Alors qu’ils savaient depuis au moins six mois que la colonie américaine de Porto Rico était menacée par l’épidémie de Zika, le régime colonial sur l’île et le gouvernement américain n’ont pris que peu de mesures pour éliminer les moustiques qui transmettent la maladie.
Son déclenchement, a rapporté le Wall Street Journal du 8 juin, donne aux autorités de santé américaines et portoricaines « une chance rare pour mieux comprendre la maladie. » Steve Waterman, un agent des centres US de contrôle des maladies, a dit au journal que « nous allons fournir quelques bonnes informations. »
Deux mois plus tard, le président Barack Obama exhortait dans une vidéo le peuple portoricain d’utiliser des produits anti-moustiques et d’éliminer l’eau stagnante dans leurs maisons, mais il n’a annoncé aucune mesure pour lutter contre la propagation de Zika. Le gouverneur portoricain Alejandro García Padilla a remercié Obama pour avoir demandé aux Portoricains d’« assumer leur responsabilité individuelle. »
Au 6 août, 8 776 personnes étaient confirmées avoir été infectées par le virus Zika sur l’île, dont 901 femmes enceintes. Vingt-sept personnes ont développé le syndrome de Guillain-Barré associé au virus Zika, qui peut provoquer des paralysies. Le plus grand danger est le risque de malformations congénitales chez les enfants dont les mères sont infectées pendant la grossesse.
« La façon dont ils nous traitent — en raison de notre situation de colonie américaine — est exaspérante, » a dit Gerson Guzmán, le président du local 1199 du Syndicat général des travailleurs (GWU), le 5 août au Militant par téléphone. Faire face à cela « n’est pas un problème individuel, a-t-il dit. Cela ne peut être résolu que collectivement. »
Pour payer la dette de 70 milliards de dollars US aux détenteurs d’obligations, le gouvernement colonial a licencié des milliers de travailleurs au cours des dernières années, « y compris ceux qui répandaient les fumigènes anti-moustiques dans les communautés, » a dit Gerson Guzmán.
Le moustique Aedes aegypti qui transporte le virus Zika préfère vivre près des gens, piquer à l’intérieur des habitations et ne s’éloigne pas beaucoup de ses lieux de reproduction. La même espèce propage la dengue, le Chikungunya et la fièvre jaune. Le virus Zika peut également être transmis par contact sexuel.
Une des rares actions du gouvernement a été de déplacer loin des zones résidentielles 1,6 millions de pneus qui pouvaient retenir de l’eau stagnante. Porto Rico importe des millions de pneus usagés parce que beaucoup de résidents ne peuvent pas se permettre d’en acheter des neufs.
« Mais il y a des montagnes de vieux pneus et des milliers continuent de s’entasser tous les jours, » a dit Luis Epardo, un travailleur de la santé à la retraite, par téléphone depuis Aguadilla. « Les pneus usagés s’usent rapidement. Nous sommes le dépotoir des États-Unis. »
Et avec des dizaines de milliers de Portoricains qui émigrent chaque année, conséquence de la crise économique de l’île, exacerbée par son statut colonial, des milliers de maisons sont vacantes — immeubles de première classe d’élevage de moustiques.
« Quand une voiture ne démarre pas, la première chose que vous vérifiez est la batterie, » a dit Ramón Figueroa, un travailleur de rhum Bacardi à la retraite, rejoint par téléphone à Aguadilla. Pour lutter contre le virus Zika, la première chose que vous avez à faire est d’éliminer les aires de reproduction. Mais le gouvernement n’envisage pas de le faire. »
Lorsque le gouvernement García a annoncé en juillet qu’il allait procéder à la fumigation aérienne avec le pesticide naled, une coalition de groupes syndicaux, communautaires et religieux a organisé plusieurs manifestations. García a reculé et a renvoyé le naled aux US Centers for Disease Control qui avait envoyé le produit chimique sans même demander au gouvernement de l’île s’il le voulait.
« La pulvérisation aérienne ne serait pas seulement inefficace, parce que ce type de moustique vit à l’intérieur, cela créerait plus de problèmes, » a dit par téléphone le 7 août Pedro Irene Maymi, président de la Fédération des travailleurs de Porto Rico (CPT). « Cela tuerait des abeilles et de la vie marine, et nuirait ainsi à l’agriculture sur l’île. Le remède pourrait causer plus de dommages que la maladie. »
Les dirigeants syndicaux ont proposé au gouvernement de former des « brigades de travailleurs publics » qui sillonneraient les quartiers pour éliminer les aires de reproduction et sensibiliser les gens sur la façon d’éradiquer les moustiques.
La réponse du gouverneur García à la proposition du syndicat ? « Il ne nous a pas répondu, » a dit Pedro Maymi.
Cuba élimine pratiquement le Zika
Beaucoup de gens à Porto Rico ont appris comment Cuba révolutionnaire a combattu le Zika. Un article dans le El Nuevo Día du 6 juillet a noté qu’en allant de maison en maison pour fumiger et éliminer les endroits de reproduction, Cuba a presque éliminé non seulement le Zika, mais la dengue et le Chikungunya. Mais l’article présente l’effort cubain comme une action de la police, plutôt que l’effort révolutionnaire qu’il a été. Des dizaines de milliers de volontaires, y compris des étudiants en médecine, des organisations communautaires et d’autres, avec des soldats, mènent avec succès cette campagne qui va de pair avec la sensibilisation de la population.
Au Brésil, où des milliers de femmes enceintes ont été infectées, plus de 1 700 bébés sont nés avec la microcéphalie — une tête anormalement petite.
« Mais c’est une erreur de se concentrer uniquement sur la microcéphalie, » a dit au Militant par téléphone le 6 août le docteur Alberto de la Vega, chef de l’unité de grossesse à haut risque à l’hôpital de l’Université de San Juan. L’hôpital traite présentement 150 femmes enceintes infectées par le Zika.
« Nous avons déjà deux fois le pourcentage normal de retard de croissance chez les foetus des femmes que nous traitons, plus de 20 cas, a-t-il dit. Et de nombreux problèmes liés au Zika ne peuvent être détectés qu’après la naissance, tels que les dommages à la rétine et des lésions. »
« Il y a beaucoup de méfiance à l’égard du gouvernement et de nombreuses personnes ne croient pas ce qu’il dit, » a dit le docteur Alberto de la Vega au sujet de la campagne du gouvernement pour encourager les gens à utiliser de l’anti-moustique et de porter des manches longues.
Le docteur Alberto de la Vega craint que le pire soit encore à venir. Quarante autres femmes enceintes sont infectées chaque jour, a-t-il dit, dont la plupart n’accoucheront pas avant octobre.