La protestation de Colin Kaepernick contre la brutalité policière gagne de l’appui

Betsey Stone
le 19 septembre 2016

TURLOCK, Californie — Colin Kaepernick, le quart-arrière de l’équipe de football les 49ers de San Francisco, qui ne s’est pas levé pendant l’hymne national américain lors des matchs récents pour protester contre l’assassinat par des flics et l’oppression des Noirs, a grandi dans cette ville de 68 000 habitants de la Vallée centrale agricole.

« Je ne me lèverai pas pour montrer de la fierté dans un drapeau d’un pays qui opprime les Noirs et les gens de couleur, a-t-il dit aux médias. Il y a des cadavres dans la rue et des gens qui obtiennent des congés payés et commettent des meurtres en toute impunité. »

Un joueur étoile pour les 49ers, qui les a mené au Super Bowl en 2013, Colin Kaepernick a été un héros de la ville. Maintenant, les articles dans les médias capitalistes comme le San Francisco Chronicle  prétendent que les gens de Turlock se sont retournés contre lui.

Colin Kaepernick est loin d’être le premier athlète bien connu à protester contre l’injustice raciste aux États-Unis et sa longue histoire d’esclavage, la ségrégation Jim Crow et un système de « justice » pénal raciste.

« Je ne peux me lever et chanter l’hymne. Je ne peux saluer le drapeau, » a dit Jackie Robinson dans son autobiographie de 1972. Il était la vedette des Dodgers de Brooklyn qui a brisé la barrière de la couleur dans le baseball professionnel. « Je sais que je suis un homme noir dans un monde blanc. »

Des membres du Parti socialiste des travailleurs de Oakland se sont rendus ici en voiture le 4 septembre pour parler avec les travailleurs en faisant du porte à porte. Dans un restaurant McDonald’s de la ville avoisinante de Modesto, une travailleuse des soins de santé à domicile Ashley Aostroski a dit qu’elle et de nombreux amis appuient le geste de Colin Kaepernick.

À Turlock, les membres du SWP ont trouvé que les avis étaient partagés. « Je n’aime pas ce qu’il a fait et je ne veux pas en parler, » a dit une femme en fermant sa porte. « Il est une honte pour ce pays, » a dit un étudiant de septième année assis sur les marches devant sa maison.

D’autres étaient favorables. « Beaucoup de gens de mon église sont contre ce qu’il a fait, a dit Maria Ikari, mais j’ai connu la brutalité policière. J’ai été injustement menottée et arrêtée par la police de Los Angeles. »

« Je suis heureuse d’entendre que l’équipe des Niners se regroupe derrière lui, » a-t-elle dit en faisant allusion à l’appui que Colin Kaepernick a reçu de ses co-équipiers. Après une réunion au vestiaire où le quart-arrière a expliqué pourquoi il refusait de se lever, son co-équipier Eric Reid s’est joint à Colin Kaepernick en posant un genou à terre pendant l’hymne national lors d’un match à San Diego.

« Les injustices qui se produisent auraient pu arriver à un membre de ma famille, » a dit Eric Reid aux journalistes. Il est de Bâton Rouge où les flics ont récemment abattu par balle Alton Sterling.

« Il y a une différence entre diviser et parler des questions, les souligner, » a dit Eric Reid en réponse à ceux qui ont dit que la protestation de Colin Kaepernick aurait comme effet de « distraire » et « diviser » l’équipe. « Kaep fait le [deuxième] dans un effort pour unir. »

La plupart des gens à qui les membres du Parti socialiste des travailleurs ont parlé appuyaient le droit de Colin Kaepernick de faire ce qu’il a fait. Et ils étaient impatients de discuter les problèmes auxquels sont confrontés les travailleurs de cette ville durement touchée par la crise économique capitaliste.

« Quand j’ai déménagé de Los Angeles, j’ai eu du mal à trouver quelque emploi que ce soit, » a dit Maria Ikari quand elle a appris que le parti appelle à un programme de travaux publics financé par le gouvernement fédéral pour reconstruire les infrastructures vieillissantes et fournir des emplois pour des millions de gens.

« Beaucoup de gens ici s’enrôlent dans l’armée parce qu’ils ne peuvent trouver un autre travail, » a dit Inez Lewis une travailleuse d’abattoir à la retraite qui a deux filles dans l’armée et qui contribue à un centre local pour sans-abri où elle rencontre souvent d’anciens combattants. « L’Administration des vétérans est une honte. Les politiciens ne font rien et ne feront rien à ce sujet. »

« Ici les gens ont tendance à être patriotiques, a dit Inez Lewis. Malheureusement, beaucoup sont plus préoccupés par la question de l’hymne national que par ce que Colin Kaepernick dit. »

En fait, Francis Scott Key, qui a écrit « The Star Spangled Banner » [l’hymne national US] en 1814, était propriétaire d’esclave, un adversaire acharné de l’abolition de l’esclavage, qui a appelé les Noirs « une race de gens distincte et inférieure. »

Plus loin dans cette rue, un professeur à l’Université de l’État de Californie Stanislaus a dit que quand il a soulevé la prise de position de Colin Kaepernick avec ses étudiants, la majorité d’entre eux l’appuyaient.

Un article d’Angelina Martin paru dans le Turlock Journal  du 2 septembre a réfuté l’image fausse diffusée par les médias. « Rien qu’en faisant un petit tour dans la rue Main, a-t-elle écrit, j’ai pu trouver cinq personnes qui soutenaient l’acte de protestation de Kaepernick, dont deux servent actuellement dans l’armée.

« Le Mercury News [de San Jose] a interrogé un total de quatre résidents de Turlock dans une vidéo qu’ils ont produite et qui circule actuellement sur Facebook, nous décrivant comme une ville qui n’a pas une seule âme qui soutient Kaepernick ou sa cause, a écrit Angelina Martin. Si j’ai pu trouver cinq personnes au cours d’une promenade, imaginez ce qu’une équipe de production entière aurait pu trouver. »

La discussion fait rage à l’échelle nationale dans les pages de sport et ailleurs en réaction à ce qu’a soulevé Kaepernick et à propos des nombreuses protestations contre les meurtres commis par les flics.

Une lettre du président de l’Association des policiers de San Francisco Martin Halloran exigeant que les 49ers présentent leurs excuses pour les déclarations « insensées » de Kaepernick a été largement médiatisée. Mais aucune excuse n’a été faite. Jusqu’à présent, la Ligue nationale de football a défendu le droit de Kaepernick de ne pas se tenir debout pour l’hymne.

Kaepernick savait qu’en faisant sa protestation il risquait d’être écarté de l’équipe, d’autant plus que le fait qu’il ait joué de façon erratique ces temps-ci n’aide pas. Mais avec le soutien de plus en plus grand qu’il reçoit pour sa prise de position et pour son droit de protester, y compris de la part de ses co-équipiers, l’entraîneur des 49ers, Chip Kelly, a annoncé que Kaepernick sera le quart-arrière remplaçant qui ira dans la sélection d’automne.

Le maillot numéro 7 de Kaepernick est passé à la cinquième place des ventes de maillots de toute la Ligue nationale de football et a bondi de la vingtième place à la première parmi les maillots des 49ers.