Le discours publié ici a été prononcé par Gerardo Hernández lors de la clôture de la Conférence internationale de solidarité avec Cuba qui s’est tenue à La Havane le 2 mai dernier. La traduction de l’espagnol est du Militant.
Merci !
Frères et sœurs de partout dans le monde, merci à vous tous ! Et quand nous disons merci, ce n’est pas une formalité. Dans nos cœurs, nous savons que nous sommes ici, à Cuba, en grande partie grâce aux efforts de nombreuses compañeras et de nombreux compañeros du monde entier. C’est vous qui avez travaillé sans un jour de répit depuis notre arrestation et qui avez rendu possible cette journée de joie.
Vous êtes les représentants d’un nombre beaucoup plus grand de sœurs et de frères de différents pays qui ne pouvaient pas être ici aujourd’hui. Lorsque vous rentrerez chez vous, transmettez, s’il vous plaît, nos sincères remerciements à tous ceux qui d’une façon ou d’une autre y ont contribué, que ce soit avec une lettre ou par le plus petit acte de solidarité et de soutien à notre cause. Chacun a été important.
C’est la combinaison de toutes ces actions et de tous ces efforts qui nous a amenés ici avec nos familles et avec notre peuple. De ce fait, nous ne nous lasserons jamais de vous remercier.
Quel jour historique avons-nous vécu hier ! Après avoir tant rêvé d’un 1er mai dans notre propre pays !
Le jour du 1er mai, pendant de nombreuses années et dans les différentes prisons où nous étions, notre routine n’a pas changé : nous nous rapprochions d’un téléviseur pour voir s’ils diffusaient une scène, même très courte, de notre peuple en train de manifester. Parfois, ils le faisaient.
Vous ne pouvez pas cacher l’esprit révolutionnaire de Cuba
Même s’ils veulent cacher la réalité de Cuba, comment peuvent-ils cacher des millions de révolutionnaires dans la rue ? Ils ne le peuvent pas. Il y en a certains qui essaient de cacher les acquis de la révolution cubaine et de la salir. Mais quand bien même ils essaient, ils ne peuvent pas cacher l’esprit révolutionnaire de millions de Cubains qui, chaque jour, et surtout chaque 1er mai, sortent et défendent notre révolution. Voilà pourquoi en prison nous nous asseyons en face d’un téléviseur près de nos cellules, et les images de notre peuple, de nos travailleurs, nous donnaient une énorme injection d’encouragement.
Hier, ce rêve de participer avec notre peuple au 1er mai est devenu réalité. Et la joie était encore plus grande parce que vous étiez tous ici, représentant les compañeros de tant de pays qui ont travaillé et se sont battus pour notre liberté pendant si longtemps.
Nous avons vu de nombreux visages familiers là-bas, ainsi que d’autres que nous apprenons à connaître. Nous connaissions nombre d’entre vous seulement de nom et, au cours de ces derniers jours, certains sont venus nous voir et ont dit : « Je suis untel ou unetelle. » Et nous nous sommes étreints. C’est peut-être difficile à croire, mais la plupart des noms que nous connaissons ne sont toujours pas associés à des visages, un résultat de l’isolement auquel nous avons été soumis pendant si longtemps. Maintenant, nous nous sommes rencontrés. Aujourd’hui, nous sommes une grande famille, qui doit s’unir de plus en plus pour mener les batailles à venir.
Là-bas, je vois la photo d’Oscar López. Nous sommes toujours confrontés à la bataille pour le libérer aussi, afin qu’il puisse jouir de la liberté comme nous le faisons aujourd’hui. Nous avons encore Mumia Abu-Jamal. Nous avons encore Leonard Peltier. Nous avons encore d’autres compañeros qui sont des prisonniers politiques. Les comités de solidarité avec les Cinq qui nous ont tant soutenus doivent voir ce que nous pouvons faire pour mettre également fin à ces injustices.
Nous voulons qu’Oscar et les autres compañeros sachent que les Cinq, maintenant que nous sommes libres, nous continuerons de nous souvenir de vous et de vous soutenir.
De même, nous sommes prêts à nous joindre à vous pour soutenir toute cause juste, chaque fois que nos efforts peuvent être utiles. N’ayez aucun doute qu’ici, dans notre pays, nous vous soutiendrons chaque fois que vous le demanderez et nous serons toujours prêts à faire ce que nous pouvons pour toute cause qui fait appel à nos modestes efforts.
Et maintenant, quelle est la prochaine étape ? Qu’allons-nous faire ? Vous allez nous le dire. Le blocus reste en place et nous ne pouvons pas nous reposer tant qu’il existe. Nous devons continuer le combat. Et si un jour le blocus est levé, nous devrons continuer à nous battre pour nous assurer que personne ne puisse jamais tenter de le réimposer.
Nous ne pouvons pas nous reposer. Les révolutionnaires ne peuvent pas se reposer. Nous devons rester fermes. Comme nos compañeros le chantaient hier : « ¡Que no, que no, que no nos da la gana de ser una colonia norteamericana! ¡Que sí, que sí, que sí nos da la gana de ser una nación latinoamericana! » (« Non, non, nous n’avons pas le goût d’être une colonie nord-américaine ! Oui, oui, nous avons le goût d’être une nation latino-américaine ! »)
« L’ère du colonialisme est terminée »
Nous devons continuer à leur rappeler que l’ère du colonialisme est terminée. Que nous sommes des pays libres et souverains — plus d’ingérence dans nos affaires intérieures. Nous avons le droit de choisir notre propre destin et notre propre chemin.
Nous comptons sur vous pour continuer à le rappeler à l’empire, chaque jour de son existence. Nous comptons sur vous pour continuer d’avancer. Le peuple cubain compte sur vous pour continuer de vous joindre à nous en nous soutenant, comme vous l’avez fait depuis plus de 50 ans, en ces temps de défis — des défis que nous relèverons. Les efforts que nous menons tous ensemble continueront d’être décisifs.
Au nom des membres des familles des Cinq, que vous avez reçus dans vos pays avec une grande hospitalité et que vous avez pris en charge avec tant de chaleur et d’affection, nous tenons à exprimer nos remerciements particuliers. En prison, nous avons toujours reçu leurs description de la façon dont ils ont reçu beaucoup d’amour, d’affection et de solidarité et ce, à chaque tournée dans vos pays.
Le 17 décembre a été une grande victoire pour nous tous : pour Cuba et pour les peuples à travers le monde. J’ai entendu une fois un compañero impliqué dans la solidarité avec nous, dire : « Nous avons fait ce que nous pouvions mais au bout du compte, ce n’est pas nous qui les avons libérés, les négociations ont permis de les libérer. » Ne faites pas cette erreur. Nous avons été libérés grâce à vous.
Il aurait été très difficile de négocier avec succès la libération de trois individus inconnus, les trois qui sont restés en prison, qui n’intéressaient personne. Voilà quelque chose que vous devez toujours garder à l’esprit. Ça été l’effort combiné de chacun de vous, chaque grain de sable auquel vous avez contribué, qui a rendu possible notre présence ici aujourd’hui et qui nous permet d’apprécier l’affection de notre peuple.
Pas seulement cela. Gardez aussi à l’esprit que ces 16 ou 15 ans de prison ont été faits de mois, de jours et d’heures. Nous avons mené notre résistance dans ces prisons heure par heure. Heure par heure, nous devions penser à quelque chose qui puisse nous soutenir le moral, dans lequel puiser la force de résister. En prison, nous avons vu des gens se suicider, incapables de supporter les conditions. Je pourrais vous en donner les prénoms et les noms.
Nous avons dû puiser la force quelque part. Et vous devez savoir que l’une de nos sources d’inspiration, en plus de l’exemple de nos héros et martyrs, de celui de nos dirigeants et de l’exemple de sacrifice, d’abnégation et de lutte du peuple cubain, une autre de nos sources d’inspiration qui nous a renforcés a été de penser à vous tous, ça a été précisément votre solidarité et votre soutien.
Aujourd’hui, la force des Cinq est louée et reconnue. Mais la force des Cinq n’est rien de plus que la force du peuple cubain. Depuis plus de 50 ans, nous sommes restés debout face au plus grand empire connu de l’humanité, et celui-ci n’a pas été en mesure de nous briser.
Il y a quelque temps, nous avons entendu notre compañera du ministère des Affaires étrangères [ministre adjointe Ana Teresita Gonzalez Fraga] présenter un rapport magnifique. Et je pensais : Ouah ! Après plus d’un demi-siècle, après avoir dépensé des milliards de dollars dans le but d’isoler Cuba et sa révolution dans le monde, qu’ont-ils accompli ? Que nous ne disposons pas de relations diplomatiques avec la Micronésie. Je ne doute pas qu’à un moment donné, nous y parviendrons aussi.
Qui s’est retrouvé isolé ? Cuba ? Non, l’empire est devenu isolé. Maintenant l’empire commence à le reconnaître, et il est important de le souligner aussi. Oui, nous sommes en pourparlers. Oui, nous voulons améliorer nos relations. Mais Cuba ne s’est pas éloignée de ses principes, ne serait-ce que d’un iota. Aujourd’hui, nous affirmons ce que nous affirmions en 1959.
Ce sont eux qui ont dit : « Nous n’avons rien à négocier avec Cuba aussi longtemps que les Castro — comme ils disent — sont au pouvoir. Tant qu’ils auront cette révolution, aussi longtemps que Cuba restera socialiste, nous n’aurons rien à négocier avec eux. »
Eh bien, ici nous avons Raúl Castro au pouvoir, et ici nous avons notre révolution socialiste.
Et tout comme nous avons une confiance absolue en la capacité de notre peuple, en son esprit de lutte et de sacrifice, pour continuer d’avancer dans les batailles qui viennent, nous avons confiance dans le soutien, la solidarité et l’esprit combatif de vous tous pour continuer à vous battre à nos côtés.
Merci beaucoup, frères et sœurs.