« Le plus grand exploit internationaliste jamais accompli par Cuba »

Introduction au livre Cuba and Angola: Fighting for Africa’s Freedom and Our Own.

le 28 janvier 2013

Ce qui suit est l’introduction de Mary-Alice Waters au livre Cuba and Angola: Fighting for Africa’s Freedom and Our Owndisponible en anglais et espagnol.

Le nouveau livre des éditions Pathfinder présente des discours de Fidel Castro, Raúl Castro et Nelson Mandela ; des entrevues avec les généraux cubains Armando Choy, Gustavo Chui, Moisés Sío Wong et Luis Alfonso Zayas ; des récits des révolutionnaires cubains Gerardo Hernández, Fernando González et René González ; et un rapport de l’écrivain colombien Gabriel García Márquez.

Membre du Comité national du Parti socialiste des travailleurs, Mary-Alice Waters est la rédactrice du livre.

Copyright © 2013 par les éditions Pathfinder. Reproduit avec permission.

MARY-ALICE WATERS

Les internationalistes cubains ont fait une contribution à l’indépendance, la liberté et la justice en Afrique, qui est sans précédent par son caractère fondé sur les principes et le désintéressement.

NELSON MANDELA
Matanzas, Cuba, juillet 1991

Confrontés à des défis nouveaux et inattendus, nous pourrons toujours nous rappeler avec gratitude l’épopée de l’Angola, car sans l’Angola nous ne serions pas aussi forts que nous le sommes aujourd’hui.

RAÚL CASTRO
La Havane, Cuba, mai 1991

Entre 1975 et 1991, quelque 425 000 Cubains se sont portés volontaires pour servir en Angola en réponse aux demandes du gouvernement de ce pays qui venait de conquérir sa libération du Portugal après près de cinq siècles d’exploitation et de domination coloniales brutales. La mission : aider à défendre l’Angola contre une agression militaire qui s’est prolongée pendant 13 ans avec deux grandes invasions de la part des forces armées du régime d’apartheid en Afrique du Sud et de ses alliés africains et impérialistes.

Les enjeux étaient énormes.

Vieille de 25 ans et en profonde décomposition, la dictature fasciste au Portugal a été renversée en avril 1974 par un coup d’État militaire qui a provoqué un puissant soulèvement révolutionnaire des travailleurs et des agriculteurs portugais. Cela a ébranlé la confiance des dirigeants capitalistes européens.

En avril 1975, l’impérialisme U.S. a été littéralement chassé d’Indochine. Le monde entier a regardé, dans la joie ou l’horreur, selon sa perspective de classe, les hélicoptères se ruer pour secourir des milliers de responsables américains désespérés et leurs laquais vietnamiens sur le toit de l’ambassade des États-Unis dans ce qui s’appelait depuis peu Hô Chi Minh-Ville.

Des luttes anti-impérialistes avec un caractère de plus en plus populaire s’approfondissaient en Iran, à la Grenade, au Nicaragua et ailleurs en Amérique Centrale.

La nécessité de ne pas perdre le contrôle de l’Afrique australe gagnait en importance dans la liste de priorité des puissances impérialistes. Durant des années, elles avaient manœuvré pour sauver ce qu’elles pouvaient pendant que l’empire portugais s’effondrait. Le jour de l’indépendance de l’Angola approchant, en novembre 1975, elles ont accéléré leurs efforts pour installer ce qu’elles espéraient être un régime fantoche dans le plus grand et le plus riche des anciens territoires africains du Portugal. Pour Pretoria, encouragé et approvisionné de façon détournée par Washington, l’avenir de toute l’Afrique australe, y compris la survie même du régime de l’apartheid, était sur la table.

La première invasion majeure de l’Angola par les troupes sud-africaines a commencé en octobre 1975 lorsque des colonnes de blindés ont franchi la frontière à partir du Sud-Ouest africain (Namibie), leur colonie de facto, et avancé vers le nord. Simultanément une offensive militaire vers le sud a eu lieu à partir du Zaïre (Congo). La dictature pro impérialiste de Mobutu dans ce pays espérait annexer la province angolaise de Cabinda, riche en pétrole, et prendre tous les territoires qu’elle pouvait. L’objectif était de conquérir la capitale Luanda avant le 11 novembre pour empêcher l’installation d’un gouvernement dirigé par le Mouvement populaire pour la libération de l’Angola (MPLA), le plus puissant des mouvements d’indépendance, avec la base populaire la plus large.

Seule l’intervention de dernière heure de quelque 650 volontaires cubains internationalistes, en réponse à la demande d’aide pressante du gouvernement provisoire d’Angola, a empêché la réalisation des objectifs de l’Afrique du Sud. Moins de cinq mois plus tard, avec 36 000 volontaires cubains déjà sur le terrain, les forces militaires du régime d’apartheid sud-africain et celles de la dictature zaïroise ont été chassées d’Angola. Mais elles n’avaient pas encore renoncé.

Il s’en est suivi ce qu’on a appelé par euphémisme une « guerre de faible intensité » de plus d’une décennie contre le régime angolais. Puis, fin 1987, les troupes sud-africaines ont commencé leur seconde invasion majeure qui a pris fin avec la défaite cuisante des forces militaires de Pretoria en mars 1988 dans la bataille désormais célèbre de Cuito Cuanavale.

Comme le dirigeant de la lutte anti-apartheid en Afrique du Sud Nelson Mandela l’a déclaré au monde trois ans plus tard, « Cuito Cuanavale a été un jalon dans l’histoire de la lutte pour la libération de l’Afrique du Sud … un point tournant dans la lutte pour libérer le continent et notre pays du fléau de l’apartheid ! »

Cette victoire décisive n’a pas seulement assuré la souveraineté de l’Angola. Elle a également permis au peuple de Namibie d’obtenir son indépendance du régime d’apartheid sud-africain et a donné une forte impulsion à la lutte révolutionnaire de masse qui s’est développée contre le régime de la suprématie blanche en Afrique du Sud même. Moins de deux ans après la victoire de Cuito Cuanavale, Nelson Mandela, emprisonné pendant plus de vingt-sept ans, était libre. Quatre ans plus tard, le régime de l’apartheid n’était plus et Nelson Mandela était président de l’Afrique du Sud.

Dans les pages qui suivent, cette histoire est racontée par ceux qui l’ont vécue et qui l’ont faite.

?

La contribution de centaines de milliers d’internationalistes cubains, militaires et civils, aux luttes pour l’indépendance dans le Sud de l’Afrique n’a cependant pas été une « faveur » rendue à autrui. La révolution cubaine, la force de son noyau prolétarien, était aussi en jeu. En tant que ministre des Forces armées révolutionnaires, Raúl Castro a affirmé au peuple cubain au mois de mai 1991 alors qu’il accueillait le dernier contingent de volontaires à retourner au pays : « Si notre peuple se connaît mieux, si nous tous connaissons beaucoup mieux ce dont nous sommes capables, les vétérans ainsi que nos jeunes, les nouvelles générations, cela aussi, c’est grâce à l’Angola ! »

Parmi les jeunes dont la vie a été transformée en combattant aux côtés du peuple angolais, se trouvaient trois jeunes Cubains encore dans leur vingtaine dont les noms sont aujourd’hui connus à travers le monde : Gerardo Hernández, Fernando González et René González. Ce sont trois de cinq Cubains qui, quelques années après leur expérience en Angola, se sont portés volontaires pour une autre affectation internationaliste, cette fois-ci aux États-Unis. Leur mission : surveiller les activités des organisations contre-révolutionnaires cubano-américaines qui opéraient avec impunité à partir de bases aux États-Unis, des groupes qui organisent des actions violentes contre les partisans de la révolution à l’intérieur de Cuba, des États-Unis, de Porto Rico et ailleurs et dont les actions menacent toujours de provoquer une confrontation entre Washington et Cuba. Arrêtés par le FBI en 1998, victimes d’un coup monté sur la base de plus de 30 accusations, les Cinq Cubains ont été emprisonnés aux États-Unis pendant plus de 14 ans.

Comme Fernando Gonzalez l’écrit dans un récit publié dans les pages qui suivent, les leçons qu’il a apprises en Angola sont des leçons qui lui ont servi depuis, « y compris ici pour faire face à des conditions d’emprisonnement prolongé. »

?

Les batailles finales et décisives menées en 1988 en Angola par plus de 50 000 volontaires cubains ont coïncidé et ont fait avancer à leur tour ce qui était connu à Cuba sous le nom de processus de rectification, un des chapitres les plus importants dans l’histoire de la révolution.

En avril 1986, s’exprimant à l’occasion du vingt-cinquième anniversaire de la victoire de Playa Girón qui a écrasé l’invasion de Cuba organisée par les États-Unis à la baie des Cochons, le président cubain Fidel Castro a annoncé la décision prise par la direction d’engager une profonde correction du cours de la révolution. Il l’a comparée à un navire qui change son cap compas pour suivre une trajectoire différente. Pendant plus d’une décennie, alors qu’on introduisait des politiques associées au Système de gestion et planification économiques copié de l’Union soviétique, les initiatives prolétariennes et les efforts collectifs des travailleurs et petits agriculteurs cubains s’étaient affaiblis.

Fidel a résumé l’erreur avec grande perspicacité plusieurs années plus tard lorsqu’il a dit en novembre 2005 à un auditoire de jeunes dirigeants de la révolution que « parmi nombre d’erreurs que nous avons tous commises, la plus grave a été de croire que quelqu’un connaissait quelque chose du socialisme ou savait comment construire le socialisme. Comme si c’était une science exacte, aussi bien connue qu’un système électrique conçu par ceux qui se considéraient comme des experts en systèmes électriques. Quand ils ont dit : « voici la formule, » nous avons pensé qu’ils savaient. »

Au cours du processus de rectification, encourager la créativité et l’imagination des travailleurs de Cuba est redevenue la force motrice de la révolution pour combattre le poids économique, social et politique de ce qui était devenue une énorme couche administrative et relativement privilégiée, présente dans les ateliers, les usines, les ministères, les bureaux et les organisations de masse.

Les salaires des travailleurs agricoles, parmi les plus bas du pays, ont augmenté de 40 pour cent. La population a pu commencer à utiliser pour son usage collectif les cliniques spéciales, les magasins et restaurants spéciaux et les lieux de loisir créés par le ministère de l’Intérieur pour son personnel. On a limité l’accès privilégié aux voitures de l’État, aux rations d’essence et aux budgets spéciaux pour les loisirs.

Des mini brigades volontaires à temps plein impliquant des dizaines de milliers de travailleurs sont apparues sur les lieux de travail à travers le pays, mobilisant presque du jour au lendemain une force de travail avide d’aider à la réalisation des priorités sociales les plus urgentes : le logement, les garderies, les cliniques, les écoles, les centres de loisirs et autres. De plus grands contingents de travailleurs volontaires dans la construction, dans lesquels les travailleurs eux-mêmes décidaient des salaires, des horaires et des normes de travail, ont entrepris la construction de routes, barrages, hôpitaux, aéroports et autres projets d’infrastructure majeurs.

Le travail volontaire, l’élément central de l’action prolétarienne dans les premières années de la révolution, qui « avait trouvé refuge dans les activités de défense » au cours de cette période que Fidel a qualifiée en 1987 de « période honteuse dans la construction du socialisme, » est réapparu « comme un phénix. » À mesure que les mini brigades ont pris le caractère d’un mouvement social de masse, « le point de vue des bureaucrates et des technocrates selon lequel le travail volontaire n’était ni fondamental ni essentiel » a perdu du terrain.

Tel était le cours révolutionnaire qui avançait à Cuba au moment où allaient se présenter les grandes batailles finales de la guerre en Angola. Tel était l’esprit qui imprégnait les 40 000 volontaires cubains postés sur le front sud de l’Angola et qui, avec leurs compagnons d’armes angolais et namibiens, se sont frayés un chemin vers l’est et le sud dans les premiers mois de 1988. Ils ont construit en soixante-dix jours un terrain d’aviation avancé alors qu’ils levaient le siège de Cuito Cuanavale, dégageaient les champs de mines et les routes et prenaient le contrôle de l’air.

Tout était fini. Le régime de l’apartheid était forcé de se retirer de Namibie et d’Angola et de demander la paix.

?

La victoire qu’a représentée Cuito Cuanavale, de pair avec l’approfondissement du cours prolétarien à Cuba même, a également permis à la révolution d’affronter et de sortir renforcée de l’un de ses moments les plus amers en trente ans.

En juin et juillet 1989, le haut commandement militaire a obtenu la preuve que le général de division Arnaldo Ochoa, héros de la République de Cuba, qui avait dirigé la mission en Angola en 1987-1988, avait supervisé la vente de sucre sur le marché noir en Angola ainsi qu’un trafic amateur de diamants et d’ivoire au moment même où la vie de milliers de combattants cubains et angolais était en jeu à Cuito Cuanavale.

Comme l’a exprimé Fidel avec une clarté sans faille, « en même temps que s’écrivait la page la plus glorieuse, s’écrivait également la plus honteuse, en grande partie par le chef de la mission militaire cubaine en Angola. »

Cependant l’éditorial de Granma annonçant l’arrestation d’Arnaldo Ochoa a clarifié avec insistance le fait que c’était au général de division Leopoldo Cintra Frías, et non à Arnaldo Ochoa, que le commandement du front sud avait été confié « pour assurer le succès complet des opérations de nos troupes en Angola. » C’était là où « la majeure partie du personnel cubain, les chars d’assaut, l’artillerie, les forces anti-aériennes et certaines unités de la Force aérienne avaient été postés. » Arnaldo Ochoa, a noté l’éditorial, était « impliqué dans d’autres tâches pour le compte de la mission militaire cubaine, » des tâches qui étaient à l’écart du « cours des événements militaires. »

Comme allait bientôt le révéler une enquête de plus en plus vaste menée par le gouvernement cubain, les opérations illégales à petite échelle en Angola constituaient la moindre des infractions d’Arnaldo Ochoa. Il avait également supervisé les activités de l’un de ses aides, à qui Arnaldo Ochoa avait donné l’autorisation de rencontrer Pablo Escobar du cartel de la drogue de Medellín et d’autres trafiquants de drogue en vue d’explorer différentes options pour les opérations de trafic comme l’utilisation de couloirs aériens et navals cubains et l’utilisation d’éventuels laboratoires de cocaïne en Afrique. Arnaldo Ochoa a prétendu qu’il était motivé par le désir d’amasser de l’argent, beaucoup d’argent : il a lui-même mentionné la somme de quatre milliards de dollars pour acheter des équipements militaires pour l’Angola et Cuba et pour accélérer le développement d’une industrie touristique à Cuba.

Arnaldo Ochoa et son subordonné ont été traduits en cour martiale et exécutés avec deux officiers de haut rang du ministère de l’Intérieur qui, comme l’enquête l’a révélé, s’étaient déjà lancés dans leurs propres opérations de trafic de drogue, en plus d’avoir facilité les combines d’Arnaldo Ochoa.

C’était un moment traumatisant à Cuba.

Le général de division Enrique Carreras a exprimé de façon éloquente l’indignation populaire quelques années plus tard quand il a fait le commentaire suivant au cours d’une entrevue : « Imaginez : salir notre uniforme pour de l’argent, pour sortir d’un pétrin économique ! C’est ce qu’a fait Arnaldo Ochoa. Et cela, dans une armée aussi honorable que l’armée Rebelle ! Si nous devons mourir de faim nous mourrons de faim mais nous ne déshonorerons pas ce pour quoi le peuple s’est battu si durement et pendant si longtemps. Nous ne ferons pas honte à ce pour quoi tant de gens sont morts au cours des années. […] C’est pour cela que nous nous sommes battus pour le socialisme : pour éliminer ces maux. »

De larges extraits des débats de la Cour d’honneur militaire, des témoignages devant la cour martiale et de l’examen des peines de mort par le conseil d’État ont été publiés dans le quotidien Granma, diffusés à la télévision et à la radio et suivis de près par des millions de Cubains. Au terme de ce qu’on a commencé à appeler à Cuba le Cas numéro 1 en 1989, un accord général, loin d’être unanime, s’est développé parmi le peuple travailleur à Cuba avec la justice et la nécessité des sentences.

« Qui aurait pu croire en la révolution, a demandé Fidel, si nous n’avions pas imposé les peines les plus sévères établies dans notre législation pour les crimes de cette gravité ?

« Qui aurait pu parler à nouveau de rectification ? »

Lors d’une réunion le 9 juillet, le conseil d’État a examiné et ratifié les condamnations pour Arnaldo Ochoa et les trois autres. À la fin de son intervention, Raúl Castro a rappelé à tous que le commandant de la mission militaire en Angola Arnaldo Ochoa avait signé les sentences de mort pour trois jeunes soldats cubains qui avaient été reconnus coupables de viol et d’assassinat de femmes angolaises. En tant que ministre des Forces armées révolutionnaires, Raúl avait été chargé de ratifier ces ordres, ce qu’il avait fait.

« Je n’ai pas hésité, a dit Raúl, parce que la décision était juste. Pas plus que je n’hésiterai quand je signerai la peine réclamée par le tribunal dans les quatre cas examinés par le conseil d’État. Les mères de ces trois jeunes hommes auraient pu demander la clémence. Si nous n’appliquons pas cette peine, nous aurons à les implorer de nous pardonner. »

?

Au moment où les dernières unités de volontaires internationalistes revenaient de l’Angola en 1991, Cuba confrontait déjà la plus grande crise politique et économique de son histoire. L’implosion du régime bureaucratique en Union soviétique a signifié l’arrêt brusque de 85 pour cent du commerce extérieur de Cuba. Comme virtuellement toutes les importations se sont évaporées, la production agricole et industrielle s’est effondrée. C’était « comme si un jour le soleil ne s’était pas levé, » a déclaré Fidel.

Avec l’aggravation de la crise, les ennemis de Cuba, aveuglément convaincus de leurs propres mythes sur l’effritement du soutien à la révolution, ont prédit (espéré) une fois de plus sa chute imminente. Et en fait, aucun autre gouvernement au monde n’aurait pu survivre à une telle crise. Mais Cuba n’a jamais été une version tropicale de ce que l’Union soviétique était devenue, ou de ce que les pays d’Europe de l’Est ont toujours été. En termes de classe, il s’agissait de leur négation politique et morale. Et la confiance des travailleurs de Cuba en eux-mêmes et en leur gouvernement, « en ce que nous sommes capables d’accomplir, » pour reprendre les mots de Raúl, était dans une large mesure due aux conquêtes enregistrées au cours de la mission internationaliste en Angola et du processus de rectification.

Les cinquante mille Cubains qui se sont portés volontaires pour le service en Angola en 1988 pour assurer la cuisante défaite de l’armée de l’apartheid à la bataille de Cuito Cuanavale auraient été l’équivalent à l’époque, en termes de population, à l’envoi de 1,2 millions de soldats par les États-Unis dans un théâtre d’opérations. Il s’agit seulement d’une mesure de l’ampleur de l’engagement internationaliste réalisé par les hommes et les femmes de la révolution cubaine. Pourtant, pour les nouvelles générations de révolutionnaires et de militants, de travailleurs qui réfléchissent à travers le monde, tout ceci est pratiquement une histoire cachée.

Une poignée de mémoires ont été publiés à Cuba par ceux qui ont combattu sur un front ou l’autre au cours de la mission de près de seize ans. Virtuellement aucun n’a été traduit ou publié en dehors de Cuba. De plus, aucun récit complet n’existe encore aujourd’hui, bien que cela pourrait changer avec la publication prévue en septembre 2013 de Visions of Freedom: Havana, Washington, and Pretoria in Southern Africa, 1976–1991 par Piero Gleijeses, auteur de l’excellente étude Conflicting Missions: Havana, Washington, and Africa, 1959–76, qui couvre les premiers mois de la mission.

Cuba and Angola: Fighting for Africa’s Freedom and Our Own vise à apporter une petite contribution pour combler ce vide et encourager ceux qui ont pris part à ce que Fidel a appelé « le plus grand exploit internationaliste jamais accompli par Cuba » pour qu’ils fassent connaître cette histoire.

Les lecteurs trouveront la force de ce livre dans les multiples points de vue qu’il offre sur un grand nombre d’événements communs.

À travers les discours de Fidel Castro, commandant en chef de la mission internationaliste en Angola et leader historique de la révolution cubaine, et ceux de Raúl Castro, alors ministre des Forces armées révolutionnaires de Cuba, nous obtenons une vision politique, stratégique et militaire la plus large possible.

Pourquoi la direction cubaine a pris les décisions qu’elle a prises aux moments critiques. Comment ces décisions ont été exécutées et dirigées. Et les conséquences pour la révolution et ses relations avec les autres puissances mondiales et les forces de libération nationale en Afrique, en Amérique latine et ailleurs.

Nelson Mandela, le dirigeant historique de la lutte pour débarrasser son pays, son continent et le monde du fléau de l’apartheid, explique le caractère politique sans précédent des actions de Cuba en Afrique, de leur poids et de leur place dans l’histoire du monde.

Armando Choy, Gustavo Chui, Moisés Sío Wong et Alfonso Zayas, quatre combattants historiques de la lutte pour renverser la dictature de Batista, nous donnent le point de vue de quatre généraux des Forces armées révolutionnaires de Cuba. Chacun d’eux a été parmi les officiers expérimentés de première ligne qui ont dirigé sous diverses capacités sur les champs de bataille de l’Angola et de Cuba.

À travers les récits de Gerardo Hernández, Fernando González et René González, nous voyons la mission internationaliste angolaise telle qu’elle a été vécue par les plus jeunes générations de révolutionnaires de l’époque : comment ils ont été moulés par cette expérience de combat et transformés pour la vie.

Et dans « Opération Carlota, » Gabriel García Márquez, l’un des plus grands auteurs contemporains d’Amérique latine, documente l’ouverture de la campagne en Angola et de ses premières grandes victoires. Nous voyons par ses yeux l’impact que ces événements ont eu sur la détermination de lutter des travailleurs cubains : des nouveaux rythmes dans leur musique aux soubresauts accrus de leurs pas jusqu’aux sourires plus larges sur leurs visages.

Cuba and Angola: Fighting for Africa’s Freedom and Our Own est dédié aux hommes et aux femmes de Cuba qui ont écrit ce chapitre épique de l’histoire de leur révolution et à ceux, alors trop jeunes pour y avoir participé, qui apprendront de ce combat et de chacun d’eux en même temps qu’ils se dirigent vers les batailles de classe dont les premiers brasiers brûlent déjà.