Les manifestants pour le Grito de Lares dénoncent le statut colonial de Porto Rico

Cindy Jaquith
et Martín Koppel
le 10 octobre 2016

LARES, Porto Rico — Le 23 septembre, quelque 700 personnes se sont rassemblées dans cette petite ville des montages à l’ouest de Porto Rico pour célébrer le Grito de Lares, un rassemblement annuel en faveur de l’affranchissement de la domination coloniale des États-Unis. Cette année, l’action a reflété la colère croissante parmi une large couche de la population contre le gouvernement et Washington en réponse à la crise économique sans précédent ici.

L’effondrement du réseau d’énergie électrique qui avait plongé Porto Rico dans l’obscurité au cours des deux jours précédents avait alimenté la colère populaire. La plupart des 3,5 millions de résidents de la nation ont été dépourvus d’électricité et un grand nombre d’entre eux ont été privés d’eau courante ou de service téléphonique. Le 23 septembre, l’électricité n’était rétablie que dans certaines parties de l’île.

La domination coloniale US amplifie l’impact de la dépression capitaliste mondiale actuelle sur les travailleurs de Porto Rico.

Le rassemblement a eu lieu à la Place de la révolution au centre-ville de Lares, où une révolte armée contre la domination coloniale espagnole, El Grito de Lares (la bataille du Cri de Lares) a été lancée le 23 septembre 1868, moins de trois semaines avant le soulèvement anticolonial à Cuba connu sous le nom de Grito de Yara. Ramón Emeterio Betances et d’autres révolutionnaires portoricains ont dirigé la lutte pour l’indépendance et l’abolition de l’esclavage.

Bien que la rébellion ait été écrasée, elle est devenue un symbole de la lutte pour la libération après que Washington a envahi Porto Rico en 1898 pour l’arracher à l’Espagne et en devenir le maître colonial.

La célébration du Grito de Lares de cette année a été marquée par une opposition croissante aux attaques gouvernementales contre le niveau de vie et les droits des travailleurs. Cette lutte porte en particulier sur la loi cyniquement nommée PROMESA (« promesse » en espagnol), que le Congrès US a imposée à l’île en vue de forcer le régime colonial à rembourser la dette de 70 milliards de dollars aux détenteurs d’obligations. La loi a établi un conseil de « contrôle fiscal » composé de sept membres désignés par le président US Barack Obama et qui a le pouvoir de vendre les actifs portoricains, de licencier des travailleurs, d’appliquer la loi antigrève, de réduire le salaire minimum à 4,25 $ l’heure pour les travailleurs de moins de 25 ans et d’emprisonner les responsables qui refusent de mener à bien ses ordres.

Cela vient s’ajouter aux dizaines de milliers de fonctionnaires qui ont déjà été mis à pied, de même qu’à l’augmentation abrupte des taxes de vente et à la réduction considérable des services sociaux. Ce sont le Parti populaire démocratique (PPD), pro Commonwealth, et le Nouveau parti progressiste, favorable à l’annexion aux États-Unis, qui ont mené ces attaques au cours des dix dernières années.

« La dette n’est pas la nôtre »

« La dette n’est pas la nôtre, c’est la dette de l’impérialisme ! » a déclaré Aleida Centeno à la manifestation au nom du Parti nationaliste. « C’est nous qui devrions présenter une facture aux États-Unis pour les 118 années d’exploitation et de pillage. »

María de Lourdes Santiago, la candidate du Parti indépendantiste portoricain (PIP) au poste de gouverneure de Porto Rico, a promis que si les candidats de son parti sont élus, ils refuseront de se conformer à PROMESA et aux ordres du conseil fiscal, même s’ils sont menacés d’emprisonnement.

María de Lourdes Santiago a dit que les partisans du PIP, qui sont allés de porte en porte, n’ont jamais vu une si grande ouverture pour leur message anticolonial dans une nation qui, pendant des décennies, a été polarisée entre les partisans du statut actuel de « Commonwealth », de l’accession de Porto Rico au statut d’un État US ou de l’indépendance.

Eduardo Villanueva, président du Comité des droits humains, a signalé un soutien croissant envers la lutte pour la libération d’Oscar López Rivera, un independentista portoricain qui est en prison aux États-Unis depuis plus de 35 ans. Il a résisté à tous les efforts pour le faire craquer et lui faire renoncer à ses opinions, a dit Eduardo Villanueva.

Une action d’envergure exigeant la libération d’Oscar López est prévue pour le 9 octobre à Washington. Eduardo Villanueva a dit que les organisations ici présentes planifient d’envoyer une délégation. Une manifestation aura également lieu à San Juan.

Wilma Reverón, coprésidente du Mouvement indépendantiste national hostosien (MINH), a également souligné l’importance de la lutte pour la libération d’Oscar López Rivera. Elle revenait tout juste d’un sommet à Caracas, au Venezuela, du Mouvement non aligné, où le MINH a représenté le mouvement pour l’indépendance de Porto Rico. Elle a dit que le sommet avait exigé que Washington libère Oscar López.

Des manifestations sont organisées à San Juan durant la célébration du cinquantième anniversaire de la Cour fédérale US à Porto Rico prévue pour la semaine suivante, a dit Wilma Reverón. La cour possède une histoire, longue de plusieurs décennies, de coups montés et de répression contre le mouvement pour l’indépendance.

La candidate présidentielle du SWP prend la parole

Alyson Kennedy, la candidate du Parti socialiste des travailleurs pour la présidence US, a dit à la foule qu’elle faisait une visite de neuf jours de l’île « pour soutenir le droit de Porto Rico à l’auto-détermination et pour se joindre aux manifestations contre le conseil de contrôle fiscal US ainsi que d’autres luttes par les travailleurs et les jeunes pour défendre emplois, salaires, soins de santé, éducation et niveau de vie. »

La lutte pour l’indépendance de Porto Rico « est aussi dans l’intérêt des travailleurs aux États-Unis parce que nous faisons face à un ennemi commun, la classe dirigeante impérialiste et son gouvernement, » a-t-elle dit.

Le SWP construit activement l’action du 9 octobre à Washington pour Oscar López, a-t-elle ajouté. Ses commentaires ont été très bien reçus et des journaux quotidiens de même que des stations de télévision ont rapporté sur son discours.

Camila Sánchez-Longo a parlé au nom des jeunes qui maintiennent un camp de tentes permanent en face du tribunal US à San Juan depuis le mois de juin pour protester contre PROMESA et le conseil de contrôle fiscal.

José Rivera du Front socialiste et Norberto González Claudio du Parti des travailleurs révolutionnaires portoricains (PRTP-Macheteros) ont aussi pris la parole lors du rassemblement. Norberto González Claudio a été emprisonné aux États-Unis de 2011 à 2015 pour ses activités pro-indépendance. D’autres orateurs, notamment Miriam Montes Mock, cousine d’Ana Belén Montes, qui purge une peine de 25 ans de prison aux États-Unis pour avoir donné des renseignements au gouvernement cubain lorsqu’elle travaillait pour l’agence US de renseignement et de défense, et Jorge Farinacci Fernós, fils du défunt dirigeant independentistaJorge Farinacci García.