Des manifestants acclament la victoire de Standing Rock et disent que « la lutte n’est pas encore finie »

Tony Lane
et Kevin Dwire
le 19 décembre 2016

CAMPEMENT D’OCETI SAKWIN, DAKOTA DU NORD — « Nous voulons remercier tous ceux qui ont joué un rôle pour défendre notre cause, » a dit David Archambault II, président de la tribu des Sioux de Standing Rock, saluant la victoire obtenue lorsque le Corps des ingénieurs de l’armée des États-Unis a refusé d’accorder à la compagnie Dakota Access un droit de passage pour son oléoduc ici à travers le lac Oahe et a annoncé qu’il allait commencer à chercher des tracés alternatifs pour l’oléoduc.

« Nous remercions les jeunes de la tribu qui ont initié ce mouvement. Nous remercions les millions de personnes autour du monde qui ont exprimé leur soutien à notre cause, a dit Dave Archambault. Nous remercions les milliers de personnes qui sont venues aux campements pour nous soutenir, ainsi que les dizaines de milliers qui ont fait don de leur temps, de leur talent et de leur argent à nos efforts pour nous opposer à cet oléoduc au nom de la protection de notre eau.

« Nous remercions tout particulièrement toutes les autres tribus et juridictions qui nous ont apporté leur solidarité et nous nous tenons prêts à vous aider si et quand votre peuple en aura besoin, » a-t-il affirmé. Depuis des mois des centaines d’Autochtones d’à travers le pays ont soutenu les Sioux de Standing Rock dans leur lutte pour protéger leur réserve d’eau, les terres funéraires de la tribu et les terres culturelles sacrées.

La décision de l’administration de Barack Obama de reculer et d’arrêter les efforts pour construire cet oléoduc à travers la région fait suite à une escalade marquée des attaques contre les manifestants de la part des autorités locales et celles de l’État du Dakota du Nord. Celles-ci ont utilisé des balles en caoutchouc, du gaz au poivre, des grenades explosives et des canons à eau contre des milliers de « protecteurs de l’eau. »

Le gouverneur du Dakota du Nord Jack Dalrymple a annoncé le 28 novembre qu’il ordonnait l’évacuation de la région, citant « de sévères conditions climatiques anticipées. »

En réponse à cet ordre et aux attaques récentes, un groupe d’anciens combattants des forces armées, qui s’appelle Veterans Stand for Standing Rock [Vétérans solidaires de Standing Rock], a annoncé qu’il s’organise pour venir à la réserve et prêter main forte. Plus de 2 000 anciens combattants ont proposé de participer. Les organisateurs ont dit qu’ils serviraient de « boucliers humains » entre les manifestants et les flics.

Ils lèvent aussi des fonds pour mettre en place des hébergements, du chauffage et des centres de soins afin de permettre aux manifestants de passer l’hiver. Au 30 novembre, plus d’un demi-million de dollars avaient été récoltés.

Le soir du 4 décembre, il y avait une file de 1,5 km de voitures qui attendaient pour entrer dans le principal campement. « La façon dont la police militaire traitait des citoyens des États-Unis m’a brisé le coeur, » a dit au Militant  Wayland McIntire, un vétéran de l’armée handicapé et à la retraite. « Je suis venu ici pour me mettre entre la police et les manifestants. Les travailleurs doivent s’engager plus. »

Manuel Valenzuela, un vétéran du Vietnam, est venu de Colorado Springs. Il nous a dit qu’il risquait d’être déporté pour un délit mineur qui date d’il y a plus de 20 ans.

« Je me suis énervé quand j’ai vu la violence utilisée contre les manifestants, a-t-il dit. Dans l’armée, nous avons prêté serment pour protéger les citoyens US contre les ennemis étrangers et domestiques. Eh bien, ici l’ennemi domestique, c’est le gouvernement des États-Unis. »

Art Woodson et deux autres anciens combattants qui viennent de Flint au Michigan ont conduit 17 heures d’affilée pour participer à la défense de la manifestation. Les travailleurs de Flint ont fait face à une crise sanitaire parce que les autorités gouvernementales ont laissé de l’eau contaminée par du plomb, provenant de tuyaux en décomposition, empoisonner les enfants là-bas.

« À Flint, nous avons un urgent besoin d’eau, » a dit l’ancien combattant de la guerre du Golfe, âgé de 49 ans, à l’agence Associated Press. « Ici, au Dakota du Nord, ils essaient d’imposer un pipeline aux gens. Et à Flint, nous essayons d’obtenir des tuyaux pour avoir de l’eau potable. »

Beaucoup de manifestants ont dit que la mobilisation contre le pipeline est la plus grande manifestation d’Autochtones depuis des décennies. Brian Cladoosby, président du Congrès national des Indiens d’Amérique, a dit que la décision du gouvernement de refuser un permis pour le pipeline, qui menace les Sioux de Standing Rock et leur sol sacré, est une « victoire pour tous ceux des contrées indiennes. »

Parmi les nouveaux arrivants ici il y a un contingent de professionnels de la santé basés aux États-Unis qui ont étudié à l’École latino-américaine de médecine de Cuba. Ils ont dit être venus pour « servir humblement, en solidarité avec les Protecteurs de l’eau sacrée qui sont en première ligne de la crise actuelle des droits humains et écologiques qui se déroule maintenant au Dakota du Nord. »

« C’est une victoire énorme, » a dit White Buffalo Boy, un Sioux Hunkpapa, parlant pour la Voix du camp lors d’une conférence de presse ici le 5 décembre. « Mais la nuit dernière, les lumières étaient encore allumées sur le site du pipeline, les hélicoptères étaient toujours en mouvement. Jusqu’à ce que nous allions à la plate-forme de forage et que nous constations qu’il n’y a plus de forage, rien n’est fini, » a-t-il dit.

La compagnie dit qu’elle finira le pipeline sans changer l’itinéraire. Ses avocats sont allés à la cour fédérale le 5 décembre pour demander un jugement contre la décision du Corps des ingénieurs.

« Aujourd’hui, les directives de la Maison-Blanche au Corps des ingénieurs dans le but de reporter les travaux n’est que la plus récente d’une série d’actions, manifestement politiques, d’une administration qui a entravé la justice pour obtenir la complicité d’un courant politique étroit et extrémiste au sein de l’électorat, » a déclaré Energy Transfer Partners, les propriétaires du pipeline, le 4 décembre.