EDMONTON, Alberta — Un gigantesque feu de forêt a détruit une grande partie de Fort McMurray, à 435 kilomètres au nord d’ici, et a contraint l’ensemble de la population de 88 000 habitants à l’évacuation d’urgence. Le feu est un phénomène naturel qui se produit régulièrement dans cette région. Mais ses conséquences dévastatrices pour des dizaines de milliers de travailleurs sont un désastre créé par l’homme, le résultat de décisions prises par les patrons et le gouvernement qui ont pour effet de placer les profits avant la vie humaine.
Les pertes sont évaluées à neuf milliards de dollars canadiens (environ 6,9 milliards de dollars US), y compris 2 400 maisons et autres structures détruites. En date du 9 mai, l’incendie faisait toujours rage à l’extérieur de la ville.
Fort McMurray est la principale ville de la région des sables bitumineux de l’Alberta. Sa population a augmenté rapidement depuis la fin des années 1990 en même temps que le boum dans la production pétrolière. En dépit de la forêt qui l’entoure, ni l’État ni les gouvernements locaux n’ont fait de préparatifs adéquats pour protéger la ville contre les feux.
L’incendie est devenu une menace pour la ville le 1er mai. Les autorités ont brusquement déclaré une évacuation obligatoire dans l’après-midi du 3 mai. L’autoroute 63, la seule route qui traverse la ville, est rapidement devenue paralysée. Après que les flammes ont envahi la route, quelques personnes ont été dirigées vers le nord et la majorité vers le sud.
« Il a fallu presque 18 heures pour sortir, » a dit au Militant Carra-Danielle Gaba, qui était au Northlands Expo Centre à Edmonton où des centaines de personnes évacuées sont hébergées. Carra-Danielle Gaba travaille dans l’administration d’un campement pétrolier et elle a un petit enfant. « Nous avons manqué d’essence deux fois. Dans toutes les petites localités, les gens avaient des jerricans, ils nous offraient de la nourriture, des couches et des jouets. Il n’y avait pas eu de communication adéquate sur la gravité de la situation. »
« Les voitures rôtissaient au milieu de l’enfer, » a dit Brad Pollard, qui travaille dans le transport. « Il n’y a qu’une voie pour entrer et sortir. » Depuis des années, la nécessité de construire une deuxième autoroute fait l’objet de discussion, mais d’aucune action.
Les travailleurs de la région de Fort McMurray avaient déjà été durement frappés par la récession de l’industrie du pétrole. Le chômage en Alberta est passé de 5,6 à 7,2 pour cent en un an, essentiellement à cause des licenciements dans le secteur pétrolier. À Fort McMurray, le taux officiel était de 9,8 pour cent avant l’incendie. Les compagnies pétrolières s’attendent à diminuer encore la production d’un million de barils par jour après l’incendie.
Le ministre des Forêts de l’Alberta, Oneil Carlier, a affirmé le 4 mai qu’il ne pensait pas que les récentes coupes budgétaires du gouvernement provincial, à peu près 15 millions de dollars canadiens, ayant affecté la prévention et la lutte contre les incendies, ont eu le moindre impact sur le désastre.
Quelques personnes, dont certains évacués, ont soulevé le besoin de coupe-feux pour empêcher plus efficacement les feux de forêts de pénétrer dans la ville. « Cet endroit était un piège à incendie. Je pouvais sauter dans les broussailles depuis mon balcon, a dit Louis Barham, un assistant en éducation qui a vécu six ans à Fort McMurray.
« Ils devraient entourer la ville d’une zone de 50 mètres d’arbres coupés, » a dit Oye Beavogui, qui construit des échafaudages pour une compagnie pétrolière.
Quelques travailleurs discutent la possibilité de reconstruire la ville. Carra-Danielle Gaba a dit au Militant : « Les gens veulent reconstruire. Des groupes de gens sont en train de monter des équipes. »
« Beaucoup de travailleurs pourraient travailler au nettoyage et à la reconstruction. Les syndicats devraient lutter pour que le gouvernement organise un projet massif, avec des salaires syndicaux, » a dit Katy LeRougetel, membre de la Ligue communiste, alors qu’elle discutait avec un groupe de personnes évacuées au centre Northlands.
Monica Coombs, originaire de Terre-Neuve, a fièrement répondu qu’elle est à la fois membre de la section locale 92 du Syndicat des journaliers et de la section locale 955 du Syndicat international des opérateurs-mécaniciens. Son mari, Winston Welsh, un camionneur, a dit : « Nous ne disons pas : « Nous voulons y retourner. » Nous y retournons pour aider à reconstruire Fort Mac, notre foyer. »