Les deux côtés dans le « débat sur les armes à feu » prennent les droits des travailleurs pour cible

Louis Martin
le 14 janvier 2013

La tuerie du 14 décembre où sont morts 26 élèves et membres du personnel de l’école primaire Sandy Hook à Newton dans le Connecticut a déclenché un débat enflammé entre les politiciens et chroniqueurs de la gauche et de la droite de la politique bourgeoise. Mais toutes les « solutions » proposées, du contrôle des armes à feu à l’augmentation du nombre de policiers armés dans les écoles, partagent une cible commune : les droits des travailleurs.

À la tête d’appels pour un contrôle renforcé des armes à feu se sont trouvées des personnalités libérales telles le maire de New York, Michael Bloomberg, et la sénatrice californienne, Dianne Feinstein.

Le président Barack Obama a demandé au Congrès de rétablir l’interdiction des fusils d’assaut qui a expiré en 2004 et d’adopter une loi qui imposerait une vérification des antécédents de toute personne achetant une arme à feu d’un particulier. Obama a désigné le vice-président Joseph Biden pour mener la charge afin d’imposer des restrictions sur les achats de fusils et de munitions.

Le 24 décembre, le Journal News, un journal de la banlieue de New York, a publié une carte avec les noms et adresses des détenteurs de permis de port de pistolets dans les comtés de Westchester et de Rockland.

De l’autre côté du débat bourgeois, Wayne LaPierre, le directeur exécutif de la National Rifle Association, s’est opposé à l’appel en faveur des restrictions gouvernementales sur les armes à feu dans une conférence de presse le 21 décembre et a demandé au lieu de ces restrictions que le gouvernement installe des policiers armés dans chaque école publique du pays et tienne une « base de données nationale à jour des malades mentaux. »

« La seule chose pouvant arrêter un type méchant avec une arme à feu, a-t-il dit, est un type bon avec une arme à feu. »

Wayne Lapierre a rejeté la responsabilité du massacre du Connecticut sur les médias, Hollywood et les fabricants de jeux-vidéos, qu’il a désigné comme « une industrie de l’ombre corruptrice qui vend et fait la promotion de la violence contre son propre peuple, » selon le Los Angeles Times.

Joe Arpaio, le shérif du comté de Maricopa en Arizona, a annoncé des plans pour déployer de « petites milices » de volontaires armés autour des écoles de la région de Phoenix.

Michael Bloomberg, que le New York Times  a surnommé le « choriste » de la campagne pour le contrôle des armes à feu, a défendu ce qu’il a appelé les méthodes de surveillance policière « proactives » de la ville. « Nous envoyons nos officiers de police dans des endroits problématiques où il y a des personnes problématiques, » a-t-il affirmé le 16 décembre au cours de l’émission NBC « Meet the Press, » faisant ainsi l’éloge de la politique « contrôler et fouiller » de New York qui cible en très grande majorité les jeunes hommes noirs et latinos.

Quelques conservateurs se sont joints aux libéraux en faveur d’une plus grande restriction sur la vente d’armes à feu.

« Le mieux que l’on puisse faire, c’est d’essayer de les arrêter, de les désarmer et de décourager les « divertissements » qui peuvent exciter des pulsions déjà meurtrières, » a écrit le chroniqueur conservateur Charles Krauthammer dans l’édition du 20 décembre du Washington Post. Il a appelé à cibler ce qu’il a décrit comme un « petit groupe de jeunes hommes instables, profondément dérangés et dangereusement isolés. »

« Mais il y a un coût, a-t-il ajouté. Le contrôle des armes à feu empiète sur le deuxième amendement à la constitution, l’internement involontaire empiète sur la clause de liberté du cinquième amendement ; réfréner la violence dans le « divertissement » empiète sur la liberté d’expression du premier amendement. »

« Ça fait beaucoup d’empiètements, beaucoup d’amendements, soutient-il. Mais on ne fait pas d’omelettes sans casser des œufs. Augmenter la sécurité publique veut presque toujours dire limiter des libertés. »

Le tireur au Connecticut, Adam Lanza, âgé de 20 ans, était clairement un malade mental. Il a tué sa mère, puis a tué par balles 20 enfants et 6 membres du personnel de l’école avant de se donner lui-même la mort.

Selon les médias, Adam Lanza souffrait soit d’autisme, soit du syndrome d’Asperger et il a été décrit comme mentalement instable par certains qui le connaissaient. Ceci a mené à un vif débat sur des appels réactionnaires en faveur de fichiers spéciaux de malades mentaux ou de l’augmentation du nombre d’internements forcés.

Réductions radicales de crédits pour les programmes de santé mentale

Pendant ce temps, le financement des programmes de santé mentale a été radicalement réduit à travers le pays. Selon l’Alliance nationale pour les maladies mentales, la Caroline du Sud a réduit son budget de santé mentale de 39,3 pour cent entre 2009 et 2012. Quant à l’Illinois, la baisse a été de 31,7 pour cent, à Washington DC de 23,9 pour cent et en Californie de 21,2 pour cent. Le capitalisme favorise à la fois les comportements antisociaux et violents et accorde une faible priorité au traitement des personnes atteintes de troubles mentaux. Les soins de santé mentale sont d’abord et avant tout une marchandise – et souvent pas très rentables.

La classe dirigeante capitaliste craint que l’approfondissement des crises économique et sociale de leur système mènera obligatoirement à l’avenir à de plus grandes batailles avec les travailleurs et les agriculteurs. Ils saisissent chaque occasion pour réduire les droits politiques, cherchant à rendre les ripostes des travailleurs plus compliquées.

Dans le débat actuel, la plupart des représentants de la classe possédante insistent sur la nécessité de renforcer les corps armés de l’État capitaliste et les institutions apparentées : les flics, les tribunaux et les « fichiers » de personnes dangereuses.

Et beaucoup de ces représentants veulent restreindre l’accès de travailleurs aux armes à feu, cherchant à donner un monopole sur les armes à leurs flics et forces militaires.

Le deuxième amendement à la constitution, comme le reste de la Déclaration des droits gagnée dans la lutte par les travailleurs et les agriculteurs et qui constituent des restrictions sur le gouvernement et des protections contre celui-ci, garantit le « droit au peuple de garder et de porter des armes » contre toute transgression de la part du gouvernement.

Les opposants au deuxième amendement soutiennent que la « sécurité publique » nécessite la mise au rebut de ce droit comme une relique du passé adopté dans une période différente, lorsque des milices populaires existaient et avant l’invention des armes automatiques.

Mais les travailleurs ne sont pas plus en sécurité avec un monopole des armes à feu dans les mains des flics et d’autres corps armés dont le travail consiste à protéger la propriété et les prérogatives des exploiteurs capitalistes. Défendre tous les droits des travailleurs contre de plus en plus d’empiétements par les patrons et leur gouvernement devient plus important aujourd’hui et non moins important, alors que la classe des employeurs monte des attaques contre nos salaires et nos conditions de travail.

Le deuxième amendement fait partie des protections constitutionnelles que les travailleurs ont brandies dans le cadre de la lutte prolétarienne de masse pour les droits des Noirs dans les années 1960. Des groupes comme les Deacons for Defense and Justice  et la branche du NAACP  de Robert Williams à Monroe en Caroline du Nord ont conservé leur droit de porter les armes et les ont utilisées pour arrêter la main des voyous et des flics racistes, pour protéger les actions de protestation sociale et les communautés noires et éviter les effusions de sang.

En même temps, le mouvement ouvrier n’a rien en commun avec la politique de droit de port d’armes des milices d’extrême droite ou avec la « justice » des groupes d’autodéfense et les soi-disant lois « Tenir tête » qui les encouragent. Mais on ne peut pas faire avancer la bataille politique de la classe ouvrière contre ces mouvements et lois réactionnaires par des appels à des restrictions gouvernementales sur les droits des travailleurs.

La violence antisociale et des meurtres insensés ne proviennent pas de jeux vidéos ou de droits légaux à posséder des armes à feu. Ils ne sont pas un produit de trop de droits constitutionnels ou de trop peu de flics armés à chaque coin de rue. Ils sont d’abord et avant tout un sous-produit des relations sociales sous le capitalisme – renforcés par la brutalité policière, les morts et les mutilations au travail et les guerres de conquête sanglantes à l’étranger.

Et les crimes violents au sein de la classe ouvrière peuvent être exacerbés par les pressions sociales multiples qui s’accroissent sous les effets pénibles et continus de la crise capitaliste.

En même temps, la montée à venir des luttes de masse de la classe ouvrière remplacera les valeurs de chacun-pour-soi du capitalisme par la solidarité sociale, tout comme elles l’ont toujours fait dans le passé. C’est cette solidarité et la transformation des travailleurs et de leur vision d’eux-mêmes, qui se développe au cours de la lutte contre l’exploitation capitaliste, qui constitue l’arme la plus puissante contre les comportements antisociaux de toutes sortes.