Des centaines de manifestants portant des rubans gigantesques aux couleurs du drapeau ukrainien ont défilé le 1er juin à Kharkiv en Ukraine contre les attaques et les provocations des séparatistes pro-russes dans plusieurs endroits des provinces orientales de Donetsk et de Luhansk. Au même moment, les mineurs ukrainiens et d’autres travailleurs se battent contre les patrons — russes et ukrainiens — pour des salaires plus élevés et de meilleures conditions de travail pour s’opposer à des licenciements imminents et des coupures gouvernementales dans les régimes de retraite et autres dépenses sociales.
Alors que de nouvelles forces en provenance de Russie ont provoqué une nouvelle vague de perturbations séparatistes, les luttes intestines et les divisions se sont accrues au sein des différents groupes anti-Ukraine.
Le 29 mai, le bataillon Vostok a pris le bâtiment de l’administration régionale de Donetsk des mains d’autres forces séparatistes dirigées par Denis Pushilin. Le bataillon « s’est identifié lui-même comme constitué de citoyens russes, beaucoup d’entre eux affirmant qu’ils venaient de la République autonome de Tchétchénie, » a rapporté le Kyiv Post.
Le lendemain, le bâtiment était sous le contrôle d’Alexandre Borodaï, un ancien consultant russe pour un fonds d’investissement, qui s’est proclamé « premier ministre » de la « République populaire de Donetsk. » Alexandre Borodaï est l’allié d’Igor Strelkov, un ancien agent de renseignement russe, qui se proclame lui-même commandant des forces séparatistes dans la région de Slovyansk.
Avant les changements récents, « l’autorité de la nation présumée s’étend[ait] à peine au-delà de leur tour à bureaux de dix étages et de quelques points de contrôle lourdement armés sur les routes menant à Donetsk, » a rapporté l’Associated Press le 21 mai.
Depuis qu’ils sont entrés le bataillon Vostok a envoyé des escadrons dans la ville, plaçant des barricades et des points de contrôle dans les zones résidentielles densément peuplées afin de dissuader les attaques par les forces armées ukrainiennes.
Ils ont mené des opérations sélectives contre des positions militaires ukrainiennes et lancé le 2 juin une offensive contre un poste de patrouille frontalier à l’extérieur de Luhansk, cherchant à ouvrir la frontière à un plus grand nombre de recrues et d’armes lourdes. Le même jour, un détachement paramilitaire a fait irruption dans les bureaux de la rédaction de Donbass et Vecherniy Donetsk, deux journaux de Donetsk, et en ont sorti les éditeurs.
Plus de 10 000 personnes ont fui la région, a rapporté le 30 mai le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Quelque 45 pour cent d’entre elles sont allées vers le centre de l’Ukraine, 26 pour cent vers l’ouest de l’Ukraine et d’autres vers le sud, en Crimée ou en Russie.
Pour une « Ukraine unie et indépendante »
« La Confédération des syndicats libres d’Ukraine est profondément préoccupée par la situation dans la partie orientale de l’Ukraine, » disait dans un communiqué Mikhaïlo Volynets, président de la fédération syndicale, le 19 mai, en énumérant « la capture des bâtiments administratifs, les activités terroristes suivies par des douzaines de morts de citoyens paisibles, proclamant leur propre loi, l’intimidation des habitants locaux, les enlèvements, la torture de journalistes pro-ukrainiens, de politiciens, d’observateurs internationaux et tout simplement de travailleurs. »
« Donbass est la région des mines de charbon, » a déclaré Mikhaïlo Volynets. La poursuite des perturbations ou l’annexion par Moscou mènera à « la fermeture des mines, la fuite de la main-d’œuvre, la dévastation des villes minières de charbon et l’appauvrissement de la population.
« Par conséquent, les mineurs de l’Ukraine luttent pour une Ukraine unie et indépendante, » a-t-il dit. Les mineurs et la Confédération lancent un appel à la « solidarité avec les travailleurs des régions du sud et de l’est de l’Ukraine. »
Alors que la plupart des travailleurs dans l’est sont en faveur d’une Ukraine unie, la polarisation s’accentue.
« L’Ukraine est un seul pays et devrait rester un pays uni, » déclarait à AP Lyudmila, professeur du secondaire à la retraite, en ajoutant qu’elle avait peur de donner son nom complet par crainte de représailles des séparatistes. Même si elle soutient toujours fortement la souveraineté nationale, elle dit qu’elle n’a pas de sympathie ni de confiance vis-à-vis du nouveau gouvernement de Kiev.
Beaucoup de travailleurs sont d’accord. Et certains, influencés par le matraquage médiatique de Moscou — les seules émissions d’information permises par les commandos séparatistes qui ont pris le contrôle des tours à Donetsk et Luhansk — penchent vers le soutien aux séparatistes, recherchant un moyen de sortir du chaos, de l’incertitude et des difficultés.
Le nouveau président ukrainien élu le 25 mai, Petro Porochenko, est un propriétaire multimillionnaire d’usines de chocolat qui a capitalisé sur le pillage des biens de l’État suite à la chute de l’Union soviétique et à l’indépendance de l’Ukraine en 1991. Le gouvernement Porochenko prévoit réduire les dépenses du gouvernement pour se conformer aux conditions de prêts du Fonds monétaire international.
Le ministre allemand des finances Wolfgang Schäuble a déclaré à la presse le mois dernier que la Grèce — où le chômage officiel a dépassé 26 pour cent l’année dernière — serait un bon modèle pour ce qui est à venir en Ukraine.
Le FMI lui-même prévoit que les conditions qu’il impose au gouvernement ukrainien pour obtenir un prêt précipiteront le pays dans une profonde récession, provoquant une contraction de l’économie de cinq pour cent pendant le reste de l’année. Un élément essentiel du plan est l’élimination des subventions sociales du gouvernement, en particulier pour le chauffage, ainsi que la « suspension des salaires trop élevés et l’augmentation des pensions. »
Le 29 mai, le Fonds des biens de l’État a annoncé qu’il mettra aux enchères 38 mines de charbon appartenant à l’État dans le cadre de l’accord. Ces mines avaient reçu une subvention de l’État de près de 1,8 milliards de dollars pour qu’elles restent ouvertes et opérationnelles. Cela représente plus de 30 pour cent des 120 mines de charbon en activité dans le pays. Les mines les plus rentables ont été saisies et privatisées depuis des années.
Les mineurs et les autres travailleurs ont résisté. Les mineurs de minerai de fer à Krivyi Rih ont organisé des marches et des rassemblements de lutte pour doubler leur salaire et ont reçu la solidarité des métallos de la région et d’autres travailleurs.
« Le 23 mai, nous avons organisé un rassemblement de solidarité pour les mineurs de Krivyi Rih, » a déclaré au Militant Aleksei Oleksyevych, dirigeant du syndicat des mineurs indépendants à Dnepropetrovsk. « Nous avons organisé un piquet de grève devant les bureaux d’EVRAZ ici, en disant « les bons salaires sont le fondement d’une Ukraine unie. »
Les membres du syndicat des mineurs de quatre sociétés de production de tourbe appartenant à l’État — Cherkasytorf, Rozhnytorf, Rivnetorf et Volinjtorf — se sont rassemblés devant le ministère de l’Énergie et du charbon à Kiev le 30 mai pour protester contre le manque de travail. « Le patron a nommé de nouveaux directeurs, » a dit à la foule Ludmyla Akymenko, militante syndical à Chekasytorf, » écrivait sur son site la Confédération des syndicats libres de l’Ukraine. « On a commencé par recevoir des salaires très bas. Ils ne versaient rien dans notre caisse de retraite. Ils nous ont dit que nous allions seulement travailler une heure par jour. »
« Une importante industrie comme l’industrie de la tourbe doit être développée et non détruite, » a déclaré Mikhaïlo Volynets lors du rassemblement. « Les travailleurs des entreprises de tourbe doivent avoir des conditions de travail décentes. »