En utilisant comme prétexte les attaques par l’État islamique réactionnaire qui ont tué 130 personnes en France le 13 novembre, Paris, Washington et d’autres puissances impérialistes européennes continuent leurs assauts contre les travailleurs, en particulier ceux qui sont musulmans ou arabes, et intensifient leur intervention militaire au Moyen-Orient.
Depuis l’imposition en France de l’état d’urgence, les policiers ont perquisitionné 2 000 maisons, arrêté 212 personnes pour interrogatoire, porté des accusations contre 250 personnes et placé 312 personnes en résidence surveillée, a dit le ministre français de l’Intérieur Bernard Cazeneuve dans un discours le 28 novembre.
La marche pour le climat à Paris, organisée avec le soutien de syndicats et planifiée depuis des mois pour le 29 novembre à la veille du sommet sur le climat des Nations Unies, a été interdite. Plus d’une vingtaine d’écologistes ont été placés en résidence surveillée pour la durée de la conférence, a dit Bernard Cazeneuve, « parce qu’ils ont été violents lors de manifestations dans le passé et parce qu’ils ont dit qu’ils ne respecteraient pas l’état d’urgence. »
Des milliers de personnes, y compris plusieurs cheminots de l’Union syndicale Solidaires, ont défié l’interdiction et ont formé une chaîne humaine sur le site de la manifestation annulée le 29 novembre. La police a arrosé la foule avec du gaz lacrymogène et arrêté 317 personnes.
Des actions répressives menées par le gouvernement en Belgique y ont donné le feu vert à la droite antimusulmane. Une semaine après que le premier ministre Charles Michel a menacé de fermer « certaines mosquées radicales » dans le quartier de Molenbeek à Bruxelles, et après l’imposition d’un état de siège de quatre jours dans la ville entière sur la base d’un présumé complot terroriste, un groupe se faisant appeler « État chrétien » a menacé d’attaquer une mosquée. « Nous trancherons la gorge de vos frères comme des porcs et les crucifierons comme notre sauveur pour sauver leurs âmes, » ont-ils dit.
Le gouvernement allemand a déclaré que des islamistes radicaux essayaient de recruter dans les mosquées des réfugiés nouvellement arrivés dans le pays. « Ils commencent en disant : « Nous vous aiderons à vivre votre foi, » a dit au Wall Street Journal Torsten Voss, le chef de la branche de Hambourg de l’agence nationale allemande du renseignement. « Le côté islamiste vient plus tard, ce qui est, bien sûr, leur but. »
Aux États-Unis, les républicains aussi bien que les démocrates disent que l’État islamique se développe rapidement, que d’autres attaques sont imminentes et que les rangs des réfugiés syriens cherchant à entrer dans le pays sont truffés d’agents de l’ÉI. Trente-et-un gouverneurs ont affirmé que les réfugiés syriens ne sont pas les bienvenus dans leur État.
À New York, le maire Bill de Blasio et le commissaire de police William Bratton ont annoncé la création d’un Commandement réponse critique spécial composé de 500 policiers pour lutter contre le terrorisme. Au cours de la parade annuelle de l’Action de grâce organisée par la chaîne Macy’s le 26 novembre, le département de la police de New York (NYPD) a mis 2 500 policiers en uniforme et en civil sur le terrain, y compris des forces du nouveau commandement antiterroriste.
Beaucoup de candidats à l’élection présidentielle se sont joints au chœur, transformant les musulmans en boucs émissaires et appelant à des opérations militaires U.S. intensifiées en Irak et en Syrie.
Hillary Clinton, la candidate démocrate en tête pour la nomination de son parti, a pris ses distances du président Barack Obama et de son refus d’engager des troupes au sol au Moyen-Orient. Lors du deuxième débat des candidats démocrates le 14 novembre, elle a dit que l’État islamique « ne peut être contenu, il doit être vaincu. »
« Nous devrons examiner les mosquées. Nous devrons les surveiller de très, très près, » a dit le 19 novembre Donald Trump, en tête des républicains dans les sondages. Il a ajouté qu’il n’exclurait pas d’enregistrer les musulmans américains « avec une forme particulière d’identification qui note leur religion. »
La vaste majorité des musulmans considèrent que l’État islamique est odieux. L’ÉI est une secte réactionnaire qui a pu s’implanter en Syrie et en Irak suite au vide de direction résultant de décennies de trahisons des luttes des travailleurs et des paysans par les partis staliniens dans la région et de l’épuisement des forces nationalistes bourgeoises et petites-bourgeoises.
Augmentation du nombre d’attaques contre les musulmans
« Je tuerai tout le monde je [sic] là vous, musulmans de m…, » disait une menace de mort reçue le 27 novembre par le Centre islamique de Lexington au Kentucky. Le Conseil des relations américaines-islamiques, une organisation nationale musulmane de défense des droits civils, a rapporté le 24 novembre « qu’il a reçu un plus grand nombre de rapports concernant des actes de discrimination, d’intimidations, de menaces islamophobes et d’actes de violence dirigés contre les musulmans américains (ou des personnes perçues comme étant musulmanes) et contre des institutions islamiques au cours des dix derniers jours que durant toute autre période de temps similaire depuis les attaques terroristes du 11 septembre. »
La journée même des attentats de Paris, le Conseil a publié une déclaration affirmant : « Ces attentats sauvages et ignobles contre des civils, qu’ils aient lieu à Paris, à Beyrouth ou dans toute autre ville, sont scandaleux et sans justification. »
À Peterborough, en Ontario, la mosquée Masjid al-Salaam a été la cible d’une bombe incendiaire le 14 novembre. Le conseil de la synagogue voisine, Beth Israël, a voté à l’unanimité d’inviter la congrégation musulmane à utiliser ses bâtiments. Le groupe musulman a accepté.
Les agressions impérialistes s’étendent
Le président français François Hollande, qui a lancé des frappes aériennes intensives contre les positions de l’État islamique en Syrie après les attentats de Paris, s’est rendu à Moscou le 26 novembre. Le voyage faisait suite à une réunion avec Barack Obama à Washington pour rallier des soutiens pour une « grande coalition unique » afin d’intensifier les attaques.
Cet effort a subi un revers le 24 novembre lorsqu’Ankara a abattu un avion militaire russe qui aurait violé l’espace aérien turc. Moscou a répondu en imposant des sanctions économiques contre la Turquie. Le gouvernement russe prétend bombarder l’État islamique, mais la plupart de ses frappes ont ciblé des opposants de Bachar el-Assad, y compris les forces turkmènes près de la frontière entre la Syrie et la Turquie où l’avion a été abattu.
Le 1er décembre, le secrétaire à la Défense Ashton Carter a annoncé la formation d’une nouvelle force « expéditionnaire » spéciale pour mener les attaques en Irak et en Syrie. « C’est un avertissement pour tout le monde en Syrie que, la nuit, vous ne saurez pas qui entrera par la fenêtre, » a-t-il dit à une réunion d’une commission du Congrès.
Les forces dirigées par des États-Unis ont intensifié leurs attaques contre les centres de production et de transport pétroliers sous le contrôle de l’ÉI à l’est de la Syrie. Washington et Bagdad ont annoncé leur intention de reprendre la ville irakienne de Ramadi des mains de l’État islamique. Ils ont largué des tracts incitant les habitants à fuir, mais l’ÉI, qui utilise des civils comme boucliers humains, a barré les sorties de la ville. Précédemment peuplé de 500 000 habitants, Ramadi comprend aujourd’hui quelques milliers de familles.
L’administration de Barack Obama exerce des pressions sur Ankara pour qu’il déploie 30 000 soldats le long d’une section de 100 kilomètres de la frontière entre la Turquie et la Syrie afin de réduire l’infiltration par les forces de l’État islamique. Washington incite aussi l’Arabie saoudite et les pays du Golfe « à renforcer leurs forces terrestres et à les utiliser, » a dit Ashton Carter aux medias.
Le 29 novembre, le gouvernement allemand a annoncé qu’il prévoyait envoyer quelque 1 200 soldats au Moyen-Orient pour faire fonctionner des avions et des navires.
Le premier ministre du Royaume-Uni, David Cameron, a organisé un vote le 2 décembre au Parlement sur la participation à la guerre en Syrie. Le nouveau dirigeant du Parti travailliste, Jeremy Corbyn, jusqu’à récemment président de la coalition Arrêter la guerre en Grande-Bretagne, a décidé de ne pas imposer la discipline de vote aux membres de son parti au Parlement, leur permettant ainsi de voter en faveur de la motion de David Cameron.