Les conséquences de l’accord de l’administration Obama avec le gouvernement iranien et du « nouveau départ » avec Moscou se dévoilent avec l’expansion de l’intervention militaire russe en Syrie. Des frappes aériennes quotidiennes effectuées par des avions militaires russes depuis le 30 septembre, ostensiblement dirigées contre l’État islamique, ont principalement ciblé d’autres adversaires du régime brutal du président syrien Bachar al-Assad.
Au même moment, l’« erreur » des États-Unis dans le bombardement d’un hôpital de Médecins sans frontières dans le nord de l’Afghanistan a souligné les répercussions involontaires, mais mortelles, de l’utilisation accrue de bombes et de drones par Washington pour défendre ses intérêts impérialistes dans la région tout en cherchant à minimiser le nombre de « bottes US sur le terrain. »
Parallèlement à ses frappes aériennes, Moscou renforce sa base navale à Tartous sur la côte méditerranéenne de la Syrie, où il opère depuis le début des années 1970, et déploie des douzaines d’avions de chasse de haute précision, des chars, de l’artillerie et des avions gros porteurs. Selon les médias russes et syriens, des troupes aéroportées, des forces spéciales et des « volontaires », ainsi que des engins amphibies de débarquement, sont également en chemin.
Moscou est intervenu alors que le régime Assad perdait du terrain. Il ne contrôle que 25 pour cent du pays. Les forces d’opposition, dont certaines sont financées par Washington, ont capturé des régions clés du nord-ouest syrien cette année. La plupart des attaques aériennes russes ont ciblé ces régions dans la province d’Idleb et autour des villes de Hama et Homs. Le territoire contrôlé par l’État islamique le plus proche est à plus de 160 kilomètres.
Des frappes aériennes russes dans le village de Telbiseh près de Homs le 30 septembre ont atteint des sites de l’Armée syrienne libre, tuant des douzaines de civils dont beaucoup appartenaient à la minorité turkmène, selon une déclaration publiée par l’Assemblée syrienne turkmène. La branche armée de l’organisation combat à la fois les forces d’Assad et de l’État islamique.
Les responsables russes affirment qu’ils coordonnent leur offensive avec les gouvernements de l’Iran et de l’Irak à partir d’un centre nouvellement créé à Bagdad. Dans une interview avec la chaîne de télévision France 24 le 1er octobre, le premier ministre irakien Haïder al-Abadi a dit qu’il « se réjouirait » de l’extension des frappes aériennes russes à l’Irak.
Le gouvernement iranien, qui soutient également le régime d’Assad, a récemment envoyé des centaines de soldats en Syrie. Selon des rapports de Reuters et d’ailleurs, Téhéran a l’intention de les faire participer à une offensive terrestre avec des milliers de soldats du Hezbollah basés au Liban et avec l’appui des frappes aériennes russes.
Les racines de la guerre civile syrienne
La guerre civile en Syrie a tué environ 250 000 personnes et a déplacé plus de la moitié des 23 millions d’habitants du pays d’avant la guerre.
La lutte a commencé en mars 2011 avec de nombreuses manifestations qui exigeaient des droits politiques et la fin du règne dictatorial d’Assad. Les actions, dont beaucoup ont été dirigées par des jeunes, ont traversé les lignes religieuses et ont impliqué des sunnites, chiites, des kurdes, des druzes, des alaouites et d’autres. Dans l’une des plus grandes manifestations, environ un demi-million de personnes se sont rassemblées à Hama. Assad a répondu avec des bombardements, des arrestations et des meurtres.
Les forces d’opposition ont cherché à répondre aux assauts en mettant sur pied l’Armée syrienne libre (ALS), qui a pris le contrôle de certaines régions au nord de la Syrie, y compris des zones autour d’Alep, la plus grande ville du pays. À mesure que les attaques du gouvernement se sont intensifiées, l’ALS s’est fracturée. Des coalitions instables d’organisations islamistes et laïques sont depuis entrées en compétition pour le contrôle de territoire et se sont battues contre les forces gouvernementales. Au milieu du chaos, l’État islamique réactionnaire a pu saisir des pans entiers de territoire en Syrie et en Irak.
Le régime d’Assad a compté sur l’utilisation de bombes à baril remplies de d’éléments métalliques qui maximisent les pertes civiles. En 2013, l’administration Obama a abandonné ses menaces d’intervenir après que le président russe Vladimir Poutine a négocié un accord pour soi-disant empêcher l’utilisation d’armes chimiques par l’allié de Moscou.
De janvier à août de cette année, les forces d’Assad ont été responsables de 9 107 morts parmi les civils, selon le Réseau syrien pour les droits de l’homme, un nombre plus de sept fois plus élevé que le nombre de personnes tuées par l’État islamique pendant la même période.
Parmi ceux qui mènent la bataille à la fois contre le gouvernement syrien et l’État islamique se trouvent les Kurdes. Ils ont mis fin au contrôle des zones kurdes dans le nord de la Syrie par le régime Assad en 2012. Et ils ont repoussé l’État islamique sur des centaines de kilomètres de territoire près de la frontière turque.
Rencontre Obama Poutine
Washington et Moscou s’entendent sur « certains principes fondamentaux » pour la Syrie, a déclaré le secrétaire d’État John Kerry aux médias le 29 septembre, après une rencontre entre Obama et Poutine.
« Il a été convenu que la Syrie devrait être un pays unifié, uni, qu’il doit être laïque, qu’il faut combattre EI [État islamique] et qu’il doit y avoir une transition gérée, » a dit Kerry sur la chaîne MSNBC, ajoutant que des divergences subsistent sur ce que serait le résultat d’une telle transition.
Mais la rapidité et l’intensité avec laquelle les forces de Moscou ont agi et leur ciblage des opposants à Assad qui ne sont pas reliés à EI a pris Washington et ses alliés de court.
Les forces US continuent les bombardements quotidiens contre l’État islamique en Syrie et en Irak. La Maison-Blanche reconnaît que toutes les tentatives de mettre sur pied une force de combat syrienne terrestre sur laquelle elle peut compter ont échoué. Lorsque les combattants syriens sont informés qu’ils seront cantonnés aux combats contre l’État islamique, loin des troupes d’Assad dans l’ouest où tombent les bombes de Moscou, ils se retirent.
Pendant ce temps, les responsables américains ont cherché avec difficulté à expliquer pourquoi un avion de combat US a visé un hôpital à Kunduz, en Afghanistan, le 3 octobre alors qu’il soutenait les troupes afghanes qui se battaient pour reprendre la ville aux forces talibanes. Le bombardement a continué pendant 30 minutes en dépit des supplications répétées de Médecins sans frontières pour qu’il arrête. Au moins douze membres du personnel et sept patients ont été tués et des dizaines de personnes ont été blessées dans l’attaque.