Après deux semaines de querelles, les responsables gouvernementaux de près de 200 pays ayant participé à la conférence des Nations unies sur le changement climatique à Paris ont signé un accord le 12 décembre, soi-disant pour réduire les émissions de carbone, un sous-produit de la combustion de combustibles fossiles comme le pétrole, le gaz et le charbon qui déverse des gaz à effet de serre et d’autres polluants dans l’atmosphère.
Mais comme ceux qui les ont précédés, les pourparlers de Paris ont tournés en réalité autour des rivalités impérialistes. Les familles dominantes à Washington, Berlin, Paris et ailleurs ont rivalisé pour faire des affaires et du commerce. Elles ont tenté de réduire la concurrence venant de « pays émergents » comme la Chine, l’Inde et le Brésil, et pris des mesures pour garder sous contrôle les travailleurs dans ces pays. Elles ont passé sous silence le besoin pressant d’électrification et de développement d’autres industries dans le monde semi-colonial.
Depuis que le cycle de pourparlers de 2009 s’est terminé sans accord à Copenhague, au Danemark, le président Barack Obama a fait pression pour qu’une sorte d’accord fasse partie de son « héritage ». Il a salué l’accord de Paris comme un « point tournant pour le monde » et « la meilleure chance pour nous de sauver la seule planète que nous avons. »
Les rencontres climatiques précédentes ont échouées parce que les intérêts capitalistes contradictoires ont rendu impossibles la réalisation et la mise en pratique d’un plan global concret.
Cette approche a donc été abandonnée à Paris. Le nouvel accord ne fixe qu’un « objectif » abstrait : que la température planétaire ne s’élève pas de plus de 2 degrés Celsius par rapport au niveau des températures au début de la révolution industrielle, puis de « poursuivre les efforts » pour faire mieux. Sa seule exigence formelle est que les signataires produisent et diffusent un plan pour réduire les émissions dans leur propre pays, et, à partir de 2023, de se réunir tous les cinq ans pour entendre ce que chacun a accompli.
Barack Obama avait une raison de plus pour insister sur un accord non contraignant. De cette façon, il peut le signer comme décret-loi, évitant d’avoir à le soumettre à un vote au Sénat où il perdrait. La plupart des républicains et de nombreux démocrates s’opposent à l’accord prétendant qu’il s’agit d’une ingérence dans le pouvoir impérial de Washington.
Après la conférence sur le climat de Kyoto en 1997, plusieurs gouvernements en Europe se sont engagés à réduire les émissions de carbone. L’accord de Paris annule ces promesses. Le président français François Hollande a immédiatement annoncé que Paris réviserait ses objectifs d’émissions à la baisse avant 2020 et a invité les autres à en faire autant.
C’était une promesse facile, car elle ne coûtera rien à Paris tout en mettant la pression sur ses rivaux. La France produit plus de 75 pour cent de son électricité avec l’énergie nucléaire, qui ne produit pas d’émissions de carbone. C’est bien plus que tout autre pays en Europe.
Le gouvernement allemand a décidé en 2011 d’éliminer progressivement l’énergie nucléaire et de la remplacer par l’énergie solaire et éolienne. Dans l’intervalle, sa dépendance au charbon, qui représente près de la moitié de la production d’électricité du pays, a augmenté.
Le système de plafonnement et d’échange de crédits de carbone, qui a débuté au début des années 2000, est resté intact et pratiquement indiscuté. Ce procédé fixe des limites globales pour les émissions mais permet aux entreprises et aux gouvernements d’acheter et de vendre le « droit » de polluer. L’offre abondante de ces crédits a fait plonger leur prix de 32 $ à 4 $ par tonne de carbone, ce qui rend beaucoup moins cher de les acheter que d’investir dans des technologies plus propres.
Les négociants capitalistes espèrent qu’un nouveau plan de plafonnement et d’échange de crédits de la Chine fera revivre ce marché et le rendra plus rentable.
Beaucoup de capitalistes s’attendent à ce que les décisions de la conférence ouvrent de nouvelles opportunités pour faire des profits « verts ». « Le marché mondial des biens et services à faible carbone vaut 5,5 milliers de milliards de dollars par an. Cet accord incitera fortement le capital à aller à la recherche de nouvelles opportunités d’investissement à faibles émissions de carbone, » a dit au Financial Times le 13 décembre Abyd Karmali, directeur général de la finance du climat à la Bank of America Merrill Lynch.
Toutes les négociations sur le climat ont été caractérisées par les tentatives de Washington et d’autres gouvernements impérialistes de limiter la concurrence croissante de la Chine, de l’Inde et de toute une série d’« économies émergentes. » Se plaignant que la Chine est le plus grand émetteur de carbone au monde et l’Inde, le quatrième, ils font de pieuses proclamations pour sauver l’environnement et demandent ensuite aux capitalistes dans ces pays de réaliser d’importantes réductions de leurs émissions de carbone.
Mais les émissions US sont presque trois fois plus élevées par habitant que celles de la Chine et dix fois plus élevées que celles de l’Inde.
La conférence, à laquelle ont participé quelque 40 000 personnes était entourée d’une horde de délégués d’organisations non gouvernementales, de profiteurs et de groupes environnementaux bien connus pour clamer que le monde disparaîtra à moins que tous les travailleurs renoncent à leurs « privilèges. »
Le 14 décembre, le Weekly Standard s’est plaint du fait que Beijing a remporté trop de victoires. « La première est le droit de continuer à utiliser les combustibles fossiles émetteurs de carbone pour faire fonctionner ses usines à faible coût alors que nous obligeons les nôtres à passer à des combustibles plus chers, » a dit le journal. La deuxième victoire a été remportée « dans la compétition pour fournir de nouvelles centrales électriques aux pays en développement. L’administration Obama a mis fin à presque tous ses financements publics de centrales au charbon. Pas la Chine. »
L’objectif ici est le financement par le gouvernement chinois de 92 nouvelles centrales alimentées au charbon dans 27 pays, dont beaucoup en Afrique, « probablement à hauteur de plus de 100 milliards de dollars, » déplore le Standard.
L’expansion de l’énergie est une nécessité absolue pour le développement économique et culturel des travailleurs en Afrique, en Asie et en Amérique latine. Selon l’Agence internationale de l’énergie, 1,2 milliard de personnes, 17 pour cent de la population mondiale, n’avaient toujours pas accès à l’électricité en 2013 et « beaucoup plus souffrent d’un approvisionnement de mauvaise qualité. » Plus de 2,7 milliards de personnes dépendent de la « biomasse solide pour cuisiner, en utilisant spécifiquement des fours inefficaces dans des espaces mal ventilés, » avec des effets mortels sur la santé.
Les travailleurs ont intérêt à lutter aux côtés des travailleurs du monde semi-colonial pour le développement énergétique et la croissance industrielle. Ces mesures accroissent la classe ouvrière et ouvrent la porte à une plus grande solidarité dans le monde entier.
Les représentants des gouvernements en Afrique, en Asie et dans les Caraïbes, regroupés dans une coalition des pays les moins développés, ont appelé à une aide des pays impérialistes de l’ordre de 100 milliards de dollars par an. Washington et les autres puissances impérialistes ont balayé cette demande du revers de la main.