Les efforts déployés par le président Barack Obama et le président russe Vladimir Poutine pour concocter un accord qui mettrait les armes chimiques du régime syrien sous « contrôle international » a interrompu l’élan vers une frappe militaire U.S. Pendant ce temps, les menaces impérialistes persistent et le gouvernement de Bachar Al-Assad en Syrie va de l’avant avec sa guerre meurtrière pour conserver son emprise sur le pouvoir, ce qui a un effet dévastateur sur les travailleurs et les agriculteurs.
« Au cours des derniers jours, nous avons vu des signes encourageants, en partie grâce à la menace sérieuse d’une action militaire U.S. et aux discussions constructives que j’ai eues avec le président Poutine, » a dit Barack Obama dans un discours télévisé le 10 septembre, ajoutant qu’il « a donc demandé aux dirigeants du Congrès de reporter un vote pour autoriser l’usage de la force.
« J’ai ordonné à nos forces armées de maintenir leurs positions, a déclaré Barack Obama, pour être en mesure de réagir si la diplomatie échoue. » Les représentants des gouvernements à Paris et à Londres, ainsi que les dirigeants du Congrès des États-Unis, ont soutenu le changement. Moscou et Damas tentent de réduire la pression sur le régime d’Assad et noyer dans le sang l’opposition en Syrie.
Dirigées par Washington, les puissances impérialistes visent chacune à leur manière à éliminer Assad et avoir leur mot à dire dans le remaniement d’un gouvernement en Syrie plus conforme à leurs intérêts et capable d’instaurer la « stabilité », mot-clé pour traduire l’objectif primordial partagé par les deux parties : contenir les luttes des travailleurs et des agriculteurs.
Le ministre syrien des Affaires étrangères Walid Al-Mouallem a déclaré le 10 septembre que le régime « cesserait la production d’armes chimiques et révélerait les emplacements de ses stocks à l’ONU, la Russie et d’autres pays, » a rapporté le Wall Street Journal. C’est la première fois que le gouvernement avoue détenir de telles armes.
Le même jour, l’armée syrienne a attaqué des quartiers ouvriers de la banlieue de Damas détenus par les forces de l’opposition, y compris Mouadamiya, une des zones touchées par des attaques au gaz toxique le 21 août qui a tué quelque 1 400 personnes ce qui a déclenché un battement de tambours de la part de l’administration de Barack Obama pour entreprendre des représailles militaires.
« Les hauts dirigeants syriens ont amassé une des plus grandes réserves d’armes chimiques au monde, avec l’aide de l’Union soviétique, de l’Iran, de fournisseurs d’Europe occidentale et même d’une poignée de sociétés américaines, » a rapporté le New York Times le 8 septembre.
En plus des armes qu’il a reçues de l’étranger, Assad a développé des usines pour fabriquer des produits chimiques toxiques en Syrie. Le régime possède des stocks de gaz moutarde, des agents neurotoxiques VX et du sarin, l’agent chimique qui aurait été utilisé dans les attaques du 21 août. (Les États-Unis et la Russie détiennent les plus grands stocks mondiaux d’armes chimiques.)
Avant les discussions actuelles entre Washington et Moscou, Barack Obama avait ordonné au Pentagone d’élargir considérablement le nombre de cibles potentielles dans le but d’utiliser des missiles de croisière Tomahawk et des bombardements pour « dissuader et discréditer » le régime d’Assad.
Les attaques d’Assad frappent les travailleurs
Pendant des décennies, Assad ainsi que son père avant lui ont maintenu un contrôle dictatorial sur la Syrie avec l’appui des gouvernements russe et iranien. Le régime Assad est fondé sur une mince couche des familles capitalistes, la plupart d’entre elles issues de la minorité musulmane alawite, une branche de l’Islam chiite représentant environ 12 pour cent de la population.
En 2011, inspirés par les mobilisations massives en Tunisie et en Égypte qui y ont renversé des régimes despotiques, des travailleurs, des agriculteurs, des jeunes et d’autres gens ont organisé des manifestations partout en Syrie pour revendiquer des droits politiques et, de plus en plus, la fin du gouvernement Assad. Les actions grandissantes ont rapidement rencontré une sévère répression. En plus des attaques contre les manifestations, des villes entières ont été isolées dans le but de pacifier la population.
À mesure que s’approfondissait le massacre et que se fermait l’espace pour les actions de rue, certains ont commencé à organiser une résistance armée. Des personnages bourgeois utilisent ces forces de résistance comme leur base politique. Des groupes profondément réactionnaires reliés à Al-Qaeda, à la recherche d’un emplacement pour une base opérationnelle, disposent des unités armées substantielles contre le gouvernement Assad.
Au cours des deux dernières années et demie, plus de 100 000 personnes ont été tuées dans un pays de 22 millions d’habitants. L’ONU rapporte que plus de 2 millions de personnes ont fui les combats et la destruction, se réfugiant en Turquie, en Jordanie, au Liban et en Iraq. Environ 720 000 personnes se sont réfugiées au Liban, qui compte 4,4 millions d’habitants, et plus d’un demi-million sont en Jordanie, où l’immense camp de réfugiés Zaatari est maintenant la quatrième plus grande ville au pays.
Quelque 4,25 millions de plus ont été chassés de leurs maisons, mais demeurent à l’intérieur des frontières syriennes. Comme la grande majorité des travailleurs et des agriculteurs là-bas, ils font face à une menace constante d’attaques militaires et de négation de leurs droits politiques fondamentaux.
Des milliers de Kurdes, victimes de l’oppression nationale sous Assad comme en Turquie, en Iraq et en Iran, ont gagné une mesure de contrôle sur certaines des régions où ils sont majoritaires dans le nord de la Syrie. Beaucoup se sont enfuis au Gouvernement régional kurde autonome dans le nord de l’Iraq.
Tel Aviv appuie une frappe de missiles
« La proposition de frappe aux missiles limitée a un allié étranger crucial : Israël, » a rapporté le New York Times le 5 septembre.
L’extension de la base opérationnelle du Hezbollah en Syrie, un groupe islamiste armé financé par Téhéran, préoccupe particulièrement les dirigeants israéliens. Pendant des décennies, Tel Aviv a toléré et s’est même appuyé sur le régime d’Assad qui a maintenu le statu quo dans la région, y compris par une longue histoire de trahisons meurtrières de réfugiés palestiniens, a tenu en respect le Hezbollah et a aidé à maintenir la frontière d’Israël la plus tranquille et la plus sécuritaire, une frontière protégée par le plateau du Golan que contrôle Israël.
« Il s’agit d’un match des séries éliminatoires où tu as besoin que les deux parties perdent, où à tout le moins que l’une des deux ne gagne pas : nous nous contenterons d’un match nul, » a dit au Times Alon Pikas, l’ancien consul général israélien à New York, en faisant ainsi référence au régime Assad et à son opposition hétérogène. « Laissons-les tous les deux saigner, mourir d’une hémorragie. »
Certains commentateurs en Israël ont bien accueilli les négociations russo-américaines. « Si ça inclut également des actions pour le démantèlement des armes chimiques, ce n’est pas rien, » a dit Giora Eiland, une ancienne conseillère pour la sécurité nationale israélienne à Reuters. « Pour nous c’est un bon résultat, sans que nous ayons eu à lever le petit doigt. »
La politique étrangère de Barack Obama
Barack Obama a longtemps poussé pour des coupures dans les forces armées américaines et un désengagement militaire américain. L’élection et le cours de Barack Obama ont coïncidé avec une période de profonde lassitude de la guerre aux États-Unis, produite par des guerres longues et sans résultats concluants en Iraq et en Afghanistan.
« J’ai été élu pour arrêter des guerres, pas pour en commencer, » a dit Barack Obama à une conférence de presse à Saint-Pétersbourg en Russie le 6 septembre. « J’ai passé les dernières quatre années et demie à faire tout ce que je pouvais pour réduire notre dépendance sur le pouvoir militaire. » Sa politique étrangère a été marquée par une croyance apparente qu’il pourrait négocier un monde différent dans lequel les crises en ascension et les conflits nés du capitalisme pourraient être simplement négociés.
Lorsque le monde réel a contrarié ses plans, Barack Obama a cherché à « diriger de l’arrière » et s’est appuyé sur des commandos d’opérations spéciales, des escadrons de drones et des assassinats ciblés. Ce parcours a condamné l’administration à des frustrations sans fin et l’a laissée sans préparation pour les crises — ce qui peut la conduire à exploser de manière imprévisible, avec des conséquences dangereuses et involontaires pour les travailleurs et les agriculteurs du monde entier.