De petites unités paramilitaires pro-Moscou se sont emparées des bâtiments du gouvernement et de la police dans plusieurs villes à travers l’Est de l’Ukraine, y compris à Donetsk, Horlivka, Kramatorsk et Marioupol. Ces provocations font partie d’une opération menée par le gouvernement capitaliste de Russie pour déstabiliser l’Ukraine, créer un prétexte pour d’autres interventions et porter des coups au mouvement populaire qui a mobilisé des centaines de milliers de personnes ÐÐ qu’ils parlent russe ou ukrainien ÐÐ et a renversé le gouvernement du président Victor Ianoukovitch.
Des provocations similaires en Crimée ont servi de prélude à l’annexion de la péninsule par Moscou le mois dernier et à la mobilisation de quelque 40 000 soldats russes près de la frontière de l’est de l’Ukraine où ils restent aujourd’hui.
Le 15 avril, des forces spéciales de l’armée ukrainienne ont enfin commencé à se diriger contre les forces organisées par Moscou et ont libéré l’aéroport de Kramatorsk.
Pendant ce temps, des travailleurs et d’autres personnes ont organisé des unités d’autodéfense locales en réponse aux provocations en cours. « Ce qui s’est passé à Zaporijia est instructif, a écrit Euromaïdan PR le 16 avril. Il s’est avéré que les manifestants « pro-russes » étaient pour la plupart des membres d’une bande criminelle locale, payés pour semer le trouble. Les gens sont venus par milliers pour les entourer. Ce n’est pas un secret que des gens à l’est s’organisent et s’arment dans des groupes de partisans pro-ukrainiens. »
« À Sievierodontesk et à Lyssytchansk, des forces de l’ordre et des mineurs ont collaboré étroitement pour mettre fin à tout accès de séparatisme, » selon le Voices of Ukraine du 15 avril.
Le 15 avril, le gouvernement ukrainien a publié des enregistrements d’appels téléphoniques entre quatre agents militaires russes en Ukraine orientale et leurs supérieurs en Russie. Un supérieur se réjouit des rapports des agents sur l’assassinat d’Ukrainiens et instruit l’un d’entre eux, dont le nom de code est « le Tireur, » à accorder un entretien à la télévision russe, « pour exiger la fédéralisation et des élections de gouverneurs et souligner que le Verkhovna Rada [le parlement ukrainien] ne devrait pas être autorisé à accepter une aide financière extérieure sans le soutien des deux tiers des oblasts [provinces]. »
Pour la plupart, les forces de police à l’est, qui n’ont pas changé depuis le renversement de Victor Ianoukovitch, ont permis les provocations ou ont aidé à les organiser. Une grande majorité des flics à Donetsk est passée aux forces soutenues par Moscou, prenant le contrôle de l’immeuble de l’administration régionale et faisant appel à l’envoi de troupes par le président russe Vladimir Poutine.
Mais les provocations ont reçu très peu de soutien du côté des travailleurs. Sergei Baryshnikov, un ancien professeur universitaire d’histoire âgé de 53 ans, qui a récemment été proclamé « député » dans « la République populaire de Donetsk, » a expliqué au Wall Street Journal le 9 avril que « les mineurs et les sidérurgistes ne se sont pas joints au mouvement pro-Russie. »
À Louhansk, à 55 km de la frontière russe, plus de 1 000 personnes sont sorties dans la rue le 13 avril pour protester contre les provocations. Des rassemblements importants ont aussi eu lieu à Odessa et à Zaporijia. Plus de 1 000 personnes se sont rassemblées le 12 avril à Kharkiv. Et des centaines de mineurs et d’autres personnes se sont rassemblés sur la place de la ville orientale minière de Kryvyï Rih.
« Nous avons été en contact avec des mineurs à Louhansk, Donetsk et d’autres villes, » a dit au Militant le 9 avril Yuriy Petrovych, président du Syndicat indépendant des mineurs de l’Ukraine pour la ville de Kryvyï Rih. « Les mineurs savent que si la Russie s’empare de certaines de nos villes, il n’y aura pas de travail dans les mines d’ici un mois. Nous savons ce qui est en jeu et nous sommes déterminés à nous battre pour maintenir une Ukraine unie. C’est ce que nos camarades de toutes les villes de l’Est se préparent à faire. »
« Nous sommes organisés pour empêcher les forces russes ou leurs alliés de prendre le contrôle d’un seul édifice gouvernemental ici, a dit Yuriy Petrovych. Plus tôt dans la journée nous avons entendu dire qu’il y aurait peut-être une attaque sur la place de la ville et nous avons mobilisé nos groupes d’autodéfense pour y aller. Personne ne s’est pointé. Les gens savent que nous sommes préparés ici. »
Ces actions et ces préparations reflètent le sentiment de l’écrasante majorité des travailleurs et des agriculteurs en Ukraine. Un récent sondage de la Fondation initiatives démocratiques suggère que seulement huit pour cent des Ukrainiens sont en faveur d’une séparation. À Donetsk, la principale ville à l’est, c’est 18 pour cent.
À Moscou, plus de 10 000 personnes ont participé le 13 avril à une « marche pour la vérité » afin de dénoncer l’intervention russe en Ukraine et le flot de mensonges des médias appuyés par le gouvernement. Des actions similaires ont eu lieu à Saint-Pétersbourg et dans d’autres villes russes.
Les médias russes dominés par le gouvernement affirment que l’Ukraine est maintenant dominée par une « junte » de fascistes et d’antisémites sous le contrôle de Washington qui représente une menace pour les russophones du pays.
« J’ai été à Kiev. Je conseille à tous ceux qui ne l’ont pas encore fait, d’y aller, » a dit le 1er avril Nadejda Tolokonnikova, une des membres de Pussy Riot. « C’est paisible à Kiev. Je n’ai pas été attaquée même une seule fois par des « bandes de néonazis. »
Nadejda Tolokonnikova a voyagé à Kiev avec Maria Alekhina, elle aussi membre de Pussy Riot. Les deux ont passé 21 mois dans des prisons russes, accusées de « hooliganisme motivé par la haine de la religion » pour une manifestation à l’intérieur de la cathédrale chrétienne orthodoxe de Moscou en 2012 contre la répression gouvernementale et le pouvoir politique croissant de la hiérarchie religieuse.
« J’ai parlé russe et je n’ai pas été giflée, a dit Nadejda Tolokonnikova. J’ai reçu des sourires et des mots de remerciement parce qu’il y a des Russes qui ne soutiennent pas l’agresseur Poutine. Le Maïdan est une place d’une incroyable puissance. »
Le gouvernement russe du président Vladimir Poutine agit à partir d’une position de faiblesse et de vulnérabilité. La crise économique de la Russie va vraisemblablement s’aggraver considérablement en raison de sa dépendance aux exportations de gaz et de pétrole, dont les prix sur le marché mondial devraient continuer à chuter.
Parmi les travailleurs et d’autres couches, le gouvernement fait face à des sentiments anti-guerre très répandus basés sur des expériences des décennies récentes en Afghanistan, Tchétchénie et Géorgie. Et la classe capitaliste, dans l’intérêt de laquelle le gouvernement de Vladimir Poutine agit, est majoritairement plus intéressée à une stabilisation des relations sociales capitalistes et des profits à long terme qu’à des aventures militaires imprévisibles.
Pendant ce temps, l’économie ukrainienne continue à se détériorer. La hryvnia, la monnaie du pays, a perdu plus de 35 pour cent de sa valeur contre le dollar depuis le début de 2014. Les dettes du pays continuent à augmenter. Et Moscou a imposé des prix plus élevés pour les importations de gaz russe.
Le Fonds monétaire international a affirmé qu’il débloquera 18 milliards de dollars en prêts à condition que Kiev prenne des mesures pour augmenter les profits et attirer les investissements étrangers. Le gouvernement par intérim de l’Ukraine a donné son accord pour réduire radicalement la subvention aux travailleurs sur les prix de l’énergie et pour plafonner les augmentations des salaires et des pensions de retraite.
Le taux de chômage continue d’augmenter à mesure que les commandes pour les usines et les mines liées à la Russie sont réduites. « Les salaires à la mine ont été baissés, » a dit Yuriy Petrovych de Kryvyï Rih, où des mineurs de fer travaillent pour EVRAZ, un groupe russe. « Tous les investissements promis pour de grands projets ont été bloqués. »