Avec l’approfondissement de la crise capitaliste Les travailleurs face à la dépression

La production industrielle se contracte et les licenciements se multiplient

Brian Williams
le 25 janvier 2016

La diminution de la demande, l’évaporation des marges de profit et la surproduction, dans le monde entier, de la plupart des produits de l’industrie de base, allant de l’acier et du charbon au pétrole, signalent une contraction croissante du secteur manufacturier et un ralentissement majeur du commerce mondial. Dans ce contexte, les marchés boursiers ont chuté en Chine, à New York et ailleurs dès le début de 2016, faisant disparaître 2 300 milliards de dollars à travers le monde. Aux États-Unis, l’indice Dow Jones des valeurs industrielles a reculé de 6,2 pour cent : plus de 1 000 points.

Les familles possédantes aux États-Unis, qui pendant des décennies ont relativement peu investi dans les usines et la production, où les taux de profit étaient à la baisse, ont investi leur argent dans des actions, des obligations et d’autres bouts de papier à la recherche de rendements élevés. Les prix des actions ont ainsi augmenté sur le marché jusqu’aux niveaux actuels, qui n’ont aucun rapport avec l’économie réelle.

« Au sommet de chaque bulle spéculative, il y a toujours ceux qui ont systématiquement pris fait et cause pour le discours qui a donné à la bulle sa poussée initiale, » a écrit le conseiller en placement John Hussman dans son bulletin du 4 janvier intitulé : « La prochaine grande vente à découvert : la troisième vague d’un tsunami qui déferle. »

Le « discours » de 2007 racontait que la bulle des papiers commerciaux spéculatifs, qui s’appuyait sur les prêts hypothécaires à risque, n’éclaterait jamais. Aujourd’hui le « discours » est que les actions et les investissements en Chine, au Brésil et dans d’autres « marchés émergents » ne cesseront jamais de croître.

Mais la propagation de la contraction industrielle et la crise des économies des « marchés émergents » démontrent que la fête est terminée. Les personnes les plus durement touchées sont les travailleurs et les agriculteurs qui font face aux conditions pénibles de la dépression économique.

« Les producteurs de charbon à travers les États-Unis réduisent considérablement leur production car les bas prix rendent l’exploitation non rentable, » affirmait l’organe de l’industrie oilprice.com en octobre, « avec, par exemple, Central Appalachia qui a fait état des réductions les plus massives. »

Patriot et Arch Coal, les deux plus grandes compagnies de charbon US, ont déclaré faillite, de concert avec Alpha Natural Resources. La mine de surface Hobet et les mines Samples de Patriot ont réduit leur production de 43 pour cent au troisième trimestre.

Face à un engorgement sur le marché mondial, les patrons de l’acier ont fermé des usines, licenciant des milliers de travailleurs. US Steel a ralenti son aciérie Granite Steel Works en Illinois, mettant 2 000 métallurgistes à la rue.

Plus de la moitié des 11 exploitations minières de fer au nord de l’Iron Range dans le Minnesota sont fermées. Les fermetures ont commencé en mars et les prestations de chômage seront bientôt terminées. L’usine de fer Mesabi Nugget et l’usine de traitement de concentré Mining Resources déclarent qu’elles resteront fermées pendant les deux prochaines années.

La réaction en chaîne signifie que des milliers d’autres travailleurs, allant des travailleurs de soutien jusqu’aux serveurs de restaurant, font face à des fermetures et à des pertes d’emplois.

Un quart de million de travailleurs du secteur pétrolier ont perdu leur emploi dans le monde depuis que la surproduction a fait dégringoler les prix. Il y a un an, la presse bourgeoise débordait d’articles sur le boom du pétrole de schiste dans le Dakota du Nord. Aujourd’hui, « dans le Dakota du Nord, l’équipement du champ pétrolier est inactif, » a déclaré KX4-TV  le 4 janvier. « Les aides-foreurs mis à pied abandonnent leur fourgonnette de camping dans la décharge de Tom Novak à la sortie de la ville. »

Le 11 janvier, le Wall Street Journal  a prédit qu’un tiers de tous les producteurs de pétrole US pourraient faire faillite.

Les réductions dans la production de pétrole et de charbon et la dépression du secteur manufacturier amènent les patrons des chemins de fer à supprimer des emplois et des itinéraires. « Le nombre de wagons complets a diminué de plus de cinq pour cent au cours des onze dernières semaines, » a signalé ce mois-ci Bank of America, qualifiant cette diminution de « faiblesse importante et soutenue » non observée depuis 2009.

La compagnie de chemin de fer CSX a annoncé qu’elle mettra à pied 277 travailleurs à la gare de triage d’Erwin, au Tennessee, et 180 autres à la gare de triage de Corbin, au Kentucky. Union Pacific a mis plus de 2 700 travailleurs en chômage partiel, affirmant que le transport des produits agricoles et industriels, des produits chimiques et du charbon ainsi que les échanges intermodaux se sont effondrés.

Le volume du transport ferroviaire canadien a diminué de 15 pour cent et celui du Mexique de 20 pour cent.

Les usines qui fabriquent des wagons prévoient des licenciements. « Je ne sais pas quand, et je n’en connais pas l’ampleur, mais on n’a pas besoin d’une boule de cristal pour se rendre compte que les commandes ont diminué, » a dit Scott Slawson, président de la section locale du syndicat des Électriciens unis à GE Transportation, au Times-News  d’Érié, en Pennsylvanie.

Les travailleurs au Royaume-Uni font face à des pressions similaires, étant donné que « presque tous les secteurs manufacturiers ont subi une baisse de production, » a rapporté le Financial Times  le 12 janvier.

Au Brésil, les autorités ont annulé les défilés annuels de carnaval parce que le pays fait face à « ce qui devrait être la pire récession depuis au moins les années 30, » a noté le Times.

Les patrons capitalistes et leurs conseillers au sein du gouvernement ainsi que les médias n’ont pas d’explications. Des années de mesures gouvernementales de relance — de sept années de prêts à taux zéro, légèrement relevé par la Réserve fédérale en décembre dernier, à des régimes « d’assouplissement quantitatif » de la Fed consistant à imprimer de l’argent et à acheter des centaines de milliards de dollars d’obligations d’État et de titres de banques, la plupart sans valeur hypothécaire — n’ont pas réussi à relancer l’investissement dans la production et l’emploi.

Au lieu de cela, les investisseurs capitalistes continuent de spéculer sur des actions, des obligations de pacotille et d’autres bouts de papier commerciaux ici et à l’étranger. « Dire que les marchés financiers ont atteint actuellement une pointe spéculative est un euphémisme, » écrit Hussman.

La production ralentit en Chine

L’économie de la Chine, considérée au cours des dernières années par les capitalistes du monde entier comme le moteur « miracle » de la croissance mondiale, s’essoufle. La fabrication y a diminué en décembre pour un dixième mois consécutif.

La Chine, qui a acheté plus de 2 000 milliards de biens et services au reste du monde chaque année pour alimenter son économie d’exportation, a connu une baisse des importations chaque mois depuis octobre 2014, selon les données du gouvernement. Parmi ceux qui en sont directement touchés, il y a des partenaires en Asie du Sud-Est, y compris le Japon, la Corée du Sud et l’Australie ; les régimes des « marchés émergents» comme l’Afrique du Sud ou le Brésil ; l’Allemagne, première puissance économique de la zone euro qui exporte de grandes quantités de machines vers la Chine ; et les industries minières et manufacturières aux États-Unis.

En réponse aux fermetures d’usines et aux licenciements, les grèves et les manifestations des travailleurs chinois sont en hausse. Il y en a eu près de 2 800 l’an dernier, le double de 2014, selon le China Labour Bulletin. Cette résistance des travailleurs a permis d’obtenir des salaires plus élevés.

Les médias capitalistes, mentionnant le rapport du département du Travail des États-Unis disant que les emplois ont augmenté de 292 000 en décembre, affirment que le capitalisme est sur la route du plein emploi et de la reprise.

Le taux de chômage officiel US pour décembre est resté inchangé par rapport au mois précédent, à 5 pour cent. Mais des millions d’autres travailleurs ne peuvent pas obtenir un emploi à temps plein. Cela comprend plus de six millions de travailleurs contraints d’accepter des heures à temps partiel, soit 20 pour cent de plus qu’avant le début de la crise économique de 2008.

Les statistiques de décembre comprennent des milliers de travailleurs de la distribution embauchés temporairement, et maintenant mis à pied, pendant une période de fêtes qui se révèle plutôt terne.

Le gouvernement a éliminé des millions de travailleurs dits « découragés » du comptage des effectifs. Le taux de participation au marché du travail reste au niveau le plus faible depuis presque 40 ans.

« Toute personne affirmant que l’économie américaine est en déclin raconte des histoires, » a déclaré Obama dans son discours sur l’État de l’Union le 12 janvier dernier, affirmant qu’une « augmentation forte de la production » a « créé près de 900 000 nouveaux emplois au cours des six dernières années. »

Les salaires réels des travailleurs de la production restent à leur niveau de 1970. Cependant, la production par travailleur a plus que doublé, avec plus de marchandises produites par moins de travailleurs et ce, par le biais d’une accélération des cadences et le mépris de la sécurité imposés par les patrons.

Les patrons d’entrepôt introduisent de nouveaux dispositifs de lecture de code à barres pour augmenter le nombre d’opérations — déjà environ 3 000 par jour — que les travailleurs effectuent lors de la préparation des colis pendant chaque quart de travail. Les employés d’entrepôt connaissent les taux de blessures et de maladies liées au travail parmi les plus élevés dans l’industrie du secteur privé, rapporte le département du Travail.

L’utilisation de nouveaux scanneurs, qui suppriment le besoin d’appuyer sur un bouton, réduit d’une demi-seconde le temps de lecture des codes, a déclaré James Bonner, directeur général de Exel Logistics, au Wall Street Journal. Ceci accélère le taux de traitement des colis de 10 à 20 pour cent sur un quart de travail de 7,5 heures.