Royaume-Uni : le vote pour le « Brexit » met un clou dans le cercueil de l’illusion d’une Europe « unifiée »

Paul Davies
le 11 juillet 2016

LONDRES — Le 23 juin, des millions de travailleurs ont voté dans une grande majorité au Royaume-Uni de quitter l’Union européenne. Le vote a été un autre clou dans le cercueil du mythe d’une Europe unifiée.

Des politiciens de premier plan et certains médias bourgeois au Royaume-Uni, dans l’Union Européenne et aux États-Unis ont immédiatement accusé les travailleurs qui ont eu l’audace de voter de quitter l’EU d’ètre des moins que rien — des non-cosmopolites, des racistes, des idiots, des ignorants et des anti-immigrants. Ils ont accusé les travailleurs âgés et les retraités de détruire l’avenir de la jeunesse.

Mais loin d’une montée du sentiment raciste, anti-immigrant et antimusulman, le vote a démontré la détermination des travailleurs de s’opposer à ce qu’on les oblige à payer pour la crise économique capitaliste.

La campagne de peur menée par les dirigeants capitalistes et de larges sections des deux parties conservateur et travailliste pour rester dans l’EU — prédisant la fin du monde dans l’éventualité d’une sortie — s’est retournée contre eux. Dans l’ensemble du Royaume-Uni, le « Brexit » a remporté 52 pour cent des voix — avec de grandes majorités en Angleterre et au Pays de Galles — tandis que la campagne pour rester a obtenu 48 pour cent. En Écosse et en Irlande du Nord, la majorité a voté pour rester. C’est la première fois qu’un État membre a voté pour quitter l’Union européenne, une alliance changeante d’États rivaux dominés par l’impérialisme allemand.

Les salaires réels au Royaume-Uni ont chuté depuis 2010. Le nombre de travailleurs forcés de travailler avec des contrats dits de zéro heure, sans garantie d’un nombre fixe d’heures de travail ni de revenu, a augmenté de 15 pour cent au cours des deux dernières années. Aucun des partis capitalistes en Grande-Bretagne ou en Europe continentale n’a de solution à la crise.

Certains travailleurs interrogés à la télévision et la radio ont dit que le vote représentait un « bras d’honneur à l’establishment. » Michael Wake, un cariste dans la ville ouvrière de Sunderland en Angleterre, a déclaré au New York Times  que vote pour quitter l’EU était une opportunité de « frapper » l’establishment de Londres « dans l’œil. »

Ricky Dobson, un travailleur d’usine à Basildon dans l’Essex, a dit au Militant  qu’il avait été irrité par la menace du chancelier George Osborne (l’équivalent britannique du ministre des Finances) d’imposer un « budget punitif » qui comprenait des hausses d’impôts sur le revenu si les travailleurs votaient de quitter l’EU.

Les dirigeants blâment les travailleurs

Les dirigeants capitalistes du Royaume-Uni, d’Europe et des États-Unis ont été surpris par le résultat et ont attribué aux travailleurs la responsabilité du plongeon international des marchés boursiers qui a suivi le référendum. Mais les actions ont rapidement récupéré. Cette volatilité n’est pas nouvelle étant donné l’énorme spéculation qui caractérise les marchés au milieu de la crise économique capitaliste mondiale.

« Je n’ai aucun argent en bourse, » a dit au Times  Ken Walker, un travailleur retraité de la construction de Sunderland. « Alors, qu’est-ce que ça me fait ? »

« Il ne peut rien arriver de pire que ce qui arrive déjà, » a dit au même journal Maria Taylor, une fleuriste de Sunderland. « La classe ouvrière est complètement assommée. Ils nous ont trahis. »

Les travailleurs qui ont voté pour rester au sein de l’Union européenne font face aux mêmes conditions. Felicia Hypolite, une préposée aux soins de Londres, a dit qu’elle a voté de rester dans l’Union européenne parce qu’elle pensait que « l’UE contribuerait à défendre les droits de l’homme. Mais le principal problème au Royaume-Uni, ce sont les bas salaires que paient les entreprises. »

Dans l’immédiat, le référendum ne change rien dans aux relations juridiques du Royaume-Uni avec les autres États membres de l’UE. À terme, le gouvernement britannique va ouvrir des négociations avec l’UE, ce qui prendra des années.

Boris Johnson, un conservateur qui a fait campagne pour la sortie de l’UE, a hissé la bannière de la « souveraineté britannique » dans le but de convaincre les travailleurs que les patrons britanniques sont préférables aux patrons étrangers. Une autre section de la campagne pour la sortie, dirigée par Nigel Farage, a fait campagne contre la libre circulation des travailleurs dans l’UE, disant que l’immigration massive en provenance des États membres et les réfugiés qui entrent au Royaume-Uni sont le problème.

Une Europe capitaliste unie est impossible

La chancelière allemande Angela Merkel a décrit le vote comme « un coup porté à l’Europe et à l’unification européenne. » Les dirigeants allemands, ainsi que ceux de France et d’ailleurs, ont présenté l’UE comme le début des États Unis d’Europe, un rêve impossible sous le capitalisme où chacun des pays est en concurrence avec ses rivaux pour conquérir des marchés. Aujourd’hui, devant la stagnation économique et la crise des réfugiés, loin d’aller vers « une union toujours plus étroite, » les frontières se renforcent à travers le continent.

Le gouvernement allemand, la plus forte puissance impérialiste en Europe, a utilisé sa domination de l’UE et son contrôle de l’euro pour piller les ressources des concurrents capitalistes les plus faibles, de la Grèce à l’Espagne. Il espérait aussi utiliser l’UE et l’euro comme monnaie commune pour concurrencer plus efficacement son principal rival, l’impérialisme US.

Dans ou hors de l’UE, les travailleurs du Royaume-Uni devront faire face à une classe patronale déterminée à se décharger de la crise sur leurs épaules, alors que la compétition, les rivalités et les tensions s’exacerbent entre les nations capitalistes concurrentes d’Europe et du monde.

Paul Davies travaille à Ford Dagenham et est membre du syndicat Unite et de la Ligue communiste.