petit commerce.
George Zimmerman, qui pèse 113 kilos, était armé. Il faisait une patrouille près d’un quartier protégé dans lequel vit la fiancée de Tracy Martin lorsqu’il a aperçu Trayvon Martin et a appelé le 911 : « Il y a un gars vraiment suspect … on dirait qu’il pense à un mauvais coup ou qu’il est drogué ou quelque chose … Il pleut mais il se promène. »
« Maintenant il est en train de me dévisager, » a dit George Zimmerman qui a surveillé Trayvon Martin et donné son signalement au 911. Le répartiteur lui a dit que la police était en route. « Ces imbéciles se sauvent toujours, » a répondu Zimmerman. Ensuite il a dit au répartiteur que Trayvon Martin a commencé à fuir et qu’il le suivait.
« Nous n’avons pas besoin que tu le fasses, » a dit le répartiteur. Mais apparemment George Zimmerman a poursuivi Trayvon Martin à pied.
Selon l’amie de Trayvon Martin, qui lui parlait sur son téléphone portable à ce moment, Martin a essayé de lui échapper. Elle a entendu Trayvon Martin dire à George Zimmerman, « Pourquoi me suivez-vous ? » et Zimmerman de répondre, « Qu’est-ce que vous faites par ici ? » La ligne a ensuite été coupée. D’autres appels au 911 signalent ensuite une altercation qui se termine quand George Zimmerman a mortellement atteint Trayvon Martin à la poitrine.
« Trayvon Martin a flanqué le patrouilleur de quartier par terre … sauté sur lui et frappé brutalement sa tête contre le trottoir, » a écrit le journal Orlando-Sentinel le 26 mars citant des sources policières. George Zimmerman aurait eu le nez en sang et une blessure à la tête.
George Zimmerman, qui possédait un permis pour port d’arme de poing, n’a toujours pas été arrêté ou inculpé pour le meurtre. « Nous n’avons aucune base pour contester son affirmation selon laquelle il aurait agi en légitime défense, » a déclaré le chef de police Bill Lee le 12 mars. Cette même journée, la chaîne d’information ABC News a rapporté que la police aurait « corrigé » le compte-rendu d’au moins un témoin. La police a fait une analyse de drogue et d’alcoolémie sur le corps de Trayvon Martin mais George Zimmerman n’a subi aucun contrôle.
La Floride fait partie d’un certain nombre d’États qui ont adopté au cours des dernières années des soi-disant lois autorisant à « tenir tête ». En vertu de cette législation, une personne sous la menace d’une attaque dans un endroit public peut utiliser son arme même quand se retirer de la situation est une option réelle.
George Zimmerman était le chef d’un groupe de patrouilleurs de quartier qui travaille avec la police, a déclaré le chef de police Bill Lee au quotidien Miami Herald. Âgé de 28 ans, il est d’origine péruvienne et caucasienne. Avant l’incident et la fin de ses apparitions publiques, il travaillait comme analyste des prêts dans une compagnie de gestion de risques dans le secteur hypothécaire et il étudiait la justice pénale au Seminole State College. [ Collège d’État Seminole ]
La famille lance une campagne publique
Avec une population de 53 000 habitants, dont 30 pour cent des résidants sont Noirs, cette ville a des antécédents de violence de groupes paramilitaires et de dissimulation de la part du service de police. En 2005, il y a eu des manifestations quand la police a attendu des mois avant d’arrêter deux gardiens de sécurité qui avaient tiré par la vitre de leur auto et tué un jeune de 16 ans sous prétexte de se défendre. Ils ont finalement été arrêtés mais ont été blanchis par la suite de toute accusation.
Le Service de la police et les procureurs municipaux ont essayé de camoufler le meurtre de Trayvon Martin. Mais ses parents ont déclenché une lutte publique pour les en empêcher, en participant à des manifestations et en prenant la parole dans les télévisions nationales.
Plus de 1 000 personnes ont participé aux funérailles de Trayvon Martin le 3 mars. Le 9 mars, sa famille a publiquement exigé que la police rende publics les appels au 911 et procède à l’arrestation. À la mi-mars, surtout suite à la divulgation des appels au 911, des manifestations ont commencé à se répandre partout dans le pays.
Le 18 mars, la famille de Trayvon Martin a lancé un appel public au procureur général Eric Holder et au FBI pour qu’ils s’impliquent dans l’affaire. Le lendemain, des fonctionnaires de l’État ont annoncé la tenue d’une audience d’un grand jury le 10 avril et le département de la Justice U.S. a annoncé l’ouverture de son enquête.
Lors d’une réunion de protestation le 20 mars dans une église ici, à laquelle 400 personnes ont participé, le président de la NAACP Ben Jealous a demandé que le chef de police Bill Lee soit renvoyé. Le lendemain, les commissaires municipaux ont adopté une motion de « non-confiance » qui a poussé le chef de la police à décider de se retirer « temporairement ».
Les deux parents ont participé à la manifestation, appelée la « marche du million de sweatshirts à capuche » à laquelle quelques 1 000 personnes ont participé le 21 mars à Union Square à New York. Trayvon Martin portait un sweatshirt à capuche noir au moment du meurtre et le port de ces sweatshirts à capuche est devenu un thème de manifestions, réunions et services religieux partout au pays. « Mon coeur est en douleur » a dit la mère de Trayvon Martin devant la foule « mais de voir l’appui que vous nous donnez tous fait toute la différence. »
Parmi les manifestations qui ont eu lieu partout dans le pays cette journée-là, environ 250 personnes ont manifesté dans les rues de la communauté noire de Liberty City, à Miami.
Raquel Fredericks, une amie de Trayvon Martin qui est venue avec deux de ses amies, portait un T-shirt sur lequel était inscrit « R.I.P. [ Repose en paix ] Trayvon Martin ». « Il était comme un petit frère pour moi, » a-t-elle dit au Militant. « J’aimerais voir George Zimmerman derrière les barreaux ».Le 22 mars, 300
étudiants ont fait grève à l’école secondaire Carol City, à Miami, là où Trayvon Martin a passé sa première année et une partie de la deuxième année d’étude secondaire. Le lendemain, quelque 12 000 élèves de 31 écoles ont débrayé dans le comté de Miami-Dade.
Les adversaires de la campagne pour faire arrêter et juger George Zimmerman ont tenté de salir Trayvon Martin, mettant l’accent sur le fait qu’il faisait l’objet d’une troisième suspension de l’école secondaire de Miami qu’il fréquentait parce qu’on aurait trouvé des résidus de marijuana dans son sac d’école. La campagne de diffamation inclut un message Twitter du cousin de Martin que quelqu’un a déniché et publié et qui suggère que Martin aurait pu être impliqué dans une violente altercation avec un chauffeur d’autobus.
« Ils ont tué mon fils, et maintenant ils tentent de tuer sa réputation, » a dit Sabryna Fulton.
Un sondage effectué aujourd’hui par CNN suggère que 73 pour cent de la population U.S. sont en faveur de l’arrestation de George Zimmerman.
« Que va-t-il se passer maintenant ? » a demandé un présentateur du journal télévisé CBS News à Tracy Martin au cours d’une entrevue le 23 mars.
« L’arrestation, le procès, la condamnation et la peine pour le meurtre de Trayvon Benjamin Martin, » a répondu le père.