La manifestation de Lac-Mégantic exige la sécurité ferroviaire et condamne le coup monté

John Steele
le 26 octobre 2015

LAC-MÉGANTIC, Québec — « En juin 2014, la municipalité de Lac-Mégantic a signé un accord avec la compagnie de chemin de fer Central, Maine and Quebec Railway, stipulant qu’il n’y aurait pas de transport de pétrole brut à travers Lac-Mégantic avant janvier 2016, » a dit Robert Bellefleur, un dirigeant de la Coalition des citoyens et des groupes de quartiers pour la sécurité ferroviaire, à une foule de près de 1 000 personnes lors de la Grande manifestation pour la sécurité ferroviaire du 11 octobre. « Eh bien, janvier approche. »

La manifestation était organisée pour pousser les autorités à interdire le transport de matières dangereuses à travers la ville, par l’entreprise qui a pris possession de la société de chemin de fer l’an dernier, jusqu’à ce que les voies ferrées soient réparées et reconstruites pour que les trains puissent y circuler sans danger.

Le 6 juillet 2013, un train garé dans la ville de Nantes a dévalé une pente de 11 kilomètres, déraillé et explosé, tuant 47 personnes et détruisant le centre-ville de Lac-Mégantic.

Le train était garé à cet endroit, car l’ancien propriétaire, la Montreal, Maine & Atlantic Railway, avait obtenu une dérogation spéciale de Transports Canada, l’agence de réglementation du gouvernement fédéral, permettant de faire rouler le train avec un « équipage » d’une seule personne. Lorsque le conducteur Tom Harding a terminé son quart de travail de 12 heures, il a suivi la procédure pour garer le train. Il a laissé le moteur tourner, actionnant les freins à air, et enclenché plusieurs freins à main pour empêcher le train de rouler.

Mais un incendie a éclaté dans la locomotive, résultat du mauvais entretien par l’entreprise. Il a été éteint par une équipe de pompiers volontaires qui ont arrêté le moteur ne sachant pas quelles en seraient les conséquences.

Réveillé par l’entreprise et informé de l’incendie, Tom Harding s’est porté volontaire pour retourner au train et s’assurer que tout était en ordre, mais la société lui a dit de ne pas s’inquiéter, qu’elle avait envoyé quelqu’un d’autre pour y jeter un coup d’œil. Le moteur à l’arrêt, les freins ont dépressurisé et le train a commencé à dévalé la pente.

Le gouvernement a accusé Tom Harding et le contrôleur de train Richard Labrie, tous les deux membres du syndicat des Métallos. Il tente de les rendre responsables du désastre et de fabriquer un coup monté. Ils risquent tous les deux des peines d’emprisonnement à vie pour 47 chefs d’accusation pour négligence criminelle ayant causé la mort, tout comme Jean Demaître, alors directeur des opérations des trains de la société Montreal, Maine & Atlantic Railway, aujourd’hui dissoute.

Tom Harding est considéré par la plupart des résidents de la ville comme le bouc émissaire des véritables responsables de la catastrophe : les patrons des chemins de fer et leur allié très accommodant, Transports Canada.

« Les employés des chemins de fer se préoccupent de leur propre sécurité et de la sécurité des autres, » a affirmé Thomas Walsh, l’avocat de Tom Harding, aux acclamations de la foule. Thomas Walsh était un des orateurs invités. « Avec ces revendications, ils rejoignent les résidents et les écologistes. »

Il a présenté le conducteur retraité Fritz Edler, qui a été représentant du syndicat des chemins de fer SMART, à Washington.

Fritz Elder est aussi membre du comité exécutif des Cheminots unis, un groupe interprofessionnel qui lutte pour la sécurité ferroviaire. Le 7 octobre, l’organisation a adopté une résolution qui décrit en détail les conditions de travail dangereuses imposées aux travailleurs des chemins de fer par les patrons avides de profit et qui exige que le gouvernement abandonne toutes les accusations contre Tom Harding et Richard Labrie.

« Notre objectif n’est pas d’arrêter les trains, ni même d’arrêter le transport de pétrole, » a dit André Blais de la Coalition des citoyens qui a organisé la manifestation. « Notre objectif est d’obliger la compagnie de chemin de fer et le gouvernement à assumer la responsabilité de ce qui s’est passé en 2013 et de les obliger à faire en sorte que cela ne se reproduise plus. »

« J’ai quitté le Musi-Café une minute avant l’explosion, » a dit Jean Paradis, un technicien en informatique. Vingt-sept des personnes tuées s’y trouvaient. « Il y a vingt-cinq ans, un équipage de chemin de fer comprenaient plusieurs travailleurs. Maintenant, il en reste un ou deux. Ça n’a pas de sens. »

Un des contingents était composé de femmes en T-shirts blancs portant les noms des parents qui ont été tués dans le brasier. « Mes proches sont décédés. Une raison pour que ça n’arrive plus jamais, » pouvait-on lire au dos des T-shirts.

Jacques Breton, le maire de Nantes, a aidé à mobiliser pour la manifestation. Il a récemment rédigé une résolution adoptée par le Conseil municipal de Nantes affirmant que la catastrophe « est la résultante de plusieurs manquements et négligences de la compagnie MMA, associés à un suivi non rigoureux de Transport-Canada relativement à l’application de sa politique de gestion de la sécurité ferroviaire au Canada. »

La résolution a été approuvée à l’unanimité par une conférence de délégués de 300 municipalités du Québec le mois dernier.

« Transports Canada doit agir et modifier les règlements, a dit Jacques Breton. Nous avons besoin de l’inspection réelle des voies ferrées ici. »

« Le 6 juillet 2013, plus jamais! »

Parmi les slogans qui ont ponctu é la marche, il y avait : « Les voies ferrées ne sont pas sûres. CMQR nous ne vous croyons pas ! » « 6 juillet 2013, plus jamais ! » « So, so, so…solidarité ! » Des représentant de groupes environnementaux et pour la sécurité ferroviaire sont venus en autobus d’autres municipalités du Québec, où la circulation de trains transportant du pétrole est considérée comme une menace immédiate.

Des porte-parole de la Coalition des citoyens ont encouragé les manifestants à participer à une réunion déjà prévue au Centre sportif pour les candidats de la région à l’élection fédérale du 19 octobre afin de débattre des questions posées par la catastrophe.

Quelque 300 personnes, dont beaucoup d’entre elles s’étaient jointes à la marche, ont participé au débat auquel participaient des candidats du Parti conservateur au pouvoir, des Verts, du Nouveau parti démocratique, du Parti libéral et du Bloc québécois.

L’atmosphère y était assez tranquille jusqu’à l’ouverture de la période de questions et commentaires ouverte au public. Un participant après l’autre a pris la parole pour critiquer fermement les représentants du gouvernement et les responsables des chemins de fer.

Alors que le président tentait de clore la réunion, Danielle Champagne, l’une de celles qui marchaient avec un T-shirt blanc, a saisi un micro.

« Les familles des victimes commencent à rebâtir leur vie, a-t-elle dit. Il faut que le gouvernement nous libère des préoccupations que nous avons concernant la sécurité ferroviaire. C’est un cri du cœur ! »

Elle a reçu une ovation debout.

« Je suis encouragé par cette participation de 1000 personnes hier, » a dit André Blais le lendemain de la manifestation au cours d’une discussion à laquelle participait André Lachapelle du Comité Sécu-Rail, l’organisation qui a largement diffusé des photos des voies ferrées délabrées. « Je pense que nous devrions aller à la prochaine audience du procès de Harding ici pour montrer notre soutien, » a André Blais.

L’audience du 1er décembre à Lac-Mégantic examinera les propositions du gouvernement pour relocaliser le procès. Les procureurs de la Couronne prennent pour prétexte que trop de gens dans la région ne parlent que le français, alors que la langue maternelle de Tom Harding est l’anglais. Leur véritable préoccupation est le large soutien dans la région pour les deux travailleurs ferroviaires victimes d’un coup monté.

« Les entreprises essaient de faire le maximum avec le moins de travailleurs possible, » a dit Richard Bolduc, un membre de la section locale 299 du Syndicat des communications, de l’énergie et du papier, à des travailleurs socialistes qui présentaient le Militant aux travailleurs dans le voisinage. Il travaille à l’usine Tafisa ici, la plus grande usine de panneaux de particules de bois en Amérique du Nord. « Les dirigeants en haut sont responsables, pas ces deux travailleurs du rail. On ne peut pas vivre sans le chemin de fer, mais on doit le faire en toute sécurité.»

Beverly Bernardo et Michel Prairie ont contribué à cet article.