Frappés par la crise économique capitaliste qui ravage le pays, les Vénézuéliens ont massivement voté pour la coalition pro-impérialiste opposée au président Nicolás Maduro et son Parti socialiste unifié lors des élections législatives du 6 décembre.
La Table ronde de l’unité démocratique, qui comprend une vingtaine de partis capitalistes, a remporté 56 pour cent des voix et 112 des 167 sièges de l’Assemblée nationale, lui permettant d’atteindre la « super majorité » des deux tiers.
La coalition d’opposition a même gagné dans de nombreux quartiers ouvriers qui avaient voté pour Maduro et son prédécesseur Hugo Chávez durant les 17 dernières années. Plus de 74 pour cent des électeurs inscrits ont voté.
Maduro a pris ses fonctions en 2013 après la mort de Chávez, élu pour la première fois en 1998. Chávez était populaire parmi les travailleurs pour avoir préconisé un changement radical, critiqué l’arrogance de l’impérialiste US vis-à-vis de l’Amérique latine, promis des terres aux paysans sans terre, élargi les prestations sociales financées par les bénéfices tirés du pétrole et mis en place des programmes avec l’aide de Cuba révolutionnaire, qui ont amélioré les soins de santé et l’éducation pour des millions de personnes au Venezuela.
Ces mêmes mesures ont suscité l’hostilité de Washington envers Chávez et Maduro. Le gouvernement américain a soutenu plusieurs tentatives de renverser Chávez, y compris un coup d’État en 2002 qui a échoué après que des milliers de travailleurs sont descendus dans les rues. En mars 2015, l’administration de Barack Obama a imposé des sanctions contre un certain nombre de fonctionnaires et émis un décret déclarant que le Venezuela était une « menace pour la sécurité nationale et la politique étrangère des États-Unis. »
Depuis le début, Chávez — puis Maduro — ont refusé de suivre l’exemple de la révolution cubaine. Ils se sont employés à administrer et à réguler le capitalisme, en donnant à leur orientation les noms de révolution bolivarienne et de socialisme du 21ième siècle, au lieu de construire un parti prolétarien capable de mobiliser les ouvriers et les paysans du Venezuela pour renverser la dictature du capital.
« Nous acceptons les résultats, » a déclaré Maduro dans un discours prononcé le 6 décembre. Il a expliqué la défaite par la « guerre économique » menée par les capitalistes vénézuéliens et l’impérialisme, accusant les entreprises d’avoir stocké des marchandises ou de les avoir vendues sur le marché noir autant pour éviter les contrôles de prix et le rationnement que pour créer délibérément des pénuries et accroître le mécontentement populaire.
Approfondissement de la crise économique
La production de pétrole, qui représente 95 pour cent des revenus d’exportation du Venezuela, a baissé de 350 000 barils par jour depuis 2008. Partisans et adversaires du gouvernement attribuent cette situation à la corruption et à une mauvaise gestion. La chute mondiale du prix du pétrole, plus de 60 pour cent dans la dernière année seulement pour atteindre moins de 40 $ le baril le 8 décembre, a encore plus affaibli l’économie. Le gouvernement a eu moins de devise pour financer les programmes sociaux.
L’inflation est estimée autour de 200 pour cent par année, le taux le plus élevé dans le monde, et le produit intérieur brut devrait se contracter de 10 pour cent cette année.
Alors que de nombreux produits de base — dont les œufs, le riz, la farine, l’huile de cuisson et les détergents — sont réglementés, les travailleurs doivent passer des heures à faire la queue pour les acheter au prix officiel — s’ils sont disponibles — ou les acheter au marché noir au double, au triple ou jusqu’à cinq fois le prix officiel.
La nouvelle assemblée entre en fonction le 5 janvier. L’opposition affirme qu’elle a l’intention de mettre fin au contrôle des prix et des devises. Elle dit aussi qu’elle va faire passer une loi d’amnistie pour les dirigeants de l’opposition qui ont été arrêtés et accusés de mener des actions violentes pour renverser le gouvernement Maduro en 2014.
Divisions au sein de l’opposition
La coalition d’opposition n’est pas unie dans son approche sur la façon de procéder et à quel rythme. Certaines factions veulent lancer une campagne pour forcer Maduro à démissionner.
Mais Henrique Capriles, qui a perdu contre Maduro aux dernières élections présidentielles de 2013, a déclaré au Wall Street Journal que s’en prendre à Maduro et à ses partisans « serait la pire chose qui pourrait arriver. »
Tout en saluant les résultats des élections, le secrétaire d’État US, John Kerry, a appelé à un « dialogue entre toutes les parties au Venezuela. »
Jusqu’à présent l’opposition a été vague sur la poursuite de la coopération avec Cuba. Les missions internationalistes cubaines, qui comprennent des dizaines de milliers de travailleurs de la santé et de l’éducation, sont populaires parmi les travailleurs. Les volontaires cubains fournissent des soins médicaux dans les quartiers les plus pauvres et les régions les plus isolées, où les médecins formés au Venezuela ne vont pas. Avant l’arrivée des volontaires cubains, les services de santé « étaient pratiquement inexistants » dans les bidonvilles de Caracas, fait remarquer le quotidien espagnol El Pais. « Si les Cubains partent, le système de santé pour les pauvres s’effondre. »
L’opposition a dit qu’elle veut « revoir » Petrocaribe, le programme du gouvernement qui subventionne les ventes de pétrole, non seulement à Cuba mais aussi à 17 pays des Caraïbes et d’Amérique centrale.
Le 9 décembre, le conseiller adjoint à la Sécurité nationale des États-Unis, Ben Rhodes, a annoncé que ces gouvernements ne devraient pas s’attendre à être aider par les États-Unis. « Nous ne serons simplement pas en mesure de remplacer le pétrole vénézuélien par du pétrole US, » a-t-il dit.