« Nous avons remporté une victoire importante qui renforce la lutte contre les mesures de censure prises par les autorités carcérales pour nier le droit des détenus de lire les informations qu’ils souhaitent avoir. » C’est ainsi que commence une lettre envoyée par le Militant le 12 octobre aux groupes et individus qui ont appuyé la lutte du journal pour défendre les droits des travailleurs derrière les barreaux et la liberté de la presse.
Le 11 octobre, l’avocat de l’Union des libertés civiles de Floride Benjamin Stevenson, qui représente le Militant, a appris la nouvelle de LaDawna Fleckenstein, l’avocate générale adjointe pour le département des Services correctionnels de Floride. Auparavant, les autorités carcérales avaient informé Benjamin Stevenson qu’elles avaient décidé, lors d’une réunion le 1er octobre, de confirmer leur décision du 5 septembre de confisquer un numéro du journal qui comportait un article sur le lancement d’une grève de la faim dans les prisons de Californie.
« Le Comité d’examen de la littérature s’est réuni et a tenu une nouvelle audience sur l’appel concernant la décision de confisquer un numéro du Militant, a écrit LaDawna Fleckenstein. Le Comité d’examen de la littérature a décidé d’annuler sa précédente décision. Ce numéro du Militant sera autorisé dans la prison. »
« Nous sommes heureux de voir que le Comité d’examen de la littérature s’est rendu compte de son erreur et a décidé de lui-même de reconsidérer et d’autoriser la diffusion du Militant aux détenus dans les prisons de Floride, » a expliqué Benjamin Stevenson au journal.
Le journal a été saisi par les autorités carcérales le 5 septembre car, selon elles, un article d’information en première page du numéro du 22 juillet « encourage les grèves de la faim. »
Pendant ce conflit, des détenus dans une autre prison de Floride et dans l’État de Washington ont informé le Militant qu’eux aussi ont été privés de leurs abonnements.
Le prisonnier en Floride, un abonné de longue date, a expliqué qu’il n’a pas reçu le journal depuis plus de six semaines. Le détenu de Washington a précisé que trois numéros du Militant ont été saisis par les autorités carcérales, celui daté du 22 juillet et les deux numéros suivants contenant des articles qui ont continué à suivre la grève de la faim.
« Nous avons l’intention de poursuivre ce combat, » a déclaré le rédacteur en chef du Militant Doug Nelson après avoir appris la décision du département des Services correctionnels de Floride de faire marche arrière et d’autoriser le journal dans les prisons de cet État. « Nous allons contester les efforts des autorités carcérales de censurer la presse socialiste. Nous ne faisons que commencer à chercher et gagner des appuis pour ce combat, qui est dans l’intérêt de tous les travailleurs, qu’ils soient derrière les murs de prison ou à l’extérieur, et de tous les défenseurs des droits constitutionnels fondamentaux. »
La censure des informations fournies par des prisonniers
Le Militant a commencé à prendre connaissance de la censure de publications qui défendent les droits des prisonniers ou qui publient des articles écrits par des prisonniers.
L’un d’eux, le San Francisco Bay View, un journal national noir qui a publié des articles sur des détenus qui luttent contre l’isolement cellulaire et écrits par eux, a vu sa livraison de mars censurée par la prison d’État de Pelican Bay en Californie — où a débuté la grève de la faim — pour avoir publié un article intitulé « La manifestation pacifique des détenus reprendra le 8 juillet si les revendications ne sont pas satisfaites. »
Avant sa publication dans Bay View, l’article, rédigé par quatre détenus, a été envoyé au gouverneur Jerry Brown, au département des Services correctionnels de l’État, au directeur de Pelican Bay et à des journaux de tout l’État. L’article a été couvert par de nombreuses chaînes de télévision, y compris celles qui sont diffusées à l’intérieur de la prison. Et les auteurs, Sitawa Nantambu Jamaa, Arturo Castellanos, Todd Ashker et Antonio Guillen, ont été autorisés à faire circuler l’article entre eux, seule façon de pouvoir l’écrire en isolement cellulaire.
Les autorités carcérales ont néanmoins décidé d’empêcher d’autres prisonniers de lire l’article parce qu’il « projette de perturber l’ordre ou de violer la sécurité d’une institution. »
En mai, le journal a publié un article de cinq détenus, Sondai Dumisani, Abasi Ganda, Mutope Duguma, Abdul O. Shakur et Sitawa Nantambu Jamaa, qui ont fondé la Campagne du premier amendement du mouvement des droits humains de Pelican Bay pour lutter contre la censure.
« J’ai demandé à un officier combien de fois le L.A. Times, USA Today, le Sacramento Bee ou le Triplicate ont été interceptés dans le courrier, » a écrit un membre du Comité du premier amendement. « Il a d’abord dit qu’il ne savait pas, mais lorsque j’ai insisté, il a admis « Jamais. »
Le Bay View a été interdit, expliquait l’article de mai, parce que les autorités carcérales « détestent le fait que quelqu’un fournisse une plate-forme pour que les prisonniers puissent s’exprimer. »
« Le Militant, comme notre journal, le San Francisco Bay View, a été censuré pour sa couverture de la récente grève de la faim en Californie, » a écrit Mary Ratcliff, rédactrice en chef du Bay View, au Militant. « Parce que la grève a impliqué 30 000 prisonniers à son apogée, ce qui en fait la plus importante dans l’histoire des États-Unis, et qu’elle a duré 60 jours — 40 prisonniers se sont privés de nourriture pendant toute la durée — il est incontestable qu’elle mérite d’être couverte. En Californie, la loi interdit à la presse de rendre visite aux prisonniers pour entendre leur version des faits, de sorte que les articles s’en tiennent aux déclarations des autorités carcérales. Par conséquent, la couverture des principaux journaux n’est pas contestée ; ces journaux sont distribués aux détenus abonnés. Par contre, les journaux comme le Militant et le Bay View qui écrivent à partir du point de vue des prisonniers qui protestent pacifiquement et de celui de leurs familles et de leurs partisans sont contestés. Nos lecteurs, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la prison, ont droit à toute l’histoire. Les droits constitutionnels ne s’arrêtent pas à la porte de la prison. »
« Nous offrons notre solidarité au Bay View, a déclaré Doug Nelson. Nous luttons contre la censure de notre journal pour aider à repousser les efforts visant à priver les détenus des informations qu’ils souhaitent avoir. C’est une partie importante du démantèlement des barrières entre la vie en prison et la vie en dehors de ces murs. »