La cour du Canada soutient les expulsions basées sur des preuves secrètes

John Steele
le 9 juin 2014

MONTRÉAL — Une fois de plus, le réfugié algérien Mohamed Harkat est menacé d’expulsion vers son pays natal où il dit risquer la torture et la mort. Le 14 mai, la Cour suprême du Canada a statué à l’unanimité que le gouvernement fédéral peut expulser sans procès et sur la base de preuves secrètes des résidents permanents et autres non-citoyens qu’il soupçonne d’organiser des crimes ou dont il dit qu’ils sont une menace à la « sécurité nationale. »

Mohamed Harkat, qui est venu au Canada en 1995 et vit à Ottawa, a obtenu le statut de réfugié en 1997. Il travaillait comme livreur de pizza et pompiste dans une station-service. En vertu d’un certificat de sécurité des lois canadiennes, Mohamed Harkat a été arrêté en 2002 et a passé quatre ans en prison après que le Service canadien du renseignement de sécurité l’a accusé d’être un « agent dormant » d’Al-Qaïda. Mohamed Harkat, qui nie les accusations, a vécu sous diverses formes d’assignation à domicile depuis 2006.

Mohamed Harkat et quatre autres personnes sous le coup d’un certificat de sécurité, communément appelés les « Cinq victimes de procès secrets, » se battent contre les détentions arbitraires et les menaces d’expulsion depuis de nombreuses années.

Les certificats de sécurité, qui sont intégrés à la loi fédérale sur l’immigration depuis des décennies, sont utilisés pour détenir et expulser des non-citoyens sans procès. La décision d’émettre un certificat est basée sur des preuves secrètes que ni l’accusé ni ses avocats ne peuvent voir ou contester. En 2008, le gouvernement fédéral a révisé les lois sur les certificats de sécurité après que la Cour suprême, un an plus tôt, les a déclarés inconstitutionnels. Pour répondre aux objections de la Cour, l’accusé peut maintenant affecter des « avocats spéciaux » pour examiner les preuves, mais ils ne sont pas autorisés à divulguer ce qu’ils voient.

En vertu de la loi révisée, un juge fédéral a décidé une fois de plus, en 2010, que Mohamed Harkat représentait une menace pour la sécurité nationale. Cette décision a été annulée en 2012 par la Cour d’appel fédérale après qu’il a été révélé que le Service canadien du renseignement de sécurité avait détruit 13 enregistrements d’écoute électronique sur lesquels une grande partie de la preuve secrète était fondée. Mais le jugement de la Cour suprême du 14 mai a annulé cette décision.

« Nous avons été choqués et bouleversés, » a déclaré Sophie Harkat-Lamarche, l’épouse de Mohamed Harkat, dans un entretien téléphonique. « Le tribunal ne nous a absolument rien donné. Mohamed n’a jamais eu la possibilité de rétablir sa réputation après avoir été catalogué de terroriste. La décision crée un dangereux précédent qui permettrait l’utilisation de procès secrets contre d’autres personnes. »

Nous « regrettons que cette décision laisse en place des protections inéquitables pour les droits fondamentaux des non-citoyens, » a déclaré la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles et le Conseil canadien pour les réfugiés dans un communiqué de presse le 14 mai. « Lorsque ces droits sont en jeu pour les citoyens, comme dans le cas des procédures pénales, nous ne tolérons pas l’utilisation de preuves secrètes. »

Au cours des 22 dernières années, il y a eu 30 procédures de certificat de sécurité, selon Barbara Jackman, avocate pour le Conseil canadien pour les réfugiés. L’utilisation de preuves secrètes et les procédures à huis clos dans d’autres cas civils et d’immigration est aujourd’hui en hausse. Depuis 2008, selon Barbara Jackman, la Cour fédérale a mené des procédures utilisant des certificats de sécurité dans plus de 100 cas de revue de décisions de justice où Ottawa utilise des raisons de sécurité nationale pour empêcher la tenue d’audiences publiques.

Plus de 6 000 personnes ont signé une déclaration contre l’utilisation par le gouvernement des certificats de sécurité qui peut être consultée en ligne à : www.harkatstatement.com.