Peu armés, les Kurdes combattent l’État islamique en Syrie

Brian Williams
le 20 octobre 2014

Au cours des trois dernières semaines, les unités de l’État islamique, un groupe réactionnaire avec quelque 10 000 combattants pourvus d’un armement supérieur y compris des chars et des armes anti-aériennes, ont pénétré dans la périphérie de la ville kurde de Kobané au nord de la Syrie. La ville est située à la frontière turque où le gouvernement du président Recep Tayyip Erdogan a déployé des soldats et des chars.

Washington a fait la sourde oreille aux demandes kurdes d’armes antichars pour défendre Kobané et refuse de coordonner ses opérations avec les combattants kurdes sur place, dont on estime le nombre à 3 000. Des avions de guerre américains ont cependant commencé les bombardements dans la zone.

Washington et Ankara qualifient les Kurdes qui se battent à Kobané de « terroristes », en raison de leurs liens avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) de Turquie, un groupe caractérisé comme tel par les États-Unis et le gouvernement turc. Les forces du PKK se sont battues pour l’autonomie et les droits des Kurdes en Turquie et ont signé en 2013 un cessez-le-feu avec Ankara.

Les Kurdes — une nationalité opprimée en Turquie, en Irak, en Iran et en Syrie — se sont taillé une région autonome au nord de l’Irak après l’invasion américaine de 2003. Les dirigeants capitalistes de ces pays, comme ceux de Washington et de ses alliés impérialistes, ont cherché à empêcher le peuple kurde de gagner du terrain en Syrie, où les Kurdes ont arraché de facto le contrôle sur leurs terres au cours de la guerre civile et de la lutte contre la dictature de Bachar Al-Assad.

« Aujourd’hui, l’un peut être considéré comme moins dangereux que l’autre, » a déclaré à la presse le porte-parole du ministère turc des Affaires étrangères Tanju Bilgic, en faisant référence aux forces kurdes et à l’État islamique. « Mais au bout du compte, les deux sont des terroristes. »

Une déclaration publiée par les Comités pour la protection du peuple kurde (YPG) en Syrie a promis une résistance « sans fin » aux attaques de l’État islamique. « Notre appel à tous les jeunes hommes et femmes du Kurdistan… est de faire partie de cette résistance, » a rapporté Reuters le 3 octobre.

« Aujourd’hui, cela fait 23 jours que nous combattons l’État islamique tout seuls, » Asya Abdullah, co-présidente du Parti de l’union démocratique kurde syrienne, a déclaré à la presse le 7 octobre. « Et nous combattons leurs chars d’assaut avec des armes légères. »

Ankara a empêché les Kurdes de traverser ses frontières pour aider leurs compatriotes à Kobané.

Les Kurdes sont descendus dans les rues en Turquie pour exiger qu’Erdogan permette aux Kurdes de traverser la frontière. Les autorités turques ont ouvert le feu sur les manifestants, tuant au moins 12 personnes, et ont imposé un couvre-feu dans les zones kurdes.

Malgré la tentative d’Ankara de les en empêcher, « un grand nombre de combattants sont partis de Turquie pour protéger Kobané, » a rapporté Ismet Sheikh Hasan, un des chefs des combattants kurdes à Kobané, au Wall Street Journal. « Mais ce sont pour la plupart des civils inexpérimentés et nous sommes maintenant en train de les former. »

« Mon fils est là-bas. Il a traversé un champ de mines pour y arriver, » racontait à Reuters, Remzi Savas 53 ans, de l’autre côté de la frontière en Turquie. « Il a seulement 14 ans. Il y a beaucoup d’enfants qui luttent pour le YPG. Nous ne pouvons pas les retenir. Ils pensent qu’ils perdront tout si Kobané tombe. »

Au même moment, environ 180 000 Kurdes ont récemment fui la Syrie pour la Turquie, à mesure que les combats se sont intensifiés autour de Kobané, se rajoutant aux quelque 850 000 réfugiés syriens dans les camps de réfugiés turcs.

Une guerre aérienne dirigée par Washington

Washington a lancé une guerre aérienne en Irak et en Syrie et accru l’utilisation de conseillers militaires et de forces d’opérations spéciales en Irak. En date du 3 octobre, il y avait eu 250 frappes aériennes en Irak et 80 en Syrie, selon les forces de commandement central US.

Les milices kurdes ont mené la résistance la plus efficace face à l’État islamique en Irak et en Syrie. En Irak, contrairement à la Syrie, ils ont reçu des armes et un entraînement limité de Washington.

En Irak, les combattants kurdes ont repoussé les forces de l’État islamique de la ville de Rabia, près de la frontière syrienne, et de Zummar près du barrage de Mossoul.

Au même moment, la province d’Anbar en Irak, une zone tampon cruciale entre le territoire conquis par l’État islamique dans le nord de l’Irak et la capitale Bagdad, est menacée par les forces de l’État islamique.

Les forces armées irakiennes sont démoralisées et souvent inefficaces. « Nous sommes continuellement en train de perdre, » a déclaré Faleh Al Essawi, chef adjoint du conseil provincial d’Anbar au Journal  le 7 octobre.

Le 5 octobre, Washington a envoyé des hélicoptères Apache à Fallujah dans la province d’Anbar.

Avec l’envoi récent de 500 soldats en Irak, il y a maintenant quelque 1 600 soldats US dans la zone de guerre. Au Koweït voisin, Washington maintient une force de 10 500 soldats. À la fin du mois de septembre, le Pentagone a activé une nouvelle force de réaction rapide de 2 300 marines US au Moyen-Orient.

« Vous assistez au début d’une campagne soutenue, » a déclaré le lieutenant-général William Mayville, chef-adjoint de la direction des opérations aux journalistes lors d’une conférence de presse au Pentagone le 23 septembre. « Je crois qu’il faut penser en termes d’années. »

Les puissances impérialistes du Royaume-Uni, de la France, de la Belgique, du Danemark, de l’Australie et du Canada sont parmi les pays ayant rejoint Washington pour des frappes aériennes en Irak.

Se rapprochant de plus en plus de la coalition, le parlement turc a décidé le 2 octobre d’autoriser une action militaire en Syrie et en Irak, ce qui pourrait permettre à Washington d’utiliser sa base aérienne d’Incirlik dans le sud de la Turquie pour lancer ses frappes aériennes.