L’assassinat barbare de Juifs le 18 novembre à la synagogue Bnei Torah à Jérusalem-Ouest par deux Palestiniens a infligé un nouveau revers à la lutte palestinienne et aux travailleurs — Juifs, Arabes de toutes les croyances et autres — à travers Israël, la Cisjordanie et la bande de Gaza.
Armés d’un fusil, de couteaux de boucher et de haches, les cousins Ghassan Abou Jamal et Oudaï Abou Jamal, résidents de Jérusalem-Est, ont attaqué des fidèles, tuant les rabbins Moshe Twersky, Kalman Levine et Aryeh Kupinsky, nés aux États-Unis, et Avraham Shmuel Goldberg, né en Angleterre. Zidan Sayif, un agent de la circulation et un druze, est mort de ses blessures le lendemain. Les assaillants ont été abattus sur place par la police israélienne.
Les deux assaillants étaient membres du Front populaire pour la libération de la Palestine. Ce dernier a applaudi l’acte et distribué des bonbons aux passants à Gaza pour fêter l’attaque. Le Front populaire — créé en 1967 en tant qu’aile stalinienne pro-Moscou de l’Organisation de libération de la Palestine — a été connu pour ses détournements d’avion dans les années 1970. Au cours des dernières décennies, le groupe a été éclipsé par la montée du Hamas et d’autres groupes islamistes.
« Le mouvement Hamas appelle à d’autres actes de vengeance, » a déclaré le Hamas sur son canal de télévision Al-Aksa.
Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne en Cisjordanie, a publié une déclaration condamnant l’attaque, mais ne s’est pas exprimé publiquement sur ce sujet avant d’y être poussé par le secrétaire d’État John Kerry.
Quelques médias impérialistes de tendance libérale semblaient eux-mêmes mal à l’aise dans leur souci de faire des reportages « politiquement corrects. » Lorsque le quotidien britannique The Guardian a reproduit un article de Reuters, il a retiré les références à la nationalité palestinienne des assaillants, les qualifiant de « deux hommes. » À un moment donné, CNN a affiché de façon erronée une manchette qui disait : « Attaque meurtrière sur une mosquée à Jérusalem » et puis une autre qui disait : « Quatre Israéliens et deux Palestiniens morts à Jérusalem, » sans indiquer que les deux derniers étaient les assaillants. La manchette de la CBC déclarait que « la police de Jérusalem tire mortellement sur deux personnes après une attaque apparente contre une synagogue. »
L’attaque contre la synagogue vient à la suite de la guerre de Tel-Aviv contre Gaza en juillet-août, au cours de laquelle à la fois le régime israélien et le Hamas, qui gouverne Gaza, ont infligé un sérieux revers au peuple palestinien. Les forces israéliennes ont mené un assaut de sept semaines contre Gaza en représailles aux lancements de roquettes du Hamas et de ses alliés qui avaient ciblé des zones civiles en Israël. Un élément central de la stratégie du Hamas était de créer des « martyrs » civils et de gagner la sympathie du public en lançant ses roquettes depuis des quartiers ouvriers, s’attendant ainsi à attirer des contre-attaques israéliennes.
À la fin de la guerre, l’assaut israélien a fait plus de 2 100 morts et 11 000 blessés. Plus de 17 000 maisons ont été détruites et 120 000 Palestiniens se sont retrouvés sans abri. Plus de 100 usines ont été ruinées, ainsi que des serres, des clôtures du bétail et des vergers. Les dirigeants du Hamas ont appelé ça une « victoire ».
Après avoir imposé un cessez-le-feu aux conditions d’Israël, Tel Aviv s’est aussi vengé par l’expansion des colonies israéliennes en Cisjordanie et l’expulsion d’Arabes de leurs maisons à Jérusalem-Est. Certains colons israéliens en Cisjordanie palestinienne ont attaqué des agriculteurs palestiniens et incendié une mosquée près de Ramallah.
En même temps une controverse se développe concernant la mosquée Al-Aqsa à Jérusalem. Après que l’armée israélienne a occupé Jérusalem dans la guerre de 1967, le gouvernement d’Israël a accepté d’autoriser l’accès au site pour les musulmans à tout moment, tandis que les non-musulmans ont des heures de visite limitées et les Juifs ne sont pas autorisés à y prier.
Le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu affirme que son gouvernement ne propose pas de changements à cette situation, mais les déclarations de certains membres de la coalition au pouvoir qui proposent de diviser le site et des provocations de l’extrême droite ont mis les musulmans palestiniens en colère.
Punition collective
Dans un autre exemple de punition collective qui approfondira certainement le ressentiment parmi les Palestiniens, les autorités israéliennes sont en train de démolir les maisons de ceux qui sont accusés de terrorisme, y compris celles des cousins Jamal à Jérusalem-Est, qui sont morts au cours de leur attaque, laissant leurs familles sans abri.
Quelques jours seulement après le massacre de la synagogue, le maire d’Ashkelon, Itamar Shimoni, a licencié les travailleurs arabes de la construction dans les écoles maternelles de la ville.
Les licenciements ont été dénoncés à travers l’échiquier politique. Le ministre des Finances israélien Yair Lapid les a qualifié de « racistes ». « La grande majorité des Arabes israéliens vivent avec nous et nous n’avons pas besoin de les insulter et de se comporter comme ça, » a dit Yair Lapid.
« Il est impardonnable que, dans l’État d’Israël, quelqu’un enlèverait le droit d’une personne à travailler en raison de sa religion ou de son origine ethnique, » a déclaré le président de la fédération syndicale Histadrout Avi Nissankoren lors d’une réunion avec l’Association des fabricants, selon la presse israélienne.
« Les tensions entre Israéliens juifs et Palestiniens sont les plus vives depuis au moins 2000, » a dit Assaf Bondy, un organisateur du syndicat du travail Koach La Ovdim, par téléphone de Beersheba le 24 novembre. « La coopération entre les travailleurs des deux nationalités est beaucoup plus difficile, mais nous essayons de nous concentrer sur les questions syndicales que nous avons en commun. »
« Beaucoup d’employeurs licencient des Palestiniens ou refusent de les embaucher, » a expliqué Assaf Bondy. Koach La Ovdim compte parmi ses membres des Juifs orthodoxes, des Palestiniens et des travailleurs immigrés.
« Maintenant, quand je me rends dans des villes juives près d’ici, je m’assure que je ne laisse rien en arabe dans la voiture, » a déclaré par téléphone le 23 novembre Wehbe Badarne, le directeur du Syndicat des travailleurs arabes dans la région de Nazareth. « Il y a des Juifs qui ont peur d’envoyer leurs enfants dans des écoles où il y a des Palestiniens. »
« Les travailleurs paient le prix de cette guerre »
Les travailleurs palestiniens sont attaqués de tous les côtés. « Le Hamas dit que la guerre à Gaza était une grande victoire, constate Wehbe Badarne. Mais ce sont les pauvres qui paient le prix de cette guerre folle. »
À une certaine époque, le Front populaire était supposé croire en la révolution à Cuba, au Venezuela, au Nicaragua, a dit Wehbe Badarne. « Mais tuer des gens dans une mosquée ou une église ou une synagogue — en tant qu’être humain, je ne peux le justifier. Comment est-il possible de se réveiller un jour et de pratiquer ce genre de vengeance ? »
Mais peu de Palestiniens critiquent publiquement l’attaque, explique Wehbe Badarne.
« Il y a autre chose. Les gens voient la façon dont l’Autorité palestinienne en Cisjordanie coopère avec Israël et permet à l’armée israélienne d’entrer à Ramallah et à Jénine et d’arrêter qui ils veulent. Les gens sont en colère. »
Le fossé entre les travailleurs juifs et palestiniens est reflété dans la réaction à la mort de Yusuf al-Ramuni, un chauffeur de bus du nord-ouest de Jérusalem, quelques jours avant l’attaque contre la synagogue. Il a été retrouvé le 16 novembre pendu de son véhicule avant le début de son quart de travail, au dépôt de bus Egged. Une autopsie du gouvernement a caractérisé sa mort comme un suicide, mais ses collègues arabes croient qu’il a été tué par des colons israéliens et ont fait grève. Leurs collègues juifs ont continué à travailler. Hamas s’est servi de la conviction que Ramuni a été lynché pour justifier l’attaque contre la synagogue de Jérusalem-Ouest.
Au milieu de ces tensions plus vives, les syndicats en Israël continuent à chercher des moyens pour résister à l’offensive patronale qui s’en prend au niveau de vie, aux conditions de travail et à la dignité des travailleurs.
La Histadrout, la plus grande fédération syndicale, a déclaré qu’une grève nationale commencera le 4 décembre si ses exigences pour une augmentation du salaire minimum, la fin de l’externalisation des emplois et de meilleures opportunités pour les travailleurs handicapés ne sont pas satisfaites.
« La grève prévue par la Histadrout est importante, » explique Assaf Bondy, en précisant que Koach La Ovdim encourage tous ses conseils ouvriers à participer à ces actions.